300 Spartiates face aux Perses : ce que révèle l'archéologie

En infériorité numérique et sans se décourager, les guerriers spartiates et les autres troupes grecques tinrent bon face à la puissante Perse, jusqu'à ce que la trahison fasse s'abattre sur eux la fureur du roi Xerxès.

De Javier Murcia
Publication 24 mars 2022, 11:51 CET
Undaunted

« À ce moment-là, les lances de la plupart d'entre eux étaient brisées, et ils tuaient les Perses avec leurs épées », raconte Hérodote. Le carnage des derniers instants héroïques de la bataille des Thermopyles est reconstitué de manière saisissante dans cette scène de bataille du 20e siècle réalisée par Stanley Meltzoff.

PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

Au début du mois de juin de l'année 480 avant J.-C., la puissante armée perse traversa le détroit des Dardanelles sur deux ponts flottants avant poursuivre une avancée brutale en Grèce. Dirigées par le grand roi Xerxès, les troupes perses se dirigeaient vers les Thermopyles, un étroit col de montagne nommé d'après les sources chaudes de soufre de la région (Thermopyles signifie « portes chaudes »). Situées sur la côte est de la Grèce, entre le golfe de Malte et le massif du Kallidromo, à environ 136 km au nord-ouest d'Athènes, les Thermopyles sont un paysage accidenté et escarpé, fait de broussailles épaisses, d'arbustes épineux et de collines abruptes, où le mauvais temps - pluies torrentielles et chaleur torride - est la norme.

Ce col extraordinairement inhospitalier de plus de 6 kilomètres de long - le moyen le plus rapide et le plus facile de progresser des plaines de Thessalie vers le centre de la Grèce - allait bientôt être le théâtre d'une bataille légendaire, un épisode épique de trois jours immortalisé dans la littérature et l'histoire comme un exemple emblématique de résistance héroïque.

 

CHIFFRES ET FAITS

Une grande partie de ce que l'on sait de la bataille des Thermopyles, et des guerres gréco-persanes en général, nous vient d'Hérodote, historien grec du 5e siècle avant notre ère. Parmi les autres sources, citons l'historien Diodore de Sicile (dont le récit du 1er siècle avant J.-C. s'inspire en partie de l'historien grec Ephore de Cumes), les Grecs de l'Antiquité Plutarque et Ctésias, l'historien moderne George Beardoe Grundy (qui a effectué un relevé topographique du col étroit des Thermopyles) et, dans une moindre mesure, le tragédien grec Eschyle.

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    Aucun récit perse de cette bataille épique ne nous est parvenu, et de nombreux chiffres restent non confirmés à ce jour. Le nombre de soldats sous le commandement de Xerxès, par exemple, fait l'objet d'un débat sans fin. Selon Hérodote, le personnel militaire du roi perse comptait en tout 2,6 millions d'hommes. Son contemporain Simonide de Céos, un poète lyrique grec, l'évalue à 4 millions. Ctésias, quant à lui, dénombre 800 000 soldats, tandis que les estimations des historiens modernes, fondées sur les capacités et les contraintes logistiques des Perses à cette époque, se situent entre 120 000 et 300 000 hommes.

    Une chose sur laquelle la plupart des sources s'accordent est que la bataille des Thermopyles était à la fois le fruit d'une vengeance et d'une ambition. Dix ans auparavant, Darius, le père de Xerxès, avait été vaincu par les Grecs dans la plaine de Marathon, près d'Athènes, une bataille qui avait mis un terme définitif à la première invasion perse. 

    Persépolis a été fondée par Darius Ier, également connu sous le nom de Darius le Grand - le roi qui a initié la guerre contre la Grèce que son fils Xerxès a ensuite poursuivie.

    PHOTOGRAPHIE DE Shutterstock

    Dix ans plus tard, Xerxès était déterminé à se venger - et finalement à prendre l'avantage - en soumettant toute la Grèce et en étendant ainsi l'Empire perse vers l'ouest.

     

    L'ATTAQUE DE XERXÈS

    Au cours de l'été 480 av. J.-C., il se heurta à une rare alliance entre des cités-États grecques normalement divisées, dont certaines furent contraintes de suspendre la guerre entre elles pour faire face à la menace plus importante de la Perse ennemie. Athènes, qui avait soutenu les cités grecques lors de la révolte ionienne et avait ensuite vaincu Darius en 490, était à la tête de la coalition avec Sparte. 

