La vallée de la Mort immortalisée sous un ciel étoilé

Le photographe Harun Mehmedinović capture la fragilité et la beauté du désert qui semble nous transporter sur une autre planète.

De Claire Turrell
Photographies de Harun Mehmedinović
Publication 27 août 2020, 15:27 CEST
Artiste en résidence au parc national de la vallée de la Mort, le photographe Harun Mehmedinović ...

Artiste en résidence au parc national de la vallée de la Mort, le photographe Harun Mehmedinović a capturé des images du ciel nocturne et de la pollution lumineuse croissante. Sur cette photo enneigée, il a réussi à saisir à la fois les étoiles et les lumières de Las Vegas.

PHOTOGRAPHIE DE Harun Mehmedinović

Au parc national de la vallée de la Mort, les extrêmes se côtoient.

Celui-ci s’étend de la Californie au Nevada et comprend les déserts de Mojave et du Colorado. C’est l’un des plus grands parcs du pays, mais aussi le plus chaud. En ce mois d’août, une température record de 54,5 degrés Celsius a été enregistrée à Furnace Creek, une oasis naturelle. La température la plus élevée jamais enregistrée est de 57 degrés Celsius, au même endroit, en 1913.

Le jour, le parc fait face à une chaleur extrême. La nuit, c’est la pollution lumineuse en provenance de Las Vegas et des villes environnantes qui menace les cieux de la vallée de la Mort. La lumière artificielle excessive a une incidence non seulement sur la manière dont on voit les étoiles et les planètes mais également sur la faune et la flore. Les chauves-souris et les papillons de nuit, principaux pollinisateurs de cactus, préfèrent se nourrir par faible éclairage. Les chercheurs de l’université d’Exeter ont découvert que les cactus inondés de lumière artificielle avaient 62 % moins de chances d’être pollinisés.

Le parc, connu pour ses nuits particulièrement étoilées, a été désigné « réserve de ciel étoilé » par l’association internationale Dark-Sky en 2013, dans une tentative de le protéger de la pollution lumineuse. Mais les chercheurs ont continué de mettre en garde contre l’empiètement urbain qui rendait les cieux nocturnes du parc aussi fragiles que ses écosystèmes.  

« Las Vegas est la source de pollution lumineuse qui affecte le plus la qualité du ciel du parc national de la vallée de la Mort », précise Adam Dalton, directeur des programmes à l’association Dark-Sky.

Avec l’urbanisation croissante aux États-Unis, les cieux nocturnes éblouissants qui illuminent la vallée de la Mort se font de plus en plus rares. La pollution lumineuse peut parcourir plus de 350 kilomètres et nuire ainsi à une grande zone.

« Au moins 80 % des Américains ne peuvent plus voir la Voie lactée à l’œil nu », note Dalton.

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    La Voie lactée est plus brillante au-dessus de Panamint Springs grâce à la lumière tamisée de cette station-service. Selon Mehmedinović, cette image met en évidence les bienfaits de réduire l’excès de lumière aux alentours des parcs nationaux.

    PHOTOGRAPHIE DE Harun Mehmedinović

    DES IDÉES LUMINEUSES

    Avant que le parc national de la vallée de la Mort ne soit certifié « réserve de ciel étoilé », le Service des parcs nationaux avait mis en place des mesures pour réduire la pollution lumineuse. Le système électrique du parc était passé aux lampes électroluminescentes (LED) et aux lampes à vapeur de sodium sous basse pression (LPS) qui émettent une lueur couleur citrouille. Tout l’éclairage était dirigé vers le bas pour réduire l’éblouissement. La vallée de la Mort a redoublé d’efforts pour protéger les cieux étoilés lors du festival Dark-Sky en 2019. Au programme, des cours de photographie, des randonnées avec les chercheurs et des séances d’observation des étoiles.

    Technologie et créativité sont venues soutenir la lutte contre la pollution lumineuse avec l’arrivée de Harun Mehmedinović, photographe basé à Los Angeles. Dirigée vers le ciel, sa caméra a documenté les effets nuisibles de la lumière artificielle. Ses images ont attiré l’attention de la National Parks Arts Foundation qui l’a invité, fin 2019, à devenir artiste en résidence à la vallée de la Mort.

    Mehmedinović a passé un mois dans le désert. « L’image a pour but de retenir notre attention, de nous pousser à nous poser des questions. C’est un moyen de discuter d’enjeux plus vastes », dit-il.

     

    L’ART DANS LES PARCS

    Mehmedinović a sillonné le parc, des eaux salées du bassin de Badwater aux pierres mouvantes de Racetrack Playa qui se déplacent dans le sable lors de la fonte des glaces. De temps en temps, une voiture passe devant son camping mais en général il est tout seul avec, pour uniques visiteurs, des scorpions, des serpents et des coyotes venus puiser dans ses réserves alimentaires.  

