Sur les traces d’Ibn Battuta : l'Algérie

Après le Maroc, l'explorateur musulman Inb Battuta traversa sans encombre et sans délai le Maghreb central, l'actuelle Algérie.

De Romy Roynard
Publication 28 déc. 2018, 15:00 CET
Il se prénomment eux-mêmes « Imajaghen » ou « Hommes Libres ». Libres au cœur de ...

Il se prénomment eux-mêmes « Imajaghen » ou « Hommes Libres ». Libres au cœur de l’immensité saharienne, les Touaregs sont les gardiens du désert, de ses vallées et de ses mystères. Au croisement des routes entre Orient & Occident, le Tassiji n’Ajjer résonne avec le désert d’Arabie invoquant, au-delà des frontières, cet héritage commun de carrefours culturels.

PHOTOGRAPHIE DE Yan Bighetti de Flogny, Projet Al Safar

Les écrits d’Ibn Battûta ont été largement étudiés par les géographes, les ethnologues et les historiens. Pour certaines régions du monde, comme le Mali ou l'Afrique de l'Est, son récit confié au poète Ibn Juzayye et compilé dans le recueil Tufat an-Nuẓẓār fī Gharāʾib al-Amār wa ʿAjāʾib al-Asfār (littéralement « Un cadeau pour ceux qui contemplent les splendeurs des villes et les merveilles des voyages »), est la seule source dont nous disposons aujourd'hui encore pour le XIVe siècle.

Son départ est ainsi décrit dans les Voyages : « Je sortis de Thandjah, lieu de ma naissance, le jeudi 2 du mois de redjeb, le divin et l’unique, de l’année 725, dans l’intention de faire le pèlerinage de La Mecque et de visiter le tombeau du Prophète. (Sur lui soient la meilleure prière et le salut !) J’étais seul, sans compagnon avec qui je pusse vivre familièrement, sans caravane dont je pusse faire partie ; mais j’étais poussé par un esprit ferme dans ses résolutions et le désir de visiter ces illustres sanctuaires était caché dans mon sein. Je me déterminai donc à me séparer de mes amis des deux sexes, et j’abandonnai ma demeure comme les oiseaux abandonnent leur nid. Mon père et ma mère étaient encore en vie. Je me résignai douloureusement à me séparer d’eux, et ce fut pour moi comme pour eux, une cause de maladie. J’étais alors âgé de vingt-deux ans. »

C'est donc jeune qu'Ibn Battuta, simple pèlerin en partance pour la Mecque, quitte en 1325 son Tanger natal. Le jeune homme a étudié le droit coranique et en quittant le Maroc pour faire le haji, le pèlerinage que font les musulmans pour se rendre dans les lieux saints de la ville de La Mecque, en Arabie saoudite, il a à cœur de ponctuer son voyage de rencontres au sein de la communauté musulmane. Au XIVe siècle, l’Afrique du Nord est considérée par les penseurs musulmans comme une région où la religion est demeurée unifiée et pure, préservée des divisions qui apparaissent dans le monde musulman, notamment en Arabie et en Perse.

Après le Maroc, il traverse sans encombre et sans délai le Maghreb central, l'actuelle Algérie. Dans l'immense fresque du monde musulman que donne à voir Ibn Battuta, l'Algérie n'est de fait qu'un point de couleur rapidement posé. L'explorateur du XIVe siècle n'a en effet pas conduit de monographie précise et systématique des pays traversés au cours de ses pérégrinations, et le Maghreb central n'aura somme toute été pour lui qu'un trait d'union entre le Maroc et la Tunisie.

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    Eau du puits pour les uns et thé brulant pour les autres : les chameaux et les hommes se désaltèrent avant de reprendre leur marche à travers le désert.
    PHOTOGRAPHIE DE Yan Bighetti de Flogny, Projet Al Safar

    Sept siècles plus tard, nous suivons le photographe Yan Bighetti de Flogny, qui s’est lancé sur les traces d’Ibn Battuta pour raconter le monde musulman moderne. Son reportage a tout naturellement commencé en mars 2018 au Maroc, pays de naissance d’Ibn Battuta, avant de se poursuivre en Algérie quelques mois plus tard. 

    Yan Bighetti de Flogny arrive à Alger en plein Ramadan. Une ville qu'il a l'impression de déjà connaître grâce aux souvenirs de sa grand-mère pied-noir transmis d'une mémoire à l'autre. L'empreinte de la colonisation française, nous dit-il, est encore très présente, notamment dans le centre-ville. Laiouar, le jeune guide algérois, explique que le centre-ville a été pensé de manière à ce que les visiteurs arrivant par la mer ne voient que des bâtiments français. Les quartiers algérois aux lignes architecturales plus traditionnelles se trouvent un peu plus loin.

    Après la cathédrale du Sacré-Coeur, le boulevard de l'impératrice Eugénie, le port marchand, la grande poste, l'équipe se dirige en bus vers la casbah. Là en effet, le paysage se compose de ruelles très étroites, de maisons recouvertes de chaux blanche et de pointes de bleu. Les touristes sont ici moins présents qu'au Maroc, et les rues désertes au moment de la rupture du jeûne laissent à l'équipe la liberté de découvrir une ville faussement calme.

