Ankhésenpépi II : la reine égyptienne qui voulait être pharaonne pour l’éternité
Bien avant Cléopâtre et Hatchepsout, Ankhésenpépi II accumula un pouvoir politique et religieux sans égal.

Cette emblématique statuette égyptienne en albâtre figure la reine Ankhésenpépi II avec son fils, Pépi II, dans son giron. Il porte la même coiffe royale caractéristique que celle que porta plus tard Toutankhamon, un emblème facilement reconnaissable de la royauté. Cette petite sculpture comporte toutefois un détail inhabituel : Ankhésenpépi II est deux fois plus imposante que son fils. Il s’agit d’une subversion délibérée des préceptes artistiques égyptiens, qui voulaient que le pharaon ne soit dominé que par les dieux. Ankhésenpépi II porte une coiffe en forme de vautour associée aux déesses et au pouvoir féminin.
Dans un recoin calme du Brooklyn Museum de New York, une sculpture lumineuse en albâtre à l’effigie d’une reine égyptienne capte l’attention.
Haute de quarante centimètres à peine, l’œuvre est de dimensions modestes mais frappe par sa présence : Ankhésenpépi II, reine de l’Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.), est assise sur son trône avec son fils, le pharaon Pépi II, juché sur ses genoux. Elle porte la même coiffe royale caractéristique que l’on vit plus tard sur le chef de Toutankhamon, un emblème de la royauté facilement reconnaissable. Cette petite sculpture présente une particularité étonnante : Ankhésenpépi II fait deux fois la taille de son fils, une subversion délibérée des préceptes artistiques égyptiens selon lesquels le pharaon n’était dominé que par les dieux.
Sur cette sculpture, le roi d’Égypte a beau porter la couronne, c’est sa mère qui règne sur la composition.
Sculptée voilà plus de 4 000 ans, la statuette semble exiger une réponse à la question suivante : comment une femme parvint-elle à une telle position de pouvoir dans un monde construit pour les hommes ? Durant de nombreuses décennies, la question demeura sans réponse. La sculpture était une énigme depuis son apparition sur le marché de l’art au 19e siècle sans aucune indication quant aux conditions de sa découverte. Abstraite de son contexte et de sa fonction originels, elle n’offrait guère plus qu’un aperçu fascinant de cette reine autrefois puissante mais depuis longtemps disparue qui gouverna l’Égypte au nom de son fils durant le crépuscule de l’Ancien Empire.
Puis, en 2000, des sables de Saqqarah, la vaste nécropole abritant les premières pyramides d’Égypte et nombre de ses pharaons puissants, émergea enfin une réponse. La Mission archéologique franco-suisse de Saqqara (MAFS), menée par les archéologues Audran Labrousse et Jean Leclant, mit au jour un complexe pyramidal en ruine portant le nom d’Ankhésenpépi II. Cette découverte prit un caractère encore plus remarquable quand les archéologues dégagèrent ses chambres funéraires enfouies. Là, ils découvrirent sa chambre sépulcrale, couverte de centaines de formules tirées des Textes des pyramides, des écrits religieux qui constituaient pour les pharaons les clés magiques d’accès à la résurrection et au pouvoir dans l’au-delà.
Ces textes furent découverts sur des centaines de fragments éparpillés à travers les sables et durent être laborieusement reconstitués. Pendant plus de vingt ans, Bernard Mathieu, égyptologue et épigraphiste français de la MAFS, a soigneusement photographié, esquissé, dénombré, scanné et archivé chacun des plus de 1 600 fragments écrits découverts alors qu’ils reconstruisaient les murs brisés de la chambre funéraire. « En dégageant le complexe funéraire de la reine et en recueillant les fragments portant des inscriptions au fil de onze campagnes de fouilles, […] il s’est agi de restaurer l’intégralité du programme épigraphique des murs de la chambre funéraire », se souvient Bernard Mathieu.
Cette longue et minutieuse entreprise a récemment donné lieu à la publication impressionnante des Textes des pyramides d’Ankhésenpépi II, désormais de nouveau lisibles plus de quatre millénaires après avoir été gravés. Ils offrent un nouvel aperçu important sur le monde de cette reine hors du commun.
