Pavlova : le dessert qui a déclenché une rivalité entre l'Autralie et la Nouvelle-Zélande
Les origines de ce dessert aussi aérien que délicieux font débat depuis des décennies. Australienne ou néo-zélandaise, la pavlova a connu de nombreuses versions au fil des ans... sans jamais perdre de sa légèreté ni de sa popularité.

Les origines de ce dessert décadent suscitent des débats depuis des décennies, mais qu’il soit australien ou néo-zélandais, il a connu de nombreuses variations au fil des ans.
Aussi sucré qu’il soit, ce dessert très apprécié a une histoire amère. Comme d'autres spécialités culinaires, le lieu de création de la pavlova fait l’objet d’une vive dispute, l’Australie et la Nouvelle-Zélande revendiquant chacune l’invention de ces tours de meringue aérienne couronnées de nuages de crème blanche et de fruits.
Des piques sont régulièrement échangées d’un côté à l’autre de la mer de Tasman, la plus récente étant le jour où une compagnie d’énergie néo-zélandaise a « déclaré la guerre » en installant une publicité à la récupération des bagages de l’aéroport d’Auckland, affirmant : « La pavlova a vraiment été créée ici. »
La querelle s’élève jusqu’au sommet de l’État, comme l’a découvert l’ancienne Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern en arrivant à Melbourne, où elle a trouvé dans sa chambre d’hôtel un kit de pavlova à monter soi-même, ce qui a poussé son compagnon à se demander s’il s’agissait d’« un trait d'humour ou d’un incident diplomatique ». Le roi Charles III devait ignorer la controverse persistante lorsqu’il a courageusement salué la « cuisine mondialement célèbre de Sydney… qu’il s’agisse d’avocat écrasé, d’une pavlova ou d’un Cabernet » dans un discours prononcé l’an dernier à Parramatta Park.
En réalité, les origines précises de la pavlova restent enveloppées de mystère. Elle a presque certainement été nommée en l’honneur de la grande ballerine Anna Pavlova, originaire de Saint-Pétersbourg, probablement pour célébrer sa tournée très réussie de 1926 en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ce n’était pas une pratique rare à l’époque ; la pêche Melba a été inventée à l’hôtel Savoy de Londres en hommage à la soprano australienne Dame Nellie Melba, tandis que le biscuit Garibaldi britannique rend hommage au révolutionnaire italien, accueilli avec ferveur lors de sa visite au Royaume-Uni. Tel était l’engouement pour saupoudrer de paillettes les menus qu’au sommet de la carrière de Pavlova, on trouve des mentions de génoises, de gelées en couches et « d’une variété populaire de glace américaine » portant également son nom.
Bien que la version à la meringue de ce dessert soit aujourd’hui la plus répandue, à l’époque il ne s’agissait que d’une revisite d’un dessert déjà existant et bien connu dans le répertoire de la pâtisserie, bien avant qu’Anna ne fasse son entrée sur la scène internationale. L’historienne de l’alimentation Janet Clarkson suggère que « ni l’Australie ni la Nouvelle-Zélande n’ont inventé la meringue, car la meringue a été inventée avant ces nations ». Et bien que beaucoup attribuent les origines de la meringue à la Suisse du 18e siècle, la première recette connue abritée dans une collection de 1604 appartenait à une certaine Lady Elinor Fettiplace.


