Découverte d'un autel maya vieux de 1 600 ans... entouré d’ossements d’enfants

On pensait que les sacrifices d’enfants étaient rares dans leur culture. La découverte glaçante d'ossements d'enfants âgés au plus de quatre ans suggère la domination d'un peuple étranger.

De Tom Metcalfe
Publication 9 mai 2025, 09:03 CEST
De nouvelles découvertes archéologiques s’ajoutent aux preuves que la cité maya de Tikal, au Guatemala, fut ...

De nouvelles découvertes archéologiques s’ajoutent aux preuves que la cité maya de Tikal, au Guatemala, fut un jour contrôlée par Teotihuacan, au Mexique actuel, à 965 kilomètres de là.

PHOTOGRAPHIE DE Martin Bache, Alamy Stock Photo

Les archéologues menant des travaux de fouilles dans les ruines de la cité maya de Tikal ont déterré un autel vieux de 1 600 ans, probablement utilisé dans le cadre de sacrifices humains. Il était entouré d’ossements appartenant à des enfants.

Cette découverte macabre vient alimenter l’idée selon laquelle Tikal était à cette époque dirigée par des seigneurs de la cité de Teotihuacan. La cité se trouve à 965 kilomètres de là, dans l’actuel Mexique, et appartenait à des peuples qui n’étaient pas mayas. Et certains des sacrifices accomplis à Tikal auraient servi à asseoir le pouvoir de Teotihuacan sur ce peuple.

« La dynastie locale maya a pu continuer mais sous le joug d’un groupe étranger », explique Stephen Houston, archéologue de l’université de Brown. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue archéologique Antiquity, lui et ses collègues décrivent l’autel et les restes humains déterrés des ruines situées dans le Guatemala actuel. Les chercheurs pensent que l’autel servait aux rituels sacrificiels et que les personnes enterrées étaient probablement leurs victimes. Et plusieurs indices, les sacrifices humains, les artefacts des tombes et les peintures de l’autel, pointent Teotihuacan du doigt.

Cette découverte vient s’opposer à l’idée qui voulait l’influence de Teotihuacan pacifique à Tikal, qui se faisait surtout par le biais du commerce. Selon Stephen Houston, « cela montre une nature extrêmement intrusive et violente ».

Des archéologues états-uniens et guatémaltèques ont récemment annoncé la découverte d’un autel enterré dans les anciennes ...

Des archéologues états-uniens et guatémaltèques ont récemment annoncé la découverte d’un autel enterré dans les anciennes ruines de Tikal, entouré de restes humains qui auraient appartenu aux victimes sacrifiées.

PHOTOGRAPHIE DE Edwin Román Ramírez

 

LES RELATIONS ENTRE TIKAL ET TEOTIHUACAN

L’autel peint était auparavant situé dans une zone sacrée proche du centre de Tikal, là où les puissants de Teotihuacan aurait vécu.

Les études au LiDAR (Laser Imaging Detection And Ranging, une méthode de télédétection laser) des ruines, envahies par la végétation, montrent que les bâtiments du quartier sont bâtis sur le modèle de ceux de Teotihuacan. On y retrouve même un temple pyramidal énorme.

L’autel a été découvert durant des travaux de fouille sur une place au nord du temps que Houston et les autres archéologues du Guatemala et des États-Unis étudiaient depuis 2019.

Cette découverte vient appuyer la théorie du régime de Teotihuacan qui veut que le pays étranger ait fomenté un coup d’état ou bien ait conquis Tikal vers la fin du 4e siècle.

Au début, les relations entre Tikal et Teotihuacan étaient commerciales. Mais les habitants de cette dernière en auraient profité pour espionner les Mayas.

« Tikal n’était pas pauvre en ressources : magnifiques panaches de plumes, chocolat… Pour Teotihuacan, c’était un véritable Eldorado », explique Stephen Houston.

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    Une reconstitution probable de l’autel montre ses faces peintes de rouge, de noir et de jaune, ...

    Une reconstitution probable de l’autel montre ses faces peintes de rouge, de noir et de jaune, représentant une personne portant une coiffe de plume et flanquée sur les côtés par des boucliers ou en tenue d'apparat.

    PHOTOGRAPHIE DE Image by Heather Hurst

    Tikal était l’une des cités les plus importantes des « landes mayas » dans le Yucatan et Chiapas au Mexique, le Belize et le Guatemala actuels.

     

    COUP D’ÉTAT OU CONQUÊTE ?

    C’est dans les années 1960 que l’on a commencé à soupçonner Teotihuacan d’avoir orchestré un coup d’état ou une conquête de Tikal, explique Simon Martin. Le spécialiste en écriture maya est également le conservateur de la galerie mexicaine et d’Amérique centrale du musée de Pennsylvanie, il n’a pas pris part à la récente étude. Les archéologues ont découvert des pétroglyphes mayas sur le site, qui rapportaient l’arrivée en 378 apr. J.-C. d’un « étranger » appelé Siyaj K’ak’, un seigneur de guerre dont le nom maya signifie « le feu incarné ».

    On ne connaît pas l’origine ethnique de Siyaj K’ak’ mais les pétroglyphes mayas font état de nombreux noms de Teotihuacan dans son entourage. Ils racontent également la « mort » du roi de Tikal la jour de l’arrivée de Siyaj K’ak’. Après cela, un nouveau roi accéda au trône, du nom de Nun Yax Ayin, en maya « le premier seigneur crocodile, qui aurait pu être le fils du dirigeant de Teotihuacan.

    Francisco Estrada Belli, archéologue de l’université de Tulane et explorateur National Geographic, qui n’a pas pris part à la récente étude, explique que certains scientifiques auraient suggéré que Tikal était dominée par une classe sociale de prêtres de Teotihuacan.