Jusqu’à ce que l’on découvre les mots sacrés des Textes des pyramides dans la chambre funéraire d’Ankhésenpépi II, on les pensait réservés aux rois. Ces formules constituaient le rite le plus sacré de la religion de l’Égypte ancienne et étaient destinés à conférer au roi défunt le pouvoir et l’immortalité des dieux. Il s’agissait d’honneurs auxquels même les membres les plus éminents de l’élite ne pouvaient prétendre : seul le roi, en tant que fils du dieu Soleil Rê et en tant qu’incarnation du dieu de la royauté Horus, était jugé digne d’un accès illimité à ce pouvoir magique.

Une tête en bois découverte lors de fouilles à Saqqara, près des pyramides de Gizeh, qui représenterait Ankhésenpépi II.
En s’appropriant les incantations des pharaons, Ankhésenpépi II franchit une limite religieuse de manière aussi radicale que courageuse, revendiquant une vie divine de pharaon dans l’au-delà. Audran Labrousse, découvreur de sa pyramide, dit d’elle qu’elle fut « la première femme indépendante ». « Même si elle agissait au nom de son fils, elle avait le pouvoir. Alors pourquoi pas l’éternité ? Elle fut la première femme à se rendre immortelle. »
Ses titres, qui la proclamaient « Fille de Deux Dieux », l’élevaient à un rang divin. La sculpture du Brooklyn Museum renforce ses liens divins en lui faisant adopter une pose inspirée d’Isis qui établit un parallèle délibéré entre sa propre histoire et celle de la puissante déesse qui, elle aussi, protégea son jeune fils après la mort de son père et lui ouvrit la voie du trône. L’influence d’Ankhésenpépi II ne disparut pas avec elle ; des inscriptions révèlent qu’un culte funéraire durable lui fut rendu pendant des siècles après sa mort.
Cette longévité souligne combien elle s’était inscrite dans le tissu religieux et politique égyptien. On s’en souvint non seulement comme de la mère d’un pharaon, mais également comme d’une femme qui osa revendiquer les mêmes protections magiques et le même au-delà divin que les rois. Ce fut un acte révolutionnaire pour une femme, qui la distingue comme avant-gardiste politique et religieuse des siècles avant des souveraines célèbres telles que Hatchepsout et Cléopâtre.
REINE, MÈRE, RÉGENTE
Bien qu’Ankhésenpépi II fut encore une jeune femme lorsqu’elle épousa le pharaon Pépi Ier, qui régna de 2315 à 2275 avant notre ère, elle n’était pas étrangère au pouvoir politique. Née dans une famille influente d’Abydos, la province méridionale sacrée vénérée comme demeure éternelle des premiers pharaons, elle grandit dans l’orbite de parents puissants. Des stèles de sa ville natale préservent les noms et les titres complets des membres de sa famille. Son père exerça la fonction de gouverneur régional, c’est-à-dire d’intermédiaire entre la cour royale et les populations locales ; plus remarquable encore, sa mère fut l’une des seules femmes connues pour avoir exercé l’éminente fonction de vizir, c’est-à-dire de principale conseillère du pharaon et de plus haute responsable de la vaste administration de l’État.
Pour une fille élevée dans ce monde, l’idée qu’une femme puisse accéder aux plus hautes sphères politiques n’était pas inconcevable. Dans la famille d’Ankhésenpépi, il y avait précédent.
Il n’est pas surprenant que sa famille ait arrangé un mariage politique afin de resserrer les liens avec le pharaon. Ankhésenpépi et sa sœur aînée devinrent toutes deux épouses de Pépi Ier. Lorsque celui-ci les épousa, alors que la seconde moitié de son règne était déjà bien entamée, il était un souverain aguerri qui avait consolidé son pouvoir par l’action militaire et par la diplomatie. Deux filles mariées à un pharaon à l’apogée de son pouvoir, voilà qui ne pouvait que renforcer l’influence d’Ankhésenpépi et de sa famille. Pourtant, elle n’était qu’une des sept épouses du pharaon, et son chemin vers l’accession au pouvoir de facto n’avait rien d’évident.