    Le vingt-septième jour du Ramadan, l'équipe reçoit l'autorisation de photographier le mausolée Sidi Abderrahmane. La nuit du vingt-sixième au vingt-septième jour est une date particulièrement importante dans l'observation du Ramadan. C'est la « nuit du décret » qui rappelle le moment où le Coran a été révélé au Prophète. Ce monument est lui aussi singulier : classé au patrimoine national en 1987, le mausolée de Sidi Abderrahmane est l’une des plus anciennes mosquées d’Alger. C’est là qu’est inhumé le Saint patron d’Alger, Sidi Abderrahmane. 

    Yan a pour guide Zoubir, l'imam, qui le présente aux femmes présentes en expliquant l'ambition du projet Al Safar. Elles acceptent volontiers de poser pour le photographe, qui parvient à cristalliser d'importants moments de vie religieuse et culturelle : l'une dans le tombeau de Siddi Abderrahmane et l'autre autour de bougies et de sachets de henné répartis avec soin. 

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        PHOTOGRAPHIE DE Yan Bighetti de Flogny, Projet Al Safar

        Le lendemain, direction Tlemcen, à cinq heures de route d'Alger. Yan et l'équipe découvrent El Mechouar, un complexe palatial royal zianide, construit en 1248. El Mechouar - littéralement « aile du Conseil », doit son nom à la salle où se réunissaient les ministres autour du sultan de Tlemcen. L'art mauresque y dessine en arabesques et en détails sculpturaux le Moyen-Âge maghrébin.

        Les rencontres photographiques se succèdent à la mosquée Sidi Boumediene, construite en 1339 par le sultan mérinide Abou l'Hassan Ali, puis au mausolée se trouvant sous la mosquée. La nouvelle de la présence d'une équipe de photographes se propage comme une traînée de poudre et des pères se présentent à l'équipe pour que leurs enfants puissent eux aussi faire partie de cette mosaïque humaine. 

        Le retour à Alger se fait au rythme des paysages nocturnes.

        Vêtus de djellabas, l'équipe rejoint le lendemain la place centrale, occupée par des centaines de fidèles. C'est l'Aïd el-Fitr (عيد الفطر « la fête de la rupture »), qui célèbre la fin du jeûne du mois de Ramadan, le quatrième pilier de l'islam. La première prière terminée, les embrassades se succèdent dans l'allégresse la plus sincère. 

        L'Aïd ne tarde pas à se terminer, les rayons de soleil caressant la baie d'Alger laissant place à une nuit sombre.

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          Lecture et apprentissage dans un environnement architectural épuré en rapport avec la morale particulière des Ibadites. L’Ibadisme est l’école la plus ancienne en Islam et si on note l’absence de décoration de ces mosquées, c’est parce qu’il est considéré que la relation avec Dieu doit être le plus pure possible sans fioritures ornementales. Aussi pour instaurer une parfaite égalité entre les croyants des différentes mosquées.
          PHOTOGRAPHIE DE Yan Bighetti de Flogny, Projet Al Safar

          Le jour suivant est jour férié en Algérie. Les enfants sont dans les rues pour jouer au football ou à la corde à sauter. 

          L'escale algérienne se termine par le village de nomades de Djanet, dans le désert de Tadrat et Ghardaïa, dans la Vallée du M'zab. Le désert de Tadrat est un mélange de dunes et de roches somptueux. Le sable est composé d'une variété de teintes infinie. Si les photographes ont eu le temps de poser leurs trépieds, la contemplation est de courte durée : peu de temps après une forte tempête de sable se lève et les oblige à retourner dans leur hôtel. Les risques naturels sont accrus par le fait que les tempêtes de sable sont en général le moment que choisissent les djihadistes pour entrer en Algérie depuis la Lybie, profitant du fait que les plaques de leur voiture ne sont alors pas lisibles par les drones. Un convoi d'une dizaine de chameaux accompagne l'équipe Al Safar vers d'autres villages nomades.

          À Ghardaïa, une autorisation exceptionnelle est accordée à Yan pour photographier la Grande Mosquée. C'est la première fois en trente ans qu'un photographe obtient le précieux sésame. La ville classée au patrimoine mondial de l'Unesco est comme hors du temps, malgré l'attrait des touristes pour la Vallée du M'zab. Son architecture et son histoire s'entremêlent dans la terre cuite des bâtiments individuels, avec une authenticité singulière, propre à l'Algérie.

           

          « Sur les traces d'Ibn Battuta » est un projet d'exploration artistique porté par l’Association Al Safar en partenariat avec l’UNESCO et le Misk Art Institute. Le photographe et directeur artistique Yan Bighetti de Flogny et le réalisateur Damien Steck reconstituent le voyage légendaire de l'explorateur marocain du 14e siècle, Ibn Battuta, afin de témoigner en images de la diversité des cultures et des communautés d’Islam à travers 38 pays.

          Le projet souhaite mettre à l'honneur la jeunesse, l'innovation et la création dans les pays traversés.

          Retrouvez le projet sur FacebookInstagram et Twitter et sur les hashtags suivants : #IbnBattuta #AlSafar #FollowAlSafar

          Directeur artistique et Photographe : Yan Bighetti de Flogny (Retrouvez-le sur Facebook)

          Réalisateur : Damien Steck

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