Neuf photographes aventurières qui repoussent les limites du courage

Il faut de la détermination, de la créativité et du courage pour exceller dans le domaine de la photographie. Voici l'exemple de neuf femmes sans peur qui ont dépassé les conventions photographiques.

De Sadie Quarrier

Que faut-il pour être photographe d'aventure ? De l'endurance, des compétences expertes dans au moins un sport et la capacité à travailler dans des conditions extrêmes, souvent en équipe. Vous êtes le dernier au lit et le premier debout. Vous consacrez votre temps libre à télécharger et à classer des milliers de photos et vidéos. Un travail qui peut s'avérer épuisant, tant sur le plan physique que sur celui de la créativité.

Pour les femmes qui ont choisi le métier de photographe d'aventure, pénétrer dans cet univers dominé par les hommes peut être difficile.

En tant que directrice de la photographie d'exploration et d'aventure pour le magazine National Geographic, je travaille sur des histoires pour lesquelles des photographes - qui sont à la fois alpinistes, grimpeurs, explorateurs polaires, plongeurs, spéléologues et artistes de la survie - risquent leur vie en quête d'un joli cliché. J'aimerais voir encore plus de femmes dans ce domaine, et raconter leurs témoignages les plus inspirants.

Ces neuf femmes très talentueuses repoussent les limites de l'art et de l'exploration et encouragent les jeunes photographes à se lancer.

 

KRYSTLE WRIGHT

Infatigable, persévérante, intrépide, coriace et avec une pointe de mauvaise humeur, l'Australienne Krystle Wright est engagée à 100 % dans ses projets. « La photographie m'a donné le passeport pour aller à la rencontre de n'importe qui et commencer à converser. C'est le but de ma vie, » explique Wright, une vraie timide dans des circonstances plus communes.

« Quand vous êtes photographe, pour vous démarquer des autres, vous devez penser à de nouvelles idées, de nouvelles approches, » dit-elle. Elle avait cette vision qui a viré à l'obsession, celle d'un unique cliché de BASE Jump qu'elle n'avait jamais vu faire. Il lui a fallu plus de quatre ans et cinq tentatives ratées pour réussir à obtenir l'image qu'elle avait imaginé.

Elle a passé les cinq dernières années à dans une camionnette, à la recherche de projets, à la recherche de limites à repousser. Au Pakistan, elle a frôlé la mort dans un accident de parapente. Mais ses jambes et ses dents cassées, ses cicatrices n'ont pas eu raison de sa passion. « Je ne crains que le regret, » dit Wright. « Ma curiosité me mène jusqu'aux extrémités du monde pour saisir l'instant fugace, l'âme d'un lieu. »

Lors d'une période de mauvais temps, des vents violents ont traversé le fjord de Sam Ford sur l'île de Baffin, au Nunavut, au Canada. Les base-jumpers ont décidé de profiter un maximum et de tester leurs combinaisons ailées pour voir jusqu'où le vent pourrait les faire reculer quand elles ont sauté, dit la photographe Krystle Wright.
PHOTOGRAPHIE DE Krystle Wright

JILL HEINERTH

Exploratrice sous-marine de l'extrême, spéléologue, photographe et réalisatrice, Jill Heinerth est une photographe à part. Elle est la seule plongeuse que je connaisse qui utilise un recycleur, un appareil qui permet aux plongeurs de rester sous l'eau pendant 20 heures en recyclant l'air expiré. En immersion dans cet environnement hautement dangereux, Heinerth a photographié les profondeurs des grottes marines du monde entier, notamment en Russie, aux Bahamas et en Antarctique.

Née au Canada, Heinerth voulait d'abord être astronaute. C'est la série télévisée L'Odyssée sous-marine de l'équipe Cousteau qui a éveillé son intérêt pour la science marine. « En tant que plongeuse experte et artiste, j’adore collaborer avec des scientifiques. Mon but est de trouver un moyen de minimiser les risques et de rapporter des images et des informations qui racontent l’histoire de lieux qui n’ont jamais été explorés, » dit Heinerth. « Mon souhait de devenir astronaute ne s’est peut-être pas réalisé, mais explorer l’espace intérieur est un bel accomplissement en soi. »

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    Mark Laukien se fraie un chemin dans le passage des "Badlands" de Dan's Cave, à Abaco, dans cette photo de Jill Heinerth.
    PHOTOGRAPHIE DE Jill Heinerth

    JODY MACDONALD

    La canadienne Jody MacDonald est coutumière de l’exploration des derniers recoins sauvages de la planète. Elle a passé ses jeunes années en Arabie Saoudite avant d’entamer deux tours du monde en mer en l’espace d’une décennie. Elle explique qu’elle s’est spontanément « laissée porter par le risque et les activités aux conséquences inconnues. »

    « J’ai un rapport au risque et à l’échec singulier – je les accepte, » dit MacDonald.