Mais il était clair qu’elle avait de l’ambition : pour célébrer son mariage et son rapprochement avec le roi, Ankhésenpépi prit le nom par lequel nous l’appelons aujourd’hui encore, qui signifie « celle qui vit pour Pépi ». Elle conserva ce nom pour le restant de ses jours, même lorsque les circonstances politiques changèrent et qu’elle se remaria ; il s’agissait à la fois d’une affirmation de sa position éminente dans la hiérarchie royale et d’un hommage à son puissant premier époux.
Son fils Pépi II fut couronné à l’âge de six ans seulement (vers 2260 av. J.-C.). Des intrigues de palais hantèrent la 6e dynastie (2325-2175 av. J.-C.), une période marquée par des conspirations de cour et par un factionnalisme politique. Les gloires du grand âge des pyramides avaient deux siècles et des dignitaires régionaux de plus en plus puissants avaient entamé le cœur même de l’autorité pharaonique. Mais en tant que régente chargée de la tâche d’administrer le royaume jusqu’à ce que son fils soit en âge de le faire, Ankhésenpépi sut manœuvrer avec habileté dans ces conditions instables.
Au sein du palais, le cercle de veuves, de fils et de parents par alliance de Pépi Ier formait un paysage politique électrique, propice au renversement du règne d’un enfant-roi. Et le danger ne se limitait pas à la cour : les Nubiens, habitants du royaume situé au sud de l’Égypte, étaient irrités par la domination pharaonique, tandis que des rébellions éclataient dans les territoires égyptiens du nord.
Bien que les détails concernant la régence soient rares, son issue, elle, ne souffre pas l’équivoque. Son fils allait régner durant soixante-cinq années, le plus long règne d’un monarque dans l’Histoire égyptienne. Sa survie et la stabilité de ces premières années attestent de la capacité de la régente à manœuvrer habilement dans le contexte périlleux de la politique égyptienne.
Des témoignages concernant l’autorité politique d’Ankhésenpépi subsistent dans des archives archéologiques de toute l’Égypte. Une inscription des mines de turquoise du Ouadi Maghara, dans la péninsule du Sinaï, la proclame souveraine, ordonnatrice de cette mission royale en son nom propre ainsi qu’en celui de son fils. L’image qui l’accompagne la figure coiffée de la couronne des rois et non de celle des reines et la dit « aimée de tous les dieux », une description réservée à ces premiers.
Ici aussi, elle s’appropria les mots sacrés et les attributs royaux des pharaons et changea la représentation du pouvoir royal féminin.
UNE DÉCOUVERTE QUI A CHANGÉ NOTRE COMPRÉHENSION DES REINES D’ÉGYPTE
En 2000, des archéologues ont réalisé une découverte qui a bouleversé ce que nous croyions savoir de la royauté féminine en Égypte.
Pendant des siècles, les sables de Saqqara avaient dissimulé un faible relief indistinct près de la pyramide de Pépi Ier. Lorsque les archéologues commencèrent à dégager la zone, leurs attentes étaient modestes. Le site était une ruine. Des pillards y avaient sévi pendant des siècles, dès la période romaine, et avaient démantelé les murs de calcaire bloc par bloc, emportant la pierre finement taillée pour s’en servir dans leurs propres projets de construction. Il n’en demeurait qu’une dépression irrégulière dans le désert.
Une première piste avait émergé en 1997 après la découverte d’un linteau massif, dix-sept tonnes de pierre sculptée sortie des sables. Y figuraient les hiéroglyphes caractéristiques d’un nom royal : Ankhésenpépi. Ce texte monumental était conçu, ainsi que le fait observer l’égyptologue Vivienne Gae Callender, de telle sorte qu’un « premier coup d’œil encouragerait le spectateur à voir la reine comme souveraine ».
Le complexe était si vaste qu’il a fallu plus de trois ans pour que l’équipe localise la pyramide de la reine. À mesure qu’ils creusaient, la silhouette d’un tel édifice s’est dessinée. Sa base mesurait une trentaine de mètres environ de côté, ce qui en fait la plus grande pyramide connue à avoir été construite pour une reine égyptienne, à l’exception d’une seule : Sethibor, mystérieuse reine de la 5e dynastie.