    L'homme politique et général athénien Thémistocle dirigea la défense navale grecque, bloquant la flotte perse au détroit d'Artémisium. Léonidas, roi de Sparte, commandait les forces terrestres aux Thermopyles : 300 membres de sa garde royale spartiate, appelés les hippeis - sujets d'innombrables livres, films, poèmes et chansons - ainsi qu'un contingent moins célèbre de 7 000 soldats au total, dont 1 000 Phocéens, 700 Thespiens et 400 Thébains.

    Léonidas, alors âgé d'une soixantaine d'années, était monté sur le trône vers 490 avant J.-C., après la mort du roi précédent, son demi-frère Cléomène, qui n'avait point d'héritier. Les 300 Spartiates qui l'accompagnaient constituaient un cadre d'élite que Léonidas avait choisi personnellement. Il voulait que seuls les soldats ayant une descendance l'accompagnent, car il savait qu'ils avaient peu de chances de survivre et voulait être sûr que leur lignée se perpétuerait. Plutarque écrit que lorsqu'on demanda au roi avant la bataille : « Quoi, Léonidas, tu viens combattre un si grand nombre avec si peu d'hommes ? », il répondit laconiquement : « J'en ai assez, puisqu'ils vont se faire tuer. »

    Les forces de Xerxès avaient progressé avec facilité dans les régions de Thrace, de Macédoine et de Thessalie, où les habitants effrayés se rendirent sans combattre. Lorsque Xerxès arriva aux Thermopyles à la mi-août, il rencontra une résistance inattendue.

     

    UNE STRATÉGIE BIEN PENSÉE

    Le plan de Léonidas consistait à retenir Xerxès au col étroit - un terrain avantageux qui agirait comme un multiplicateur de force pour une armée de taille inférieure. Limités par la gorge étroite, les Perses ne pourraient pas tirer parti de leur supériorité numérique, ni utiliser leur cavalerie. Pendant ce temps, la flotte grecque pouvait se concentrer sur la défaite des forces perses dans le détroit au nord de l'île d'Eubée, qui se trouvait à proximité.

    Léonidas, que l'on voit ici sur un buste en marbre du 5e siècle avant notre ère, fut surpris d'apprendre qu'un sentier de montagne pouvait permettre aux envahisseurs de contourner sa position.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    Telle était la stratégie, mais lorsque Léonidas arriva aux Thermopyles, il fut perturbé de découvrir qu'un sentier de montagne - le chemin d'Anopaia - pouvait permettre aux envahisseurs de contourner sa position. Il était cependant trop tard pour changer de stratégie : la flotte était déjà en position. Léonidas chargea les 1 000 Phocéens de garder le chemin pendant que ses hommes réparaient un mur qui protégeait une ouverture au milieu du col.

    Xerxès établit son camp près des Thermopyles et attendit son heure pendant quatre jours. Il était convaincu que les Grecs, à la vue de sa puissante armée, seraient saisis d'effroi et battraient en retraite. Selon Plutarque, il envoya un messager à Léonidas pour l'exhorter à déposer les armes, mais le roi spartiate, selon Plutarque, répondit : « Molon labe ! - Venez et prenez-les ! »

    Le cinquième jour, l'attaque perse commença. Leur supériorité numérique ne fut pas un avantage dans cet espace restreint, comme l'avait prévu Léonidas. Bien qu'ils aient fait preuve de beaucoup de courage et d'endurance, ils étaient mal entraînés pour ce terrain et manquaient d'armes lourdes. Leurs épées étaient plus courtes que celles des Grecs, et leurs boucliers plus petits. Leurs arcs et leurs flèches s'avéraient également inutiles contre les solides boucliers des Grecs.

    L'espace restreint convenait aux Grecs, qui avaient l'habitude de se battre en formation de phalange, épaule contre épaule, présentant un mur de boucliers à l'ennemi. C'était l'occasion pour les Spartiates, en particulier, de démontrer leur aptitude au combat, fruit d'une vie vouée corps et âme à l'armée.