    Mais il dit que la nature de l’occupation n’était pas claire : « Il aurait pu s’agir d’une oligarchie ou bien d’une forme entrepreneuriale de gouvernement, mais nous ne sommes pas sûrs. »

    Stephen Martin pense que l’occupation de Tikal par Teotihuacan aurait pu se faire grâce à des alliances avec des populations locales opposées au précédent régime. Selon lui, la zone de Tikal était « surtout cérémoniale » et on n’y retrouve aucun signe d’une occupation militaire importante de la part de Teotihuacan.

     

    DES SACRIFICES HUMAINS

    Des analyses au carbone 14 de brûloirs à encens et d’autres matériaux brûlés retrouvés à travers la place où l’autel a été déterré indiquent que sa construction coïncide avec la prise de la ville par Teotihuacan. La nouvelle étude décrit également les restes de six personnes, mis au jour lors des fouilles.

    Quatre des squelettes appartiennent à de jeunes enfants, l’un d’entre eux n'avait pas quatre ans au moment de sa mort, due probablement à un sacrifice. Ils ont été inhumés au pied de l’autel, en position assise, les genoux ramenés sous le menton. L’étude note que ce genre d’enterrement, après un sacrifice, était rare à Tikal, mais une pratique commune pour Teotihuacan.

    Les scans au LiDAR ont permis aux chercheurs de voir sous l’épaisse couche de végétation, jusqu’aux ...

    Les scans au LiDAR ont permis aux chercheurs de voir sous l’épaisse couche de végétation, jusqu’aux anciennes fondations de Tikal qui se trouvaient en-dessous.

    PHOTOGRAPHIE DE Brown

    Les autres morts ont été ensevelis autour de la place ou dans de petites tombes non loin. Dans l’une des sépultures adultes, les archéologues ont découvert une fléchette en obsidienne verte, fabriquée dans le style de Teotihuacan. Les analyses isotopiques des ossements suggèrent que seules des personnes de Teotihuacan ont été sacrifiées là-bas, mais les raisons de ces morts demeurent inconnues.

    Tous les enfants étaient âgés de moins de quatre ans, et l’un d’eux avait moins d’un an. Cela pourrait indiquer des sacrifices visant à établir la croissance du pouvoir de Teotihuacan à Tikal, selon Stephen Houston.

     

    LE STYLE RECONNAISSABLE DE TEOTIHUACAN

    L’autel récemment mis au jour mesure à peu près 1,80 mètre de long, pour 1,20 mètre de large et 90 centimètres de haut.

    Il est fait de terre et de chaux et comporte des finitions de plâtre à base de chaux. Les côtés ont ensuite été peints de rouge, d’orange, de jaune et de noir, et ont aussi été agrémentés de dessins d’abord schématisés à l’aide d’une peinture rouge pâle.

    Les peintures finales représentent le visage du dieu des tempêtes et de la guerre de Teotihuacan, dont on ignore le nom. Toutefois, les Aztèques ou les Mexica l’ont baptisé Tlaloc, lorsqu’ils se le sont réappropriés des siècles plus tard.

    Selon l’étude, le dieu peut être reconnu grâce aux crocs stylisés de sa bouche, un bijou sous ses narines, comme un piercing, et par ses yeux ovales. Son visage est représenté sur les quatre côtés de l’autel, portant des colliers, des boucles d’oreilles dans ses lobes et une coiffe élaborée faite de plumes.

    Stephen Houston explique que les anciennes peintures se sont énormément dégradées après leur temps passé sous le sol, mais l’influence de Teotihuacan est claire : « l’autel n'a rien du style maya. »

    Certains aspects techniques de l’autel indiquent que sa construction a été entreprise par des artisans talentueux formés à Teotihuacan, qui ont plus tard fait le voyage jusqu’à Tikal. Notamment le fait que les peintures ont d’abord été réalisées au brouillon, ainsi que leurs couleurs « plates » et les lignes bien tracées des visages, en rouge.

     

    DES PÉTROGLYPHES CONTENT L’HISTOIRE

    La civilisation maya a prospéré à Tikal et dans ses autres cités, jusqu’à son déclin autour de 900 apr. J.-C., pour des raisons encore sujettes à débats.

    Avant cela, Teotihuacan a, elle aussi, connu un déclin, à partir du 6e siècle. Et Stephen Houston raconte que la zone occupée par Teotihuacan à Tikal a délibérément été abandonnée après cela.

    « Elle est totalement désertée », dit-il. « C’est comme si on l’avait décrétée taboue, parce que [les Mayas de Tikal] y avaient de mauvais souvenirs. »

    L’influence de Teotihuacan à Tikal a cependant duré des siècles, on le voit surtout sur les traditions artistiques mayas, explique l’archéologue. Et il ajoute que l’occupation de Tikal, quelle qu'ait été sa nature, a permis aux archéologues de mieux comprendre cette cité mystérieuse située dans ce qui deviendraient des terres aztèques.

    Parmi les nouvelles découvertes, on compte des glyphes mayas qui font les premières mentions connues du centre actuel du Mexique, où se trouvait Teotihuacan. « Les inscriptions trouvées près de l’autel parlent du “pays des cinq volcans couverts de neige” », relate Stephen Houston. Il s’agirait d’une référence aux volcans Popocatépetl, Iztaccíhuatl, Nevado de Toluca, Ajusco et Xitle qui entourent Mexico.

    « On ne comprend pas exactement la manière d’écrire de Teotihuacan, mais les Mayas le pouvaient, et ils décrivaient Teotihuacan comme Teotihuacan ne l’a jamais fait », continue l’archéologue. « Nous pouvons utiliser les glyphes mayas pour comprendre ce qu’il se passait au centre de l’empire de Teotihuacan. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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