Des prédateurs de la période glaciaire découverts aux côtés du plus ancien fossile humain des Amériques

Les restes extrêmement bien conservés donnent un aperçu du monde qui entourait Naia, jeune fille décédée il y a environ 13 000 ans.

De Michael Greshko
PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, National Geographic Creative

Il y a environ 13 000 ans, dans l'actuelle péninsule du Yucatán, les profondeurs d'une grotte sous-marine sont devenues la dernière demeure d'une ménagerie d'animaux exotiques.

Leurs ossements particulièrement bien conservés, piégés sous l'eau pendant des siècles, nous donnent des indices sur la taille réelle des prédateurs de l'Âge de la période glaciaire. Ces spécimens se sont sans doute retrouvés là en migrant de l'Amérique du Nord vers l'Amérique du Sud après que l'Isthme de Panama a connecté les deux continents.

« Nous allons passer d'une absence de données sur cette période à une abondance d'informations sur la mégafaune du Mexique, d'Amérique centrale et du nord de l'Amérique du sud, » estime Blaine Schubert de l'université d'État du Tennessee, qui a présenté les découvertes cette semaine à la conférence annuelle des paléontologues spécialisés dans les vertébrés, qui a eu lieu à Calgary.

Les os des animaux permettent également une meilleure représentation du monde dans lequel habitait Naia, la fille de la période glaciaire découverte elle aussi dans une grotte sous-marine qui est à ce jour le plus ancien squelette humain complet découvert aux Amériques.

Un plongeur se saisit du crâne d'un lointain cousin de l'ours à Hoyo Negro.
PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, National Geographic Creative

Comme les tigres à dents de sabre, les paresseux géants et les autres bêtes sauvages qui ont été piégées dans la grotte, Naia était probablement en train de chercher de l'eau fraîche lorsqu'elle a fait une chute fatale de plus de 27 mètres. Plus tard, la fonte des glaciers alentours a fait monter de manière significative le niveau des eaux de la Péninsule du Yucatán de plusieurs dizaines de mètres, inondant les grottes et ensevelissant les squelettes. 

Les plongeurs ont commencé à explorer Hoyo Negro ("Trou noir" en espagnol) en 2007, et ont été surpris de découvrir une immense quantité de restes humains et des os et crânes d'espèces disparues. Les différentes expéditions menées depuis ont recensé au moins 28 squelettes d'animaux, dont seulement une partie a été excavé.

 

LA COMPLEXITÉ CARNIVORE

La plupart des ossements présents dans la grotte ont aujourd'hui été mis au jour, et les dernières analyses fossiles donnent aux paléontologues de précieux indices sur les migrations des espèces disparues entre l'Amérique du Nord et du Sud.

Après que l'Isthme du Panama s'est élevé au-dessus du niveau de la mer il y a 3 à 5 millions d'années, les écosystèmes des deux continents jusqu'alors séparés ont pu se rencontrer et construire ensemble une nouvelle forme d'évolution.

Ce complexe échange a permis l'émergence des écosystèmes modernes américains : l'Amérique du Sud a « donné » à l'Amérique du Nord les tatous, quand l'Amérique du Nord a vu partir les lamas en Amérique du Sud. Mais les paléontologues en savent encore peu sur cet inter-échange, surtout parce que peu de fossiles ont été découverts dans les forêts tropicales de la région intermédiaire.

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    Trois crânes ont été découverts dans la grotte sous-marine. Ils appartenaient à une espèce éteinte d'ours, qui étaient probablement plus grands que les grizzlis que nous connaissons.
    PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, National Geographic Creative

    Par contraste, Hoyo Negro est un filon archéologique. La grotte sous-marine a préservé les animaux dans un état de conservation remarquable, les restes n'étant pas balayés par les flots et le niveau bas d'oxygène permettant de ne pas accélérer le phénomène d'érosion pendant des dizaines de milliers d'années.

    Dans les profondeurs d'Hoyo Negro, les paléontologues et les plongeurs ont découvert les restes de tigres aux dents de sabre, de pécaris, de lions des montagnes, de tapirs et des gomphothères, sorte de grands éléphants.

    Plus tôt cette année, l'équipe de chercheurs a identifié une nouvelle espèce de paresseux dans cette grotte, qu'ils ont nommée Nohochichak xibalbahkah.

    À la conférence paléontologique, Blaine Schubert a révélé que des ours seraient également entrés dans ces grottes, et dans le cas d'Hoyo Negro, n'en sont jamais sortis. Les plongeurs ont trouvé trois crânes extrêmement bien conservés d'une ancienne espèce d'ours, les Arctotherium wingei. Un lointain cousin de l'ours à lunettes (Tremarctos ornatus), un peu plus petit que les grizzlis modernes.

    Les crânes sont si bien conservés que d'après Blaine Schubert, les visiteurs passant dans son laboratoire les prennent pour des reconstitutions en haute qualité. Les plongeurs ont également retrouvé des crânes d'un canidé semblable au coyote, qui auparavant n'existait qu'en Amérique du Sud.

    Ces restes sont la première preuve tangible de la présence de carnivores migrant de l'Amérique du Nord vers l'Amérique du Sud, se reproduisant avec des espèces d'Amérique du Sud avant de repartir vers le Nord, ajoutant une complexité plus grande encore à cet inter-échange.

    Hoyo Negro réserve encore bien des surprises aux chercheurs : Blaine Schubert a récemment reçu une bourse National Geographic pour poursuivre son travail de recherche sur le site. L'équipe espère collecter de nouveaux ossements et pouvoir s'aventurer plus loin encore dans les abysses. 

    « À partir d'une petite information, il est aisé de construire un scénario simple, » explique Greg McDonald, membre du Bureau américain des paléontologues qui a participé aux recherches d'Hoyo Negro. « Nous reconnaissons désormais que la réalité est sans doute plus complexe. C'est ce qui rend la paléontologie fascinante. »

    Les plongeurs explorent Hoyo Negro. La grotte sous-marine renferme les plus anciens et plus complets squelettes humains des Amériques.
    PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, National Geographic Creative

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