Découverte : les Mayas étaient des adeptes de la "guerre totale"

La destruction généralisée des cités mayas n'aurait débuté qu'avec l'arrivée des sécheresses présentant une menace pour les réserves de nourriture. Pourtant, la découverte au fond d'un lac de nouveaux éléments pousse les experts à réfuter cette théorie.

De Tim Vernimmen
Les universitaires ont longtemps considéré que les Mayas n'avaient basculé dans la guerre totale (déchaînement de ...
Les universitaires ont longtemps considéré que les Mayas n'avaient basculé dans la guerre totale (déchaînement de violence sans retenue visant à détruire entièrement les villes) qu'après être entrés en rivalité pour les ressources suite à une série de sécheresses qui aurait débuté au 9e siècle de notre ère.
PHOTOGRAPHIE DE Dea, G. Dagli Orti, De Agostini, Getty

L'idée dominante en ce qui concerne les 700 ans de la période dite classique de la civilisation maya (250 - 950 de notre ère) était celle d'une pratique de la guerre plus ou moins ritualisée. Certes, la famille royale pouvait subir des enlèvements et certaines structures symboliques pouvaient être renversées mais la destruction à grande échelle et un grand nombre de victimes civiles n'étaient supposément pas la norme.

Les chercheurs imaginaient qu'uniquement vers la toute fin de la période classique, le nombre croissant de sécheresses aurait entraîné l'appauvrissement des réserves de nourriture puis provoqué l'escalade des tensions entre les royaumes mayas qui se seraient ensuite livrés à des conflits dont la violence extrême aurait provoqué la chute de l'ensemble de la civilisation. Cependant, une étude présentée dans la revue Nature Human Behaviour a apporté de nouvelles preuves quant au recours à la guerre totale, une pratique violente et destructrice qui cible à la fois des objectifs militaires et des ressources civiles, avant même que le changement climatique ne commence à mettre à mal l'agriculture maya.

Cette carte obtenue par télédétection au laser (LIDAR) montre l'emplacement d'un centre cérémonial de l'ancienne cité maya de Witzna, dans l'actuel nord du Guatemala. D'après une inscription découverte dans une cité voisine, Witzna aurait succombé aux flammes le 21 mai 697.
PHOTOGRAPHIE DE PACUNAM, Estrada-Belli

Lorsqu'en 2013, David Wahl de l'Institut d'études géologiques des États-Unis s'aventurait pour la première fois dans l'épaisse jungle du nord du Guatemala en direction du lac Laguna Ek’Naab, son objectif était de déceler les traces des sécheresses qui avaient sévi au cours de la période classique terminale de la civilisation maya (800 - 950 de notre ère) et de leurs impacts sur l'agriculture. Le lac en question se situe au pied d'une falaise abrupte surmontée des ruines d'une ancienne ville maya baptisée Witzna, et Wahl pensait que les sédiments qui s'y trouvaient auraient pu l'aider à percer le mystère du destin des habitants qui jadis y avaient prospéré.

« En raison de la forte pente du paysage alentour, les sédiments se sont accumulés dans ce lac au rythme d'un centimètre par an, » explique-t-il, « ce qui nous permet d'obtenir des informations très précises sur les événements survenus dans la zone. » Le rythme important d'accumulation des sédiments nous indique que les forêts ont été coupées et les terres défrichées, ce qui a eu pour effet d'accroître le phénomène d'érosion. D'un autre côté, le pollen de maïs contenu dans les sédiments ne laisse aucun doute sur la nature des céréales cultivées dans la région mais l'élément le plus saisissant découvert par Wahl au fond du Laguna Ek’Naab était une couche contenant de gros morceaux de charbon dont l'épaisseur atteignait les 3 cm.

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    « Puisque l'Homme a régulièrement eu recours au feu pour déboiser les forêts et défricher les terres, il n'est pas rare de trouver du charbon dans les sédiments lacustres de la région, » explique-t-il. « Mais en vingt ans de carottage de lacs, je n'ai jamais vu une couche aussi épaisse. »

    La première hypothèse de Wahl sur l'origine de l'épaisse couche de charbon et la diminution des pollens de maïs au sein des sédiments formés dans les décennies et les siècles ultérieurs impliquait un incendie majeur provoqué par les épisodes de sécheresse de la période classique terminale qu'il souhaitait étudier. Cependant, il n'y avait aucune preuve de sécheresse pour la période classique pendant laquelle le charbon se serait introduit dans le lac, entre 690 et 700 de notre ère selon la datation au carbone 14.