    Au cours de ses virées hors route, le photographe a crevé ses pneus sur la roche volcanique. Il a conduit d’interminables heures le long de sentiers abrupts et a été bloqué par la neige pendant deux semaines. La nuit, Mehmedinović essayait de dormir, laissant sa caméra capturer des images à intervalles réguliers. « Elle prenait une photo toutes les trente secondes », explique-t-il. « Le lendemain, je passais les images en revue et, parfois, voyais une énorme météorite. »

    La pollution lumineuse des villes peut empiéter sur les zones rurales. Sur cette photo de Racetrack Playa, on voit à droite une lumière en provenance de Las Vegas, à 320 kilomètres.

    PHOTOGRAPHIE DE Harun Mehmedinović

    Mehmedinović, directeur de la photographie et co-producteur du documentaire Ice on Fire de Leonardo DiCaprio sur le changement climatique, est tombé amoureux des parcs nationaux lors de ses études en cinéma à l’université de Californie à Los Angeles. Il repérait les problèmes de pollution lumineuse lorsqu’il sortait son appareil photo pour filmer la nuit. Avec un ami cinéaste, il a créé Skyglow, un projet de photographie pour inciter à la protection des cieux étoilés et mettre en lumière les organisations qui en ont fait leur mission.

    « Lorsque vous dirigez l’appareil photo vers la ville et prolongez le temps d’exposition, la lumière transperce l’image. Je dis souvent, pour plaisanter, qu’elle ressemble à une arme nucléaire qui explose. »

    Mehmedinović fait partie d’une longue lignée d’artistes qui ont puisé leur inspiration dans les parcs nationaux, des peintres de la Hudson River School au milieu du 19e siècle à Ansel Adams, maître de la photographie de paysage au 20e siècle. Il existe aujourd’hui, à travers les États-Unis, plus de cinquante programmes d’artistes en résidence dans les parcs nationaux. Lancée en 2006, cette initiative aide le Service des parcs nationaux à repenser ses sites et offre aux visiteurs et au personnel une nouvelle vision de l’environnement.

     

    CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT DE PARTIR

    Alors que la pollution lumineuse en provenance de Las Vegas atteint les crêtes des montagnes au sud-ouest du parc, Brandi Stewart, responsable des programmes de formation au parc national de la vallée de la Mort, affirme que les visiteurs peuvent toujours repérer quelques endroits magiques pour scruter le ciel étoilé. « Le cratère d’Ubehehe au nord du parc est parfait pour l’observation des étoiles parce qu’il est plus éloigné des lumières de Las Vegas », dit-elle. « Vous pouvez admirer un coucher de soleil exceptionnel au-dessus de Mesquite puis vous allonger sur les dunes de sable et observer le ciel étoilé. »

    « Éveiller la curiosité et susciter l’émerveillement. Telle est la vocation de ces images », indique Mehmedinović. « Pour moi, ces photographies amorcent la discussion sur l’importance du ciel étoilé et l’incidence que nous, humains, avons sur l’environnement. »

    PHOTOGRAPHIE DE Harun Mehmedinović

    Les visiteurs peuvent protéger le parc en tenant compte de la quantité de lumière qu’ils projettent. « Lorsqu’ils font un camping, ils peuvent par exemple éteindre les lumières qu’ils n’utilisent pas et choisir des lampes à éclairage rouge pour réduire l’éblouissement et améliorer la vision nocturne », explique Stewart.

    Il reste cependant beaucoup à faire. « Certains campings sont très éclairés et les visiteurs ne se rendent sans doute pas compte de l’incidence de toutes ces lumières sur les autres », ajoute-t-elle.

    La vallée de la Mort étant l’un des parcs nationaux les plus chauds et les plus secs des États-Unis, les visiteurs devraient boire beaucoup d’eau et éviter les randonnées quand le soleil tape fort. Si certains centres demeurent fermés en raison de la pandémie de COVID-19, les sentiers ont rouvert. Dante’s Ridge, une randonnée de 13 kilomètres offre une vue imprenable sur la vallée de la Mort jusqu’au Telescope Peak. Vous pouvez admirer des couchers de soleil extraordinaires depuis Zabriskie Point, les dunes de sable, Artist’s Palette et Aguereberry Point. Si vous n’avez que deux heures pour explorer cette vaste région, vous pourrez rouler le long de la route de Badwater où se trouvent les monuments les plus célèbres de la vallée de la Mort, comme le Mushroom Rock et le Devil’s Golf Course.

     

    Écrivaine et rédactrice indépendante, Claire Turrell est basée à Singapour. Harun Mehmedinović est un réalisateur, scénariste, photographe et écrivain bosno-américain.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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