Sa seule taille était ahurissante. Et elle comportait des caractéristiques uniquement associées aux pharaons : une large entrée à colonnes, une grande antichambre carrée et une salle des offrandes pavée d’albâtre lumineux. Des fragments des obélisques qui encadraient l’entrée suggèrent que leurs sommets dorés s’élevaient à près de cinq mètres dans les airs.
De plus amples preuves de la grandeur du tombeau ont surgi à mesure que les archéologues mettaient au jour une scène spectaculaire dans laquelle la reine flotte sur son bateau royal, les jambes écartées dans une posture masculine empruntée aux pharaons, alors qu’elle et sa fille effectuent un rituel. Philippe Collombert, le chef de fouilles, a également découvert une inscription intrigante dans le temple funéraire de la reine. On y lisait : « Sa Majesté a agi pour elle alors qu’elle était dans la résidence [royale] ». Chose que l’on a plus tard interprété comme une reconnaissance inédite de sa régence (mais aussi comme un rappel amusant que les rois d’Égypte doivent, eux aussi, rendre des comptes à leur mère).
En dégageant les salles souterraines, les archéologues ont découvert la chambre funéraire, malheureusement pillée voilà bien longtemps. Le sarcophage spectaculaire de la reine, en basalte noir, demeurait, son immense couvercle fendu en quatre morceaux colossaux. À l’intérieur ne restaient que des lambeaux de bandelettes de lin et des fragments d’os. Mais les inscriptions extérieures avaient survécu. Elles la proclamaient « Fille corporelle de [la déesse du ciel] Nout » et « Fille [du dieu de la terre] Geb », des titres qui entérinaient sa divinité, l’inscrivaient dans l’impérieuse lignée des dieux eux-mêmes.
La découverte la plus importante s’étalait le long de colonnes de hiéroglyphes sur les murs de la chambre funéraire où brillaient encore des traces de peinture verte vieilles de plus de 4 000 ans. Les archéologues comprirent immédiatement que ces écrits étaient les mots des Textes des pyramides. Les incantations des textes apparurent pour la première fois dans le tombeau du roi Ounas, six décennies avant la naissance d’Ankhésenpépi. Ces formules avaient pour but de transformer le pharaon en un être divin, de garantir un passage sûr dans le monde de l’au-delà et de permettre sa réunion éternelle avec les dieux. Il s’agit des rites les plus sacrés pour les pharaons de l’Ancien Empire.
Toutefois, les textes présents dans le tombeau d’Ankhésenpépi étaient dans un état déplorable. Le temps et les pillards avaient fait leur œuvre : ils étaient réduits en centaines de fragments dispersés et enfouis dans le sable ; pour lire les textes dans leur ensemble, les chercheurs ont d’abord dû les reconstituer.
LA RECONSTITUTION DES TEXTES DES PYRAMIDES D’ANKHÉSENPÉPI
Pendant plus de vingt ans, Bernard Mathieu et la MAFS se sont attelés à un minutieux travail de réassemblage des inscriptions du tombeau d’Ankhésenpépi. Entre la découverte du premier fragment de texte en 2000 et 2003, « 1 035 blocs gravés ont été mis au jour et inventoriés », se souvient Bernard Mathieu. Philippe Collombert en a découvert encore davantage lors de saisons ultérieures pour atteindre un total de 1 617 fragments. Chacun de ces 1 617 éclats de pierre a dû être photographié, dessiné, étudié, scanné et archivé. Recomposer ces blocs revenait à résoudre un gigantesque puzzle en trois dimensions où les pièces ont des formes et des tailles radicalement différentes et dont plusieurs manquent à l’appel. Et pourtant, les membres de l’équipe de fouilles sont parvenus à reconstituer les murs, à insérer de petits fragments dans des blocs plus importants et à faire correspondre des arêtes brisées pour révéler la séquence des inscriptions. Cela a été une tâche monumentale qui a nécessité une reconstruction par l’équipe de l’intérieur de la chambre funéraire d’Ankhésenpépi.