    Alors que Wahl essayait encore de trouver un sens à cette découverte, une équipe d'archéologues dirigée par l'explorateur National Geographic Francisco Estrada-Belli de l'université Tulane entamait ses premières fouilles de la ville de Witzna, un site dont la découverte initiale remonte aux années 1960 mais qui n'avait jamais été examiné en profondeur. À mesure que les ruines des bâtiments sortaient de terre, les archéologues réalisaient que bon nombre d'entre eux avaient été volontairement détruits ou abîmés. De la même façon, les traces d'incendies étaient omniprésentes, ce qui laissait penser qu'ils avaient été déclenchés intentionnellement par des envahisseurs. L'équipe d'Estrada-Belli avait par ailleurs mis au jour un artefact plutôt rare : un écriteau sur lequel était inscrit le nom donné par les anciens mayas à la ville, Bahlam Jol. Les noms mayas de nombreuses villes restent encore à ce jour inconnus.

    Les scientifiques s'étaient ensuite tournés vers Alexandre Tokovinine, spécialiste de l'écriture maya à l'université d'Alabama, qui avait eu vent de la découverte d'une pierre gravée non-loin de là, dans la ville de Naranjo, et sur laquelle avait été consignée une série de campagnes militaires victorieuses menées contre des royaumes voisins. En comparant ces inscriptions, Tokovinine remarqua qu'une partie de l'inscription découverte à Naranjo spécifiait qu'à la date reconstruite du 21 mai 697, « Bahlam Jol avait brûlé. »

    « C'est pile la période pendant laquelle le charbon s'est accumulé au fond du lac, » indique Wahl, « ce qui nous permet en toute confiance de faire le lien entre l'inscription et le véritable incendie. »

    Étonnamment, Bahlam Jol était loin d'être la seule ville fièrement exhibée sur le monument de Naranjo comme ayant brûlé. Le même scénario s'était produit pour au moins trois autres villes de la région, dont une aujourd'hui connue sous le nom de Buenavista del Cayo où les chercheurs ont récemment trouvé d'autres preuves d'incendies à grande échelle. Pour Wahl et ses coauteurs, notamment Estrada-Belli, ces indices montrent qu'il est peu probable que la guerre totale ne soit apparue qu'un siècle plus tard pendant la période classique terminale.

    Ci-dessus, les prélèvements effectués dans les sédiments recouvrant le fond du Laguna Ek’Naab contiennent une couche anormalement épaisse de charbon qui suggère qu'un incendie destructeur aurait ravagé les environs entre 690 et 700 de notre ère.
    PHOTOGRAPHIE DE David Wahl

    « La destruction des villes par le feu semble avoir été une tactique courante bien plus tôt qu'on ne le pensait, » déclare Wahl, « je pense donc que l'idée selon laquelle l'émergence tardive des pratiques guerrières violentes aurait poussé la civilisation maya à sa fin mérite d'être reconsidérée. » Wahl étudie actuellement le rôle qu'aurait pu jouer le climat. Alors que la production de maïs semble avoir considérablement diminué après cet incendie dévastateur, elle ne disparaît réellement qu'en l'an 1000 de notre ère, époque pour laquelle d'autres études ont apporté de solides preuves d'épisodes de sécheresse étendus à l'ensemble de la région.

    Cela montre que les difficultés agricoles causées par le changement climatique ont pu constituer un important facteur du déclin de la civilisation des Mayas sans que celui-ci ne soit nécessairement dû à l'escalade de la violence. L'étude de Whal vient s'ajouter à un ensemble toujours plus grand de données qui suggèrent que ces pratiques barbares existaient bien avant la période classique terminale.

    Comme le fait remarquer Takeshi Inomata de l'université de l'Arizona, auteur de diverses recherches sur les pratiques guerrières pré-colombiennes mais non impliqué dans l'étude, « l'existence de guerres destructrices tout au long de la période classique est de plus en plus acceptée et ces guerres pourraient avoir entraîné un déclin des populations et des activités économiques. » Il ajoute toutefois que ces pratiques guerrières faisaient sûrement l'objet de restrictions, comme c'est le cas aujourd'hui. « Donc, au lieu de faire des déclarations catégoriques, il faudrait plutôt retracer précisément l'évolution de ces pratiques au fil du temps, » suggère-t-il.

    Archéologue à l'université d'État de Californie à Los Angeles, James Brady a déjà participé à de nombreux travaux dans la région mais pas à cette dernière étude ; selon lui, ces nouvelles données sont à la fois « intéressantes et provocantes. »

    « Je n'ai jamais été convaincu que la guerre avant la période classique terminale se résumait à une pratique rituelle, » ajoute-t-il. « Elle a dû s'inscrire à un stade très précoce dans la vie de cette civilisation et elle a souvent eu de graves conséquences. »

     

    Note de la rédaction : Cette histoire a été mise à jour pour refléter les circonstances entourant la découverte de l'inscription de Naranjo.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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