     

    TRAHISON ! 

    Les Grecs repoussèrent les hommes de Xerxès à plusieurs reprises, et les pertes perses s'accumulèrent. Avant la fin de la première journée, Xerxès avait rassemblé ses meilleures troupes, un groupe d'élite de 10 000 hommes sous le commandement du noble perse Hydarnès. Les Grecs les surnommèrent « les Immortels » car ils semblaient capables de remplacer immédiatement les pertes, de sorte que leurs rangs ne s'épuisaient jamais.

    Au début, même les Immortels, le corps d'élite perse composé d'archers, représenté ici sur une frise du palais de Darius à Suse, n'ont pas pu soumettre l'armée grecque dirigée par les Spartiates à la bataille des Thermopyles.

    PHOTOGRAPHIE DE Louvre Museum, Paris Aurimages

    Mais même ces redoutables guerriers ne parvinrent pas à soumettre les Grecs et furent bientôt contraints de battre en retraite. Xerxès, qui observait la bataille depuis un trône doré situé dans les contreforts voisins, aurait sauté de son siège à plusieurs reprises, rempli de rage devant l'échec de ses troupes.

    Le lendemain, les Perses attaquèrent et échouèrent à nouveau. C'est alors qu'un berger grec local nommé Ephialtès (dont le nom est devenu depuis synonyme de trahison) leur livra le secret de la victoire. Ephialtès parla à Xerxès du chemin d'Anopaia, qui contournait la crête de la montagne et aboutissait derrière les positions grecques, à l'extrémité orientale du col. En échange d'une belle récompense, il promit de montrer le chemin aux soldats perses. Selon Hérodote, Xerxès confia cette mission à Hydarnès et à ses Immortels, qui partirent du camp perse « vers l'heure où les lampes sont allumées » et marchèrent toute la nuit sur le sentier.

    Lorsque Léonidas apprit que les Perses avaient encerclé ses forces, il convoqua un conseil de guerre. Les Grecs devaient-ils battre en retraite ou tenir bon ? Malgré leur position intenable, Léonidas resta sur sa décision : ses 300 Spartiates, ainsi qu'un groupe de Thébains, resteraient sur place pour se battre. Son sens de l'honneur et sa stricte discipline militaire rendaient toute reddition impensable. Pour un Spartiate comme Léonidas, il n'y avait que deux options : vaincre ou mourir. Hérodote ajoute un autre élément d'explication : l'oracle de Delphes avait prédit que soit Sparte serait détruite par les Perses, soit son roi mourrait. Sachant cela, Léonidas a peut-être cru que son sacrifice sauverait sa cité-état.

    Lorsque ce mémorial à Léonidas fut érigé aux Thermopyles en 1955, le paysage avait beaucoup changé depuis la bataille de 480 avant J.-C., lorsque le massif du Kallidromo formait le mur sud de l'étroit col des Thermopyles et que la limite nord était la mer Égée. Au fil des siècles, le limon apporté en aval par les rivières a déplacé le littoral plus au nord.

    PHOTOGRAPHIE DE James T. Carnehan/Age Fotostock

    MORT D'UN CHEF, NAISSANCE D'UNE LÉGENDE

    Léonidas ordonna à la flotte grecque présente dans le détroit d'Artémisium d'abandonner sa position et intima à la plupart des hommes qui combattaient avec lui sur terre de quitter le champ de bataille. Ceux qui restèrent mangèrent pour reprendre des forces. D'après Diodore de Sicile, Léonidas aurait dit, avec un humour grinçant : « Prenez un bon petit-déjeuner, car ce soir nous dînerons chez Hadès ! ». Ephore de cumes et Diodore de Sicile racontent que Léonidas lança ensuite un assaut audacieux et précoce sur le camp perse. Le récit d'Hérodote, en revanche, décrit une offensive perse. Xerxès ne se serait pas précipité pour attaquer car Hydarnès avait besoin de temps pour achever ses préparatifs. Le général fit des libations au soleil levant, qui était vénéré par les Perses, puis attendit le milieu de la matinée pour lancer l'assaut perse.

