Thyra, la mystérieuse reine viking, aurait œuvré à l'unification du Danemark

Une nouvelle analyse des pierres de Jelling laisse penser que la reine Thyra aurait joué un rôle politique clé dans le Danemark du 10e siècle.

De Tom Metcalfe
Publication 13 oct. 2023, 16:21 CEST

Les pierres de Jelling, au Danemark, portent des inscriptions gravées il y a un millénaire à la demande d’un roi viking et de son fils. La plus grosse pierre de Jelling (photographiée ci-dessus) a été érigée par le roi Harald à la dent bleue et son inscription mentionne la mère de ce dernier, Thyra, ainsi que la conversion du pays du paganisme nordique au christianisme en 965 apr. J.-C. C’est pour cette raison qu’elle est surnommée « le certificat de naissance du Danemark » et qu’elle est représentée sur le passeport danois.

PHOTOGRAPHIE DE Roberto Fortuna, National Museum of Denmark

De nouvelles recherches portant sur les inscriptions vieilles de 1 000 ans des pierres de Jelling suggèrent que l’épouse et la mère de deux rois vikings aurait été beaucoup plus puissante que ce que l’on pensait et aurait peut-être même régné sur le royaume danois.

C’est ce que révèle une étude parue dans la revue Antiquity, pour laquelle des scientifiques ont réalisé une nouvelle analyse des pierres runiques de Jelling, dont les inscriptions gravées il y a plus d’un millénaire commémorent le roi viking Gorm l’Ancien, son épouse Thyra et les exploits de leur fils, le roi Harald à la dent bleue.

Situées à Jelling, une petite ville de l’est de la péninsule du Jutland, les pierres de Jelling comportent les premières mentions du Danemark en tant qu’entité politique. La pierre runique la plus ancienne et la plus petite, qui porte une inscription en runes, a été érigée par Gorm vers 950 apr. J.-C. L’inscription qui figure sur la plus grosse des deux pierres, érigée par son fils Harald à la dent bleue, relate la conversion du Danemark au christianisme en 965 apr. J.-C et est considérée par beaucoup comme le « certificat de naissance » du pays. (Petite anecdote : Harald à la dent bleue, ou « Harald Bluetooth » en anglais, a donné son nom à la célèbre norme de télécommunication sans fil.)

Le nom de Thyra, l’épouse de Gorm et la mère d’Harald, est inscrit sur les deux pierres. Il figure aussi sur deux autres pierres runiques vikings de l’époque, ce qui en fait le prénom le plus mentionné tous sexes confondus, mais les chercheurs ignoraient jusqu’alors s’il faisait référence à Thyra, l’épouse et la mère de rois, ou à d’autres femmes. Cette énigme a été partiellement résolue grâce à une nouvelle découverte, qui pourrait bien remettre en cause nos conceptions du rôle des femmes au sein de la société viking.

 

GRAVÉE DANS LA PIERRE

Pour cette nouvelle analyse, les scientifiques ont numérisé en 3D sept pierres runiques de la péninsule du Jutland, notamment la plus grande pierre de Jelling, ce qui a permis de dévoiler des détails encore jamais vus de leurs inscriptions.

L’analyse a révélé que l’auteur de l’inscription figurant sur la pierre runique d’Harald à la dent bleue avait également gravé celle de la pierre runique de Laeborg, située à environ 30 km au sud-ouest de Jelling.

Comme le nom du graveur (Ravnunge-Tue) était inscrit sur la pierre de Laeborg et que celui-ci est désormais associé à l’iconique pierre de Jelling, les Danois connaissent désormais le nom de l’artisan à l’origine de leur « certificat de naissance », explique Lisbeth Imer, archéologue et runologue au Musée national du Danemark, et autrice principale de l’étude parue dans la revue Antiquity.

Mais ce qui intéresse tout particulièrement cette dernière, c’est ce que ce lien désormais reconnu entre les pierres runiques dit de Thyra. Alors qu’il est plutôt inhabituel que le prénom de femmes viking soit mentionné sur des pierres runiques, celui de Thyra apparaît sur quatre pierres datant de la même époque, dont au moins trois font référence à la même femme. Dans l’inscription qu’il a gravée sur la pierre de Laeborg, Ravnunge-Tue décrit Thyra comme sa dróttning, un mot nordique que l’on peut traduire par « maîtresse », « dame » ou encore « reine ».

Cette illustration tirée du livre Illustrated History of Denmark (Histoire illustrée du Danemark) représente Thyra, la reine viking, ordonnant la construction du Danevirke, un système de fortifications construit dans la péninsule du Jutland, dans le nord de l’Europe.

PHOTOGRAPHIE DE Look and Learn, Bridgeman Images

Toutes ces références runiques suggèrent que Thyra était une figure clé du nouveau royaume danois, dont l’influence éclipsait peut-être celle de son mari Gorm et de son fils Harald, confie Lisbeth Imer. « Aucune autre personne de l'âge des Vikings danois n’est célébrée sur autant de pierres, pas même Harald à la dent bleue, son célèbre fils… Elle a donc dû jouer un rôle très important dans la formation de l’État », analyse l’archéologue. 

Elle précise également que les seuls écrits datant de l'âge des Vikings danois sont les pierres runiques, dont les « textes sont très brefs ». Mais selon plusieurs sources archéologiques, les femmes vikings pouvaient posséder leurs propres terres et exercer un pouvoir politique. 

Des écrits du 10e siècle mentionnent aussi des femmes puissantes dans des pays comme l’Italie et l’Allemagne. Il semblerait donc que le nouvel état danois n’ait pas été en reste.

 

DES FEMMES VIKINGS PUISSANTES

Judith Jesch, professeure en études vikings à l’université de Nottingham (Angleterre) qui n’a pas pris part à l’étude, estime que cette découverte « présente Thyra sous un nouveau jour ».

Si toutes ces pierres runiques font référence à la même femme, « cela laisse penser qu’elle a eu une influence considérable sur cette région du Danemark à une époque où le pays commençait à s’unir en une nation », avance-t-elle.

La professeure souligne aussi que Thyra est surnommée « le salut du Danemark » (ou « la force du Danemark ») sur la plus petite des pierres de Jelling, qui a été érigée par Gorm. « Ce commentaire légèrement obscur semble indiquer [qu’elle a joué] un rôle clé dans la politique de l’époque ».

Henrik Williams, runologue à l’université d’Uppsala en Suède qui n’a pas pris part à l’étude, ajoute que d’autres pierres runiques Vikings, dont certaines situées en Norvège et en Suède, mentionnent des femmes et « sont la preuve qu’elles avaient des ressources à l’âge des Vikings en Scandinavie ».

Mais pour lui, et Stefan Brink, spécialiste des Vikings à l’université britannique des Highlands et des îles, les inscriptions ne constituent pas des preuves irréfutables de la puissance politique de Thyra.

Stefan Brink, qui n’a pas non plus pris part à l’étude, juge « possible et probable » que Thyra était une femme très importante au Danemark à l’époque, mais que rien ne prouve qu’elle était l’égal politique de son époux Gorm.

« C’était peut-être le cas, mais comment le prouver ? », demande-t-il.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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