La "tablette de Gilgamesh", joyau de la littérature mésopotamienne, a été rendue à l'Irak

Lors d’une cérémonie officielle en septembre 2021, l’une des œuvres littéraires les plus anciennes au monde a quitté les États-Unis pour retrouver sa place initiale, en Irak. "La tablette de Gilgamesh" aurait été volée en 1991 pendant la guerre du Golfe.

De Margot Hinry
Publication 17 oct. 2021, 09:15 CEST, Mise à jour 18 oct. 2021, 09:06 CEST
L'une des tablettes de Gilgamesh, semblable à celle récemment restituée au peuple irakien. Ici, la Tablette ...

L'une des tablettes de Gilgamesh, semblable à celle récemment restituée au peuple irakien. Ici, la Tablette narrant l'inondation.

PHOTOGRAPHIE DE British Museum, Scala, Florence

Sur cette tablette d’argile, petite et d’apparence plutôt simple, se trouvent des extraits de « L’épopée de Gilgamesh », soit les mésaventures du légendaire et cruel roi de la ville d’Uruk, en quête d’immortalité. D'aucuns considèrent ces écrits comme « le plus ancien poème épique de l’histoire ».

Gilgamesh aurait été, selon la légende, le cinquième roi de la première dynastie d’Uruk. L’écrit aurait environ 3 500 ans. Selon la traduction de l’expert d’écritures cunéiformes de Mésopotamie, Georges Smith, le roi Gilgamesh était si cruel et mauvais avec son peuple, qu’une déesse aurait créé son double afin de le rendre lui imposer plus de droiture. Il aurait fini par devenir ami avec Endiku, un être d'une grande bonté, et se serait allié à lui pour accomplir des exploits. Lorsque Endiku trouva la mort, le roi d’Uruk aurait, dans un élan de désespoir, cherché à tout prix le secret de l'immortalité. Après plusieurs péripéties, Gilgamesh compris que les hommes n’étaient pas censés être éternels et se mit à profiter de l’instant présent en veillant convenablement sur le peuple d’Uruk.

L’épopée du roi Gilgamesh a été publiée dans plusieurs tomes en 1870 sous le nom de The Chaldean Account of Genesis, grâce au travail acharné et très minutieux du talentueux Georges Smith. Cette histoire a pu voir le jour grâce à cet assyriologue britannique qui a découvert et traduit l’ensemble des textes retraçant l’histoire du demi-dieu Gilgamesh.  

Sur cette tablette d’argile, il ne s’agit que d’un court passage des longues mésaventures du roi. Mais que nous compte l’extrait ? Michaël Guichard, assyriologue et directeur d’études à l’EPHE, résume pour National Geographic le passage de l’Epopée « Gilgamesh […] fait des rêves étranges et demande à sa mère de les interpréter pour lui. Ceux-ci annoncent l’arrivée d’Enkidu, un sauvage qu’il va affronter d’abord, puis connaître comme ami. Après une lacune, le récit se tourne vers cet Enkidu qui vient de quitter la vie sauvage grâce à la fréquentation d’une prostituée. En vérité, elle a été envoyée par Gilgamesh pour amadouer celui qu'il considère comme une brute. Cette femme vante à Enkidu les mérites de la vie citadine ».  

Comprendre : l'ancienne Mésopotamie

 

UN RETOUR SYMBOLIQUE 

Une cérémonie officielle s'est tenue le jeudi 23 septembre 2021 à Washington. Les autorités irakiennes et américaines s’y trouvaient, ainsi que la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay. Le ministre de la Culture Irakien Hasan Nazim considère que cette restitution « restaure l'amour-propre et la confiance de la société irakienne ».

L’histoire du pays est et a longuement été abîmée par des conflits internes et externes. Comme l’explique Michaël Guichard, « le pillage des sites archéologiques ou des musées en Irak représente une violation de leur patrimoine, mais bien plus [encore] une atteinte à l’intégrité d’une nation. Cela touche à l’identité culturelle profonde ». Il s’agissait là d’un « pillage massif » : comme l’indique l’Unesco, les États-Unis auraient « facilité le rapatriement volontaire » de 17 000 pièces culturelles à l’Irak en juillet 2020, volées au cours de ces dernières décennies, notamment lors de l’invasion américaine de 2003.

Le vol de la tablette de Gilgamesh n’a pas été clairement explicité. En 2019, elle aurait été saisie par le Département de la Justice des États-Unis. La « tablette de Gilgamesh », également connue sous le nom de « tablette du rêve de Gilgamesh », aurait été pillée dans un musée en Irak pendant le conflit survenu dans le pays en 1991. Elle a été introduite frauduleusement sur le marché de l'art américain en 2007, puis saisie par le Département de la Justice des États-Unis en 2019. 

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    PHOTOGRAPHIE DE Lynn Abercrombie, National Geographic Creative

    UN JOYAU MÉSOPOTAMIEN EN CACHE TOUJOURS UN AUTRE

    L’expert en analyse de la Mésopotamie et du Moyen-Orient, Michaël Guichard, s’interroge également sur le nom du musée volé, le numéro de musée censé figurer sur la tablette ne semblant pas apparaître. « En réalité, j’ai l’impression qu’on ne sait rien de précis sur l’origine de la tablette, sinon qu’elle est sortie d’Irak illégalement et anonymement, avec un lot de tablettes plus ou moins important, à une date encore indéterminée. [Elle était] encore couverte de sel et illisible, elle était à Londres vers 2003 puis à Princeton New Jersey, en 2005, où elle fut véritablement déchiffrée ».

    Pour l’Irak, rapporter cette œuvre littéraire dans son pays est salvateur, tant par le geste que par l’histoire à laquelle renvoie la tablette. « L’œuvre de Gilgamesh a tout particulièrement une résonance universelle et sa morale pourrait d’ailleurs finalement convenir à la situation du présent. Son lecteur tire comme enseignement des aventures de Gilgamesh que rien n’est plus fort que l’amitié, que la vie est courte et qu’il faut profiter de [l’instant] et de sa famille » insiste Michaël Guichard.

    L’assyriologue confie regretter un manque d’édition scientifiques des nombreux textes retournés à l’Irak.  « Restituer les objets volés c’est bien, mais il faut souhaiter qu’ils soient désormais accessibles à la communauté scientifique. Une coopération internationale serait vraiment nécessaire ; on ne peut se contenter d’actions symboliques ».

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