Pour préparer une pavlova, l'un des secrets est de déposer une petite quantité de meringue sous les quatre coins du papier cuisson afin qu’il adhère à la plaque, puis de déposer le reste au centre du cercle tracé. À l’aide d’une spatule souple, étalez-la en un cercle uniforme, puis formez un léger cratère au centre en traçant doucement un cercle avec le dos d’une cuillère.
La première mention connue d’un dessert ressemblant à la pavlova moderne et désigné comme tel figure dans l’édition 1929 du New Zealand Dairy Exporter Annual, où une lectrice en proposait la recette. Bien que cette version semble avoir été superposée en couches, à la manière d’une dacquoise.
Annabelle Utrecht, une autrice basée dans le Queensland, en Australie, a consacré la dernière décennie à creuser l’histoire de la pavlova, à la suite d’une dispute en ligne avec une connaissance néo-zélandaise. Au cours de leurs recherches, le duo a découvert qu’au 18e siècle, « de grandes constructions de meringue intégrant de la crème et des fruits se retrouvaient dans les cuisines aristocratiques des terres germanophones, donc ce que nous appelons aujourd’hui une pavlova a en réalité plus de deux siècles d’existence ».
Naturellement, tout le monde voulait une part de ce noble gâteau, et des recettes ont commencé à apparaître : le vacherin, un bol de meringue garni de crème fouettée ou de glace, de fruits et de génoise imbibée de sirop, souvent attribué au chef français du 19e siècle Marie-Antoine Carême ; la baked alaska ; la schaumtorte allemande (« gâteau mousse »). Même l’écrivaine anglaise Mrs Beeton inclut un gâteau de meringue garni de fraises macérées et de crème fouettée dans sa collection de recettes de 1861. Il semble donc probable que la pavlova soit arrivée en Australie et en Nouvelle-Zélande avec les immigrants européens bien avant Pavlova elle-même.
Bien sûr, peu de plats apparaissent spontanément sans évolution, mais à quel moment l’idée d’une meringue garnie de crème et de fruits a-t-elle commencé à être connue sous le nom de « pavlova » — ou « pav », si vous parlez en antipodien ? La première mention connue de quelque chose ressemblant à la pavlova moderne et appelée ainsi se trouve dans le New Zealand Dairy Exporter Annual de 1929, dans une contribution d’un lecteur, bien que cette version semble avoir été superposée comme une dacquoise française.
La mention suivante, provenant du Rangiora Mothers’ Union Cookery Book of Tried and Tested Recipes de 1933, est également néo-zélandaise. La première revendication australienne remonte à 1935, lorsque Herbert « Bert » Sachse, chef de l’Esplanade Hotel à Perth, s’est vu demander une nouvelle création pour aggrémenter le thé de l’après-midi. Le directeur, Harry Nairn, aurait apparemment déclaré que sa création était « aussi légère que Pavlova », et la légende était née.
Cependant, un descendant de Sachse a contacté Helen Leach, anthropologue culinaire à l’université d’Otago, pour suggérer que leur ancêtre s’était peut-être trompé sur les dates, étant donné que Pavlova est décédée en 1931. Et dans une interview de 1973, Sachse a lui-même expliqué que sa création était une adaptation d’une recette du magazine Australian Woman’s Mirror, soumise par une résidente néo-zélandaise.
Interrogé par le journal australien The Beverley Times, le « grand-père aux cheveux argentés » a déclaré qu’il avait « toujours regretté que le gâteau à la meringue soit invariablement trop dur et croquant, alors j’ai voulu créer quelque chose avec un dessus croustillant qui se couperait comme une guimauve ». Cela, selon le partenaire de recherche néo-zélandais d’Utrecht, Dr Andrew Paul Wood, rend Sachse, originaire d’Australie-Occidentale, inhabituel parmi ses compatriotes : « Je pense que la meringue australienne est plus croquante… celle de la Nouvelle-Zélande est plus moelleuse à l’intérieur », a-t-il déclaré au guide Good Food du Sydney Morning Herald.
Dans son livre Sift publié en 2024, la cheffe pâtissière britannique et autrice de livres de cuisine Nicola Lamb écrit que l’ajout de fécule de maïs à la base de meringue, comme le suggèrent à la fois Sachse et le lecteur du New Zealand Dairy Exporter Annual, « aide à obtenir cette texture moelleuse et épaisse ». Pour un moelleux maximal, Lamb recommande de former le mélange en une couronne haute, « car il est plus difficile pour la chaleur de pénétrer les parois épaisses de la meringue » ; si vous préférez une texture croustillante du début à la fin, optez pour une forme de bol peu profond.
Quelle que soit la texture que vous préférez, une fois la meringue complètement refroidie, elle est généralement garnie de crème fouettée — habituellement non sucrée, étant donné le sucre contenu dans la meringue, bien qu’elle puisse être parfumée à la vanille — puis de fruits au choix. L’historienne culturelle australienne Dr Carmel Cedro est d’accord avec Wood pour dire que non seulement les deux pays ne s’entendent pas sur la bonne texture de la pavlova, mais aussi sur les garnitures appropriées. « Ici, le fruit de la passion est indispensable », a-t-elle déclaré à ABC News en Australie, « alors qu’en Nouvelle-Zélande, ils ne feraient jamais ça ; c’est toujours du kiwi ».
Ces dernières années, cependant, ce dessert classique d’été - ou, si vous êtes en Océanie, une spécialité festive - est devenu aussi variable que son histoire. La styliste culinaire et autrice australienne Donna Hay a publié d’innombrables recettes, allant de la pavlova banoffee à des versions cuites, renversées ou glacées, et même une couronne de pavlova tourbillonnée à la framboise pour les fêtes.
La restauratrice, animatrice et écrivaine sud-africaine Prue Leith, quant à elle, propose une version végétalienne à base d’aquafaba et de lait de coco, tandis que la journaliste culinaire et cuisinière télévisée anglaise Nigella Lawson a offert au monde la pavlova au chocolat et aux framboises. Et bien que la pavlova ne soit pas considérée comme une création gastronomique, le dessert signature du chef australien Peter Gilmore au Bennelong, le restaurant gastronomique de l’Opéra de Sydney, l’élève au rang d’œuvre d’art. Inspirée par l’architecture du bâtiment lui-même, elle présente des voiles de meringue blanche sur des pics parfaits de crème fouettée et de meringue italienne garnis de curd au fruit de la passion.
En matière de pavlova, il semble qu’il y en ait pour tous les goûts. Bien que la version au caviar et aux canneberges récemment imaginée par une entreprise polonaise d’élevage de poissons soit peut-être celle que ni l’Australie ni la Nouvelle-Zélande ne voudraient revendiquer.

Le lieu de création de la pavlova fait l’objet d’une vive controverse, l’Australie et la Nouvelle-Zélande revendiquant chacune l’invention de ces tours de meringue aérienne couronnées de nuages de crème neigeuse et de fruits débordants.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