Au terme de cet effort acharné, Bernard Mathieu et son équipe ont abouti à une chose merveilleuse : un corpus presque complet des Textes des pyramidesn dans lequel figurent dix formules jamais observées dans aucun tombeau pharaonique.
Ces nouvelles formules concerne l’alimentation, la protection et l’ascension de la reine au rang des dieux. Chacun des onze souverains qui firent inscrire des passages des Textes des pyramides dans leur tombe en choisit une version légèrement différente reflétant peut-être sa personnalité et ses croyances religieuses. Nombre des formules propres à Ankhésenpépi lui offrent des objets royaux et magiques, indiquant possiblement sa volonté d’affirmer son statut de pharaon ressuscité : « Prends ceci, ton sceptre de papyrus », l’exhorte l’une d’elles, tandis qu’une autre promet : « Les canaux te sont ouverts, afin que tu puisses t’immerger dans des flots de couronnes rouges. »
D’autres passages du texte décrivent sa réunion avec les dieux et la déclarent divinité : « Tu trouveras les dieux […] siègeras à leurs côtés, mangeras avec eux et voyageras avec eux dans la barque solaire sacrée », lit-on dans une formule. « Le ciel frémit pour toi, la terre tremble pour toi, les étoiles impérissables s’inclinent devant toi, car tu es celle que [le dieu de l’au-delà] Osiris a placée sur son trône », clame une autre. Ces textes armaient Ankhésenpépi des mêmes outils qu’un roi recevait pour s’épanouir dans l’au-delà.
Son choix de faire graver ces incantations ne relevait pas de la simple ambition religieuse. C’était une affirmation de pouvoir, la revendication d’un règne appuyé par les dieux. Si elle avait de son vivant cédé le pouvoir sur l’Égypte à son fils, dans la mort, elle avait l’occasion de retrouver les prérogatives et privilèges d’un pharaon, cette fois-ci de manière on ne peut plus légitime et pour l’éternité.
DÉFINIR LA NORME
L’histoire d’Ankhésenpépi ne s’achève pas avec sa mort, ni même avec l’effondrement de l’Ancien Empire. Son règne devint un modèle pour les reines égyptiennes puissantes (et plus connues) qui marchèrent dans ses pas.
Quand Hatchepsout, deuxième femme à régner à part entière sur l’Égypte, occupa le trône près de mille plus tard, elle adopta les insignes des rois et se présenta comme la fille divine d’un dieu, faisant ainsi écho aux revendications antérieures d’Ankhésenpépi quant à ces prérogatives royales. Néfertiti emprunta elle aussi au précédent fixé par Ankhésenpépi en accumulant du pouvoir et se fit représenter dans des positions pharaoniques emblématiques et dans des rôles religieux, des mesures possiblement prises pour consolider son ascension si, comme le croient de nombreux historiens, elle régna bel et bien après la mort de son époux. Quand Cléopâtre se posa en incarnation d’Isis, elle proclama explicitement ce qu’Ankhésenpépi n’avait fait que suggérer plus de 2 000 ans plus tôt par son évocation d’Isis au moyen de la statuette exposée au Brooklyn Museum, et s’inscrivit ainsi dans une tradition royale féminine aux racines si anciennes qu’elle relevait déjà de la vieille histoire au moment où Cléopâtre s’empara du pouvoir. Ces femmes puisèrent dans une tradition de pouvoir féminin qu’Ankhésenpépi fut la première à définir.
Sa pyramide, ses textes et ses titres révèlent une reine qui refusa de rester dans l’ombre. Elle redessina les contours ce que les reines égyptiennes pouvaient être : des gardes, des régentes, des filles divines et des souveraines. Dans la pénombre de sa chambre funéraire, où des hiéroglyphes peints brillent encore après plus de quatre millénaires, son ambition demeure caractéristique : une femme qui fit siens les rites des rois pour garantir sa place auprès des dieux et démontra par là que le pouvoir de régner n’était pas l’apanage des hommes.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.