À qui appartient la Joconde ?

Le tableau le plus célèbre du monde a récemment été au cœur d’une demande de restitution à l’Italie, au nom des descendants des héritiers de Léonard de Vinci. Depuis 1797, la Joconde est exposée au Louvre, à Paris.

De Morgane Joulin
Publication 7 juin 2024, 10:02 CEST
La Joconde de Léonard de Vinci représenterait Lisa Gherardini, l’épouse du marchand d’étoffes florentin Francesco del Giocondo, ...

La Joconde de Léonard de Vinci représenterait Lisa Gherardini, l’épouse du marchand d’étoffes florentin Francesco del Giocondo, surnommée la « Gioconda » et francisée « La Joconde ».

PHOTOGRAPHIE DE Russell Mountford / Alamy Banque D'Images

Le 25 avril 2024, l’association « International Restitution », dont le siège social et les représentants sont implantés à Pollestre dans les Pyrénées-Orientales, a formulé une demande de restitution au musée du Louvre pour que La Joconde soit rendue à l’Italie, au nom des descendants des héritiers de Léonard de Vinci. Le 14 mai, la demande a été rejetée par le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, qui l’a jugée irrecevable. 

Le Conseil, qui entend faire jurisprudence, a estimé que le statut de l'association International restitutions, qui revendique « veiller à la licéité de la composition des collections des musées publics » et « protéger le patrimoine culturel mobilier afin qu’il reste à disposition des populations autochtones dans le lieu ou le pays d’origine de création », ne lui confère toutefois pas la qualité d'entreprendre une telle procédure. L’association a été condamnée par le Conseil d’État à une amende de 3 000 euros, pour « demande abusive », d’après un article de l’Indépendant. « Seules les personnes qui estimeraient en être les légitimes propriétaires ayant intérêt, le cas échéant, à la restitution de ces biens », a tranché le Conseil. 

Malgré tout, le président d’International Restitution, Robert Casanovas, se dit « extrêmement satisfait de cette décision. » L’association n’en était pas à son coup d’essai. En octobre 2022, elle avait sollicité la suppression de l'inventaire du musée du Louvre « des objets ayant pour origine les envois effectués à la suite des fouilles réalisées par le service archéologique de l’Armée d’Orient entre 1915 et 1923 ». Cependant, un mois avant, elle s’était désistée, avant de lancer une nouvelle salve, un mois après. Elle sollicitait l'annulation de « l’inscription à l’inventaire du musée chinois du château de Fontainebleau de l’intégralité des objets issus de la mise à sac du Palais d’Été de Pékin » par les troupes françaises en 1860. Cependant, elle avait déjà été déboutée par le Conseil d'État, qui avait déjà jugé qu'elle n'avait pas « la capacité d'agir. »

En outre, un certain flou demeure autour de l’organisation en elle-même. Elle ne possède pas de site internet, de réseaux sociaux et dit vouloir agir pour la demande de restitution de la Joconde, « pour le compte des descendants des héritiers » de Léonard de Vinci. 

Les transformations de la Joconde révélées par la technologie

 

LA JOCONDE ET LA FRANCE, UNE HISTOIRE ANCIENNE

Aujourd’hui encore et depuis 1966, la Joconde est exposée dans la salle des États du musée du Louvre. Elle figure parmi d’autres œuvres très connues de l’école vénitienne comme Les Noces de Cana de Paul Véronèse ou La Femme au miroir du Titien. Mais c’est elle, le véritable emblème du musée. Sur les 10,2 millions de visiteurs qui se sont rendus au Louvre en 2018, 80 % étaient venus la contempler.

Si la date de l’exécution du portrait fait encore débat, il semble qu’il ait été réalisé à la fin de la vie de Léonard de Vinci, entre 1503 et 1506. Toute la maturité de l'artiste est visible dans son utilisation d'un répertoire technique étayé, avec son sfumato, un travail de composition et l'incorporation de certains archétypes du portrait de la Renaissance. 

Quelques années après l'exécution du tableau, durant l’hiver 1516, le célèbre peintre et inventeur italien était tombé en disgrâce aux yeux des Médicis. Il était donc venu se placer sous la protection du roi de France, François Ier. Avec lui, il emporta plusieurs tableaux dont La Joconde, mais aussi La Vierge, l’enfant Jésus et Sainte-Anne, La Vierge aux rochers, Le Saint-Jean Baptiste, ses carnets, et même des dessins. Il offrit tout cela à son nouveau mécène, en échange de quoi, le roi lui versait une pension de 700 écus d’or par an.

À partir de cet instant, ces œuvres ne quittèrent plus la France et entrèrent dans les collections royales de François Ier. Mais « la façon dont la Joconde entre dans les collections royales, transférées au Louvre depuis la Révolution, est peu claire », relève Catharine Titi, chercheuse au CNRS, juriste, experte en droit du patrimoine culturel et en restitution des biens culturels.

La première explication, d’après l’experte, serait la suivante : « Selon une version de l’histoire, François Ier aurait hérité de l’œuvre à la mort de Léonard de Vinci en application du droit d’aubaine, qui permettait au souverain d’hériter des biens d’un étranger, si ce dernier mourait sans enfants régnicoles, c’est-à-dire français. »  

Néanmoins, une seconde hypothèse demeure. « En 1518, un an avant la mort de Léonard de Vinci, le roi a acheté la Joconde à Salaì, assistant et disciple de Léonard de Vinci. Curieusement, peu de temps après, à la mort soudaine de Salaì, un tableau retrouvé en sa possession correspondait aussi à la description de la Joconde. (L’un des deux tableaux était probablement une copie faite par Salaì.) » Dans cette hypothèse, il semble que François Ier ait acheté le tableau par la suite. 

Ainsi, « que ce soit en application du droit d’aubaine ou par achat, La Joconde se retrouve donc en France légitimement », conclut Catharine Titi. Même lorsqu’elle a été retrouvée en Italie après le vol de Vincenzo Peruggia en 1911, les autorités italiennes retournèrent volontairement l’œuvre à la France, preuve de son appartenance française.

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