Cette brique nous donne un aperçu de la vie en Assyrie il y a 2 900 ans

Voici 2 900 ans, le roi assyrien Aššurnaṣirpal II a déclaré qu'une brique de terre crue séchée au soleil lui appartenait. Des chercheurs viennent de réaliser qu'elle pourrait être une véritable capsule temporelle.

De Tom Metcalfe
Publication 1 sept. 2023, 09:57 CEST

Cette brique vieille de 2 900 ans, fabriquée à partir de terre crue séchée au soleil, porte une inscription cunéiforme indiquant qu'elle appartenait au roi néo-assyrien Aššurnaṣirpal II. Lorsqu'elle s'est fendue lors d’une numérisation par balayage en 2020, les chercheurs en ont profité pour prélever des échantillons d’argile qui n'avaient jamais été exposés auparavant afin d'y rechercher de l'ADN ancien. 

PHOTOGRAPHIE DE The National Museum of Denmark

Une brique de terre crue provenant d'un palais vieux de 2 900 ans pourrait contenir des secrets sur l’époque à laquelle elle a été façonnée, notamment sur l’environnement, sous la forme d'ADN ancien provenant d'une multitude de plantes qui y ont prospéré. Une nouvelle étude de la brique, si elle est validée, pourrait amener les futures équipes de recherche à considérer de la modeste argile comme une « capsule temporelle » génétique fournissant de nouvelles informations sur les écosystèmes disparus.

« La perte de biodiversité fait l'objet d'une attention toute particulière aujourd'hui, mais nous manquons de sources », explique Sophie Lund Rasmussen, biologiste à l'université d'Oxford.

Dans l'étude publiée dans Nature Scientific Reports, Sophie Lund Rasmussen et ses collègues décrivent leurs efforts pour extraire l'ADN ancien de plantes de la terre utilisée pour fabriquer la brique séchée au soleil. Ils suggèrent que l’argile d'autres sites archéologiques pourrait contenir des informations similaires.

« Presque tous les sites archéologiques, partout dans le monde, contiennent de l'argile », explique Sophie Lund Rasmussen. « Et maintenant, nous avons donné l’idée d’utiliser ces morceaux d'argile comme capsules temporelles » permettant de décrire la biodiversité présente à d’autres époques.

 

LA PROPRIÉTÉ D'UN ROI

La brique a été mise au jour voici plus de soixante-dix ans lors de fouilles archéologiques sur le site de la capitale néo-assyrienne de Nimroud, près de Mossoul, dans ce qui est aujourd'hui l'Irak. Une remarquable inscription cunéiforme sur la surface de la brique indique qu'elle faisait partie de l'enceinte royale : « La propriété du palais d'Aššurnaṣirpal, roi d'Assyrie ».

Elle fait référence au deuxième roi assyrien de ce nom, qui a construit ce que l'on appelle le Palais Nord-Ouest à Nimrud et a régné entre 883 et 859 avant J.-C. Le fait que cette brique puisse être directement datée du règne d'Aššurnaṣirpal a permis aux scientifiques d'établir une date approximative de sa fabrication, voici près de trois millénaires.

C’est un accident qui a permis l’étude de cette brique qui fait actuellement partie des collections du Musée national du Danemark : elle s'est cassée lors d’une numérisation par balayage en 2020, explique l'assyriologue Troels Pank Arbøll de l'université de Copenhague qui, tout comme Sophie Lund Rasmussen, est l'un des principaux auteurs de cette nouvelle étude.

L’équipe de recherche a prélevé des échantillons d'argile relativement peu contaminée sur la nouvelle surface de la fente, puis en a extrait l'ADN en suivant un protocole adapté à des matériaux poreux tels que les os. Le séquençage a révélé que la brique de terre crue contenait l'ADN de trente-quatre groupes distincts de plantes dans l'ancienne argile, dont de nombreuses apparentées aux choux et aux bruyères, respectivement des familles des Brassicacées et des Ericacées.

Elle a également trouvé des traces de bouleaux et de lauriers, respectivement des familles des Bétulacées et des Lauracées, ainsi que des plantes cultivées de la tribu Triticeae qui comprend l'orge et le blé.

 

DES CHOUX ET DES ROIS

Selon Troels Pank Arbøll, la prédominance des choux est curieuse car les nombreux textes cunéiformes retrouvés, qui ont été rédigés à cette époque, généralement sur des tablettes d'argile, ne laissent pas entrevoir que les Assyriens en aient mangé. Ces textes comprennent plusieurs recettes avec leurs ingrédients.

« Le chou ne figure pas vraiment dans les textes anciens », explique-t-il. « On peut se demander s'il s'agissait d'une espèce sauvage qui n'avait pas été cultivée, ou si c'est quelque chose qui n'a pas été enregistré ou identifié dans les textes que nous avons trouvés. »

Sophie Lund Rasmussen ajoute que l’équipe de recherche a également observé des traces d'ADN d'animaux anciens dans les échantillons et que des techniques similaires pourraient être utilisées pour les identifier formellement. Elle fait remarquer que l'application de ces techniques à la poterie qui, contrairement à une brique de terre crue, est cuite dans un four à des températures qui détruisent l'ADN, pourrait s'avérer plus difficile.

« Peut-être que si la poterie n'a pas été cuite assez longtemps, ou n'a pas été cuite complètement, il pourrait rester de l'ADN », suggère-t-elle. « Nous ne le savons pas encore. »

 

UNE QUESTION DE CONTAMINATION

Le paléogénéticien Peter Heintzman, spécialiste de l'ADN ancien à l'université de Stockholm, qui n'a pas pris part à l'étude, craint que tout matériel génétique extrait de la brique ne soit contaminé par des sources plus modernes, notamment par du pollen transporté par l'air de plantes aujourd'hui cultivées en Irak et en Europe, telles que le chou, le blé et l'orge.

« Les auteurs font un travail convaincant en excluant la contamination de leur laboratoire et de leurs réactifs », explique-t-il dans un e-mail. « Cependant, ils n'évoquent pas la possibilité que la brique elle-même puisse présenter des traces de contamination inhérente, en particulier en raison de sa nature poreuse. »

Logan Kistler, conservateur des départements d'archéobotanique et d'archéogénétique au Musée national d'histoire américaine, qui n'a pas non plus participé à l'étude, se fait l'écho des craintes de Peter Heintzman. « Il reste du travail à faire pour s'assurer que les fragments d'ADN sont vraiment anciens, ce qui est extrêmement important pour tout nouveau matériel », fait-il remarquer. 

Il ajoute que cette nouvelle recherche reste néanmoins passionnante et que de nouvelles sources comme celle-ci pourraient constituer des capsules temporelles génétiques contenant des informations sur les cultures et environnements d’autres époques.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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