Écosse : dans les pas des voleurs de cadavres d’Édimbourg

Partez sur les traces de William Burke et William Hare, illustres tueurs en série qui se sont enrichis en vendant les corps de leurs victimes à la science.

De Ronan O’Connell
Publication 24 oct. 2023, 19:15 CEST
Cette illustration datant de 2019 montre des pilleurs de tombe fournissant des cadavres à des étudiants en ...

Cette illustration datant de 2019 montre des pilleurs de tombe fournissant des cadavres à des étudiants en médecine d’Édimbourg (Écosse) au cours des 18 et 19e siècles. Des visites guidées tournant autour de deux célèbres voleurs de cadavres sont proposées dans la capitale écossaise.

ILLUSTRATION DE Rohan Daniel Eason, Illustration Ltd, Science Museum Group

Tout a commencé comme une histoire à sensation, empreinte de sadisme et de corruption, dans la vieille ville d’Édimbourg. Deux années durant, entre 1827 et 1828, William Burke et William Hare semèrent la terreur dans les ruelles pavées de la capitale écossaise, kidnappant et assassinant seize personnes à des fins d’expérimentations médicales. Cette folie meurtrière s’est finalement conclue par une action en justice controversée qui a captivé la nation.

Bien que deux siècles se soient depuis écoulés, la légende du duo intrigue encore les touristes, qui découvrent leur histoire épouvantable au gré des expositions au musée, des expériences interactives et des visites guidées, à l’instar de la bien-nommée « Blood and Guts: The Twists and Turns of Edinburgh’s Medical History » (en français, Sang et tripes : Les péripéties de l'histoire médicale d'Édimbourg).

 

UN OPPORTUNISME SINISTRE

Immigrant irlandais arrivé en Écosse, William Hare travaillait comme gardien dans une maison de pension située sur West Port Street, à Édimbourg. C’est là qu’il fit la rencontre de l’Irlandais William Burke en 1827. Les deux hommes ne tardèrent pas à tomber dans la criminalité. Le 27 novembre 1827, furieux qu’un locataire soit décédé avant de régler sa note, William Hare mit au point un plan pour récupérer l’argent dû en volant le cadavre du malheureux dans son cercueil avec l’aide de Burke, avant de le vendre à un anatomiste de la ville.

Robert Knox (1791-1862) était un chirurgien et anatomiste écossais, connu pour avoir travaillé avec les voleurs de cadavres William Burke et William Hare.

PHOTOGRAPHIE DE Bibliothèque de l'université d'Édimbourg, Bridgeman Images

Réalisant que ce dernier avait besoin d’un approvisionnement régulier en cadavres frais, les deux hommes passèrent du pillage de tombes à l’assassinat. Attirant leurs victimes dans le logement où ils vivaient sur West Port Street, ils leur servaient verre sur verre avant de les étouffer. Chaque cadavre était vendu à Robert Knox, l’un des anatomistes écossais qui tentaient de déchiffrer les mystères du corps humain en pratiquant la dissection. Le médecin payait pour chaque cadavre frais apporté à son laboratoire situé à Surgeon’s Square.

William Burke et William Hare ne tardèrent cependant pas à devenir assoiffés de sang. Comme l’explique Caroline McCracken-Flesher, autrice du livre The Doctor Dissected: A Cultural Autopsy of the Burke and Hare Murders (Le médecin disséqué : autopsie culturelle des meurtres de Burke et Hare), un sentiment d’urgence et une certaine négligence commencèrent à transparaître dans leurs assassinats. « Leur seizième victime était une femme âgée sans amis originaire d’Irlande que Burke et Hare avaient séduite », indique la professeure d’anglais à l’université du Wyoming. « En attendant l’ouverture des laboratoires d’anatomie, ils ont caché son corps sous un tas de paille qui faisait office de lit », ajoute-t-elle.

Des témoins virent le duo décharger le corps au cabinet de Robert Know et alertèrent les autorités. La police fit une descente sur les lieux, trouva la victime et interpella peu après Burke et Hare. Le sentiment de soulagement qui parcourut Édimbourg céda rapidement la place à l’indignation lorsque la nature des transactions entre les trois hommes fut révélée au grand jour. Aux yeux du public, il s’agissait « de meurtres commis au nom de la science », explique Caroline McCracken-Flesher. « On soupçonnait les médecins de savoir d’où venaient ces cadavres frais qui n’avaient jamais été inhumés ».

Robert Knox ne fut cependant jamais emprisonné, étant protégé par son statut et le fait que rien ne prouvait qu’il était au courant des agissements de Burke et Hare. Sa réputation et sa carrière furent toutefois ruinées. Quant à Hare, il évita la prison en témoignant, contribuant ainsi à la condamnation de Burke pour les seize meurtres.

Cette affaire judiciaire avait « fait sensation », raconte Ewen Cameron, professeur d’histoire à l’université d’Édimbourg. Au moment du procès, « Édimbourg était une capitale et une ville de l’establishment ; elle avait plutôt bonne réputation par rapport aux villes industrielles enfumées de l’Ouest », précise-t-il. « Mais [Burke et Hare] ont exposé la face cachée de l’establishment médical ».

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    Environ 24 000 personnes auraient assisté à l’exécution de William Burke, qui fut pendu puis disséqué. Il était possible d’acheter des tickets pour l’observer depuis les fenêtres donnant sur la place.

    PHOTOGRAPHIE DE NPL - DeA Picture Library, Bridgeman Images

    Au Surgeon’s Hall Museums, des objets macabres, comme le masque mortuaire de Burke et un portefeuille fabriqué avec sa peau, racontent « l’histoire de l’essor de la médecine au 19e siècle à Édimbourg et l’expansion de l’étude de l’anatomie », explique Louise Wilkie, conservatrice du musée. Le musée se situe sur le campus du Royal College of Surgeons of Edinburgh.

    Les touristes peuvent voir des acteurs rejouer des moments de cette épouvantable histoire au Edinburgh Dungeon, une attraction souterraine qui raconte la mystérieuse histoire de la ville. Lors de ses évènements Ghosts and Gore, les guides de Cadies and Witchery Tours conduisent les visiteurs jusqu’au Tribunal en empruntant les ruelles pavées si pittoresques du quartier Old Town d’Édimbourg, au pied du château. C’est là que William Burke fut jugé le jour de Noël. La visite se poursuit ensuite jusqu’au site de l’exécution publique du meurtrier, Lawnmarket, où il fut ensuite disséqué (comme ses victimes) et sa peau utilisée pour confectionner divers objets, dont bon nombre sont exposés au musée William Burke. Le squelette de Burke fut conservé et préservé en tant qu’outil pédagogique pour les étudiants en anatomie et est aujourd’hui exposé au musée d’anatomie de l’université d’Édimbourg.

    Quant à William Hare, il disparut juste après le jugement de Burke. S’il a sans doute passé le restant de ses jours dans l’anonymat, ses crimes et ceux de son acolyte font encore parler d’eux aujourd’hui.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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