En Indonésie, cette image d'une victime du coronavirus devient virale dans un contexte de déni général

Le corps d'une victime du coronavirus enveloppé dans du plastique montre ce que beaucoup préfèrent ne pas voir.

De David Beard
Publication 23 juil. 2020, 15:05 CEST
Le corps d'une victime présumée de la COVID-19 repose dans un hôpital indonésien. Après le décès du patient, les ...

Le corps d'une victime présumée de la COVID-19 repose dans un hôpital indonésien. Après le décès du patient, les infirmières ont enveloppé le corps dans des couches de plastique et ont appliqué un désinfectant pour prévenir la propagation du virus.

PHOTOGRAPHIE DE Joshua Irwandi

Le photojournaliste Joshua Irwandi a suivi le quotidien du personnel hospitalier indonésien, prenant cette image forte d'un corps d'une victime du coronavirus, enveloppé dans du plastique. Ce faisant, il s'est assuré de ne pas révéler de caractéristiques distinctives, pas même son sexe.

L'image, prise pour National Geographic dans le cadre d'une bourse exceptionnelle accordée par la National Geographic Society pour la couverture journalistique de la pandémie, a touché une corde sensible dans ce pays de 270 millions d'habitants. L'Indonésie a mis du temps à prendre la mesure de la pandémie, le président Joko « Jokowi » Widodo vantant les effets d'un remède à base de plantes non-reconnu par les autorités sanitaires en mars dernier. Certaines des réactions à l'image prise par le photojournaliste ont été pour le moins hostiles.

La photo de Joshua Irwandi a été partagée par les journaux télévisés et par le porte-parole de l'équipe scientifique de lutte contre le coronavirus du pays. L'image a été largement reprise et republiée sans le consentement d'Irwandi par les médias indonésiens. Plus de 340 000 personnes ont « liké » l'image sur sa page Instagram, qu'il a postée après l'article publié le 14 juillet dernier par National Geographic. Plus de 965 000 personnes l'ont également liké sur le compte Instagram de National Geographic.

« Il est clair que la puissance de cette image a nourri les discussions autour du coronavirus », indique Irwandi depuis son domicile en Indonésie. « Nous devons reconnaître le sacrifice des médecins et des infirmièr(e)s. »

Il ne fait aucun doute que cette photographie a marqué ceux qui l'ont vue, convient Fred Ritchin, doyen émérite du Centre international de la photographie : « Nous voyons une personne momifiée. Cela nous fait ressentir une sorte de terreur... » Et nous force à prendre une certaine distance. « Pour moi, l'image est celle d'une personne jetée, enveloppée dans du cellophane, aspergée de désinfectant, momifiée, déshumanisée… Cela a du sens d'une certaine manière, personne ne veut se retrouver à proximité du virus. »

Après qu'Irwandi a posté la photo, le chanteur Erdian Aji Prihartanto indonésien, très suivi sur les réseaux sociaux, a accusé le photographe d'avoir mis en scène les faits, déclarant que la COVID-19 n'était pas si dangereuse, et estimant qu'un photojournaliste ne devrait pas être autorisé à prendre une photo dans un hôpital alors même que les familles des victimes ne pouvaient pas les voir. Les fans du chanteur ont accusé à tort Irwandi d'avoir mis en scène un mannequin et l'ont traité d '« esclave » de l'Organisation mondiale de la santé. Le photographe de 28 ans a été menacé. Selon lui, le gouvernement indonésien a tenté d'identifier l'hôpital, non reconnaissable à l'image, où le corps avait été photographié.

« Des détails sur ma vie privée ont été publiés sans ma permission », a déclaré Irwandi. « Nous nous sommes vraiment écartés de l'intention photojournaliste première. »

Celui-ci a obtenu le soutien de l'association nationale des photojournalistes. Selon eux, l'image répond aux normes journalistiques ; ils ont demandé au chanteur de s'excuser, ce qu'il a fait par la suite.

Irwandi indique par ailleurs que certains responsables gouvernementaux ont déclaré que la nation devrait prendre la crise liée à la COVID-19 plus au sérieux. On reporte actuellement 4 320 décès et 89 869 cas de COVID-19 en Indonésie, bien que ce décompte soit largement sous-estimé. Beaucoup de gens ne pratiquent pas la distanciation sociale et le grand public ne porte pas de masques. Les restrictions sociales à grande échelle ont commencé à s'estomper le mois dernier.

Le photographe espère que cette image encouragera les Indonésiens à prendre leurs précautions - et à sauver des vies.

Comment Joshua Irwandi envisage-t-il la suite ?

Il marque un temps.

« Je pense que je vais faire profil bas pendant un certain temps », dit-il.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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