    Léonidas délaissa la protection de la gorge étroite et prit position dans une zone ouverte. Bien que dangereusement exposé, il était mieux placé pour déployer ses hommes et tuer le plus grand nombre d'ennemis. Les Grecs, sachant que la mort était la seule issue possible, se battirent avec une frénésie insouciante. Lorsque leurs lances furent brisées, ils dégainèrent leurs épées et continuèrent à se battre.

    Finalement, Léonidas tomba. Une escarmouche éclata autour de lui. Les Spartiates attaquèrent les Perses et réussirent à les tenir en échec et à récupérer le corps de leur roi. Lorsque les défenseurs virent qu'Hydarnès était arrivé avec les Immortels, ils se replièrent et se regroupèrent sur les hauteurs, derrière le mur de protection. Ceux qui avaient encore des épées se défendirent, les autres se battirent avec « les poings et les dents ». Les Perses finirent par abattre le mur et les encerclèrent, mais ils évitèrent les combats au corps à corps. Ils préférèrent achever leurs ennemis à coups de flèches.

    À l'avant d'une phalange spartiate, Léonidas fut finalement tué par les Perses, un moment représenté ici par le peintre italien Massimo d'Azeglio, vers 1823, conservé à la galerie civique d'art moderne et contemporain de Turin.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    Sur ordre de Xerxès, les Grecs thébains qui avaient survécu furent marqués au fer rouge sur le front, comme des esclaves. Hérodote raconte que Léonidas eut la tête tranchée et le corps empalé. Il fut enterré aux Thermopyles, avec les autres soldats. Un monument funéraire en pierre en forme de lion fut érigé par la suite, et le poète Simonide écrivit une épitaphe simple à l'intention de tous les morts : « Va dire aux Spartiates, toi qui passes par là / Qu'ici, obéissant à leurs paroles, nous reposons. »

    En 440 avant J.-C., les ossements de Léonidas furent transférés à Sparte. On peut y voir sa tombe près de la ville moderne de Sparte aujourd'hui. Après les Thermopyles, les Grecs remportèrent de grandes victoires à Salamine et à Platée, où ils vainquirent les Perses de manière décisive. Léonidas et ses hommes avaient renforcé le prestige de Sparte et remonté le moral de tous les Grecs pour continuer à se battre contre les Perses. Comme l'a écrit Diodore de Sicile : « Ces hommes, donc, seuls de tous ceux dont l'histoire a conservé la trace, se sont vu accorder dans la défaite une plus grande renommée que tous les autres qui ont remporté les plus belles victoires. »

     

    NE JAMAIS SE RENDRE

    Aux Thermopyles, Léonidas autorisa deux soldats spartiates à se retirer du combat pour cause de maladie. Eurytus décida de rester et fut tué au combat. L'autre, Aristodème, rentra chez lui, mais lorsqu'il atteignit Sparte, il fut évité, marginalisé et privé de ses droits civiques. Selon Hérodote, « aucun Spartiate ne voulait lui donner du feu, ni lui parler ; et ils l'appelaient pour lui faire honte, Aristodème le lâche. »

    Astrodemus est désavoué par ses compatriotes à son retour de la bataille des Thermopyles dans ce dessin de Félix Auvray datant du 19e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE Michel Urtado/RMN-Grand Palais

    Xénophon, qui écrivit au début du 4e siècle avant notre ère, décrivit comment les personnes perçues comme lâches à Sparte n'étaient pas autorisées à partager une table, étaient exclues des jeux au gymnase et étaient ignorées pendant les danses choriques. Un lâche devait céder sa place, même à un homme plus jeune, et aucune femme ne voulait l'épouser. « Je ne m'étonne pas qu'à Sparte, on juge la mort préférable à une vie ainsi imprégnée de déshonneur et de reproche. »

    Les tourments d'Aristodème ne durèrent pas longtemps. L'année suivante, il retourna combattre les Perses, cette fois à la bataille de Platée. Il se battit furieusement, désireux de rattraper ses manquements « honteux » aux Thermopyles. « Il souhaitait manifestement mourir », écrit Hérodote. Aristodème mourut finalement au combat.

    Les Spartiates à la bataille de Platée sont illustrés ici par Edward Ollier pour l' « Illustrated Universal History » de Cassell de 1890.

    PHOTOGRAPHIE DE Look And Learn, Bridgeman, ACI

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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