    Elle a eu son lot d’aventures peu glamour. Certains des plus stressants, comme lorsqu’elle a été aspirée par un nuage pendant une sortie en parapente alors qu’elle tournait une vidéo, quand elle a été projetée contre la partie supérieur d’un mât de plus de 24 mètres, ou encore quand elle s'est retrouvée prise au piège par un déferlement de vagues alors qu’elle était atteinte de fièvre typhoïde. D'autres aventures ont été moins agitées, comme dans le désert du Sahara où se retrouvant passagère clandestine d’un train alors qu’elle cherchait des spots de surf de sable, ou à Bornéo où elle s’est exercée à pêche au harpon avec des nomades des mers pendant qu’elle était en mission.

    « C’est un métier de solitaire, » admet MacDonald. « Les relations personnelles et sociales sont sacrifiées. Si vous voulez avoir un petit-ami, vous marier ou avoir des enfants, le métier n’en sera que plus délicat. Ça ne convient pas à toutes les personnalités. »

    « J’accorde beaucoup d’importance à l’expérience de vie. J’ai l’intime conviction que la vie est trop courte. Je veux voir, voyager et vivre des aventures autant que possible et autant que mon corps me le permettra, » ajoute-t-elle. « Si demain quelqu’un me demande, “Voulez-vous partir à l’aventure ?” je répondrais “oui, je suis partante ! ” ».

    "Nous avons passé cinq nuits sous la pluie sur le sommet le plus élevé du Malawi, le Mont Mulanje, en attendant d'avoir une fenêtre météorologique pour voler. Le sixième jour, nous avons enfin pris notre envol", rappelle le photographe Jody MacDonald. Elle et son équipage étaient au Malawi, travaillant avec la Fondation Cloudbase pour aider le cinéaste local Ben Jordan à identifier les aires de parapente au Malawi où des vols en tandem pourraient être offerts aux habitants et aux touristes. Ils ont également créé un film engageant le reste du monde à soutenir les initiatives locales au Malawi.
    PHOTOGRAPHIE DE Jody MacDonald

    BETH WALD

    Basée à Boulder, dans le Colorado, Beth Wald s’est imposée comme une photographe d’aventure et d’alpinisme reconnue il y a quelques décennies, à une époque où la profession était très largement dominée par les hommes.

    Plus son chiffre d'affaire augmentait, plus son désir de documenter les questions environnementales grandissait. Elle s’est jointe à George Schaller dans le cadre de plusieurs expéditions pour photographier les animaux sauvages et les peuples vivant dans les régions isolées d’Afghanistan et du Népal. Elle a également fait le portrait des Gauchos de Patagonie et a travaillé en Amazonie, au Pérou, à Cuba, au Népal ainsi qu’au Tibet.

    « Pour moi, les projets qui ont été les plus exaltants, gratifiants et fructueux d’un point de vue artistique au cours de ces dernières années sont ceux qui ont nécessité toutes mes compétences et mon expérience, notamment celles acquises pendant des années passées à photographier de l’escalade, de l’alpinisme... » indique Wald. « Il ne s’agit pas que d’aptitudes photographiques mais bien d’être capable de vivre et travailler dans des conditions difficiles et des environnements extrêmes, de sortir des sentiers battus. »

    Une femme Wakhi sort des yaks alors qu'une tempête de neige fait rage dans un camp de bergers du Pamir afghan. "Sa famille va bientôt partir pour passer l'hiver dans son village, situé à une altitude inférieure", dit Beth Wald. "Les Wakhi sont un peuple indigène ancien du Wakhan, et ils vivent de façon traditionnelle dans cette région éloignée et montagneuse du nord-est de l'Afghanistan, cultivant de maigres récoltes dans les vallées et transportant leurs troupeaux de chèvres, moutons et yaks entre les vallées et les pâturages de haute montagne ".
    PHOTOGRAPHIE DE Beth Wald

    JENNIFER HAYES

    La photographe sous-marine Jennifer Hayes vit le long du fleuve Saint-Laurent, à la frontière de l’État de New York et du Canada, mais la plupart du temps, elle parcourt le monde dans le cadre de missions d’exploration, aux côtés de son mari le photographe sous-marin David Doubilet. Hayes compte plus de 10 000 heures de plongée à son actif, des explorations sous-marines menées entre l’Equateur et les pôles. Passionnée d’histoires alliant science et poissons primitifs, elle « utilise la photographie pour donner une voix aux mondes dérobés à la vue. »

    En mission dans le golfe polaire de Saint-Laurent, une rencontre à la fois palpitante et troublante a laissé un souvenir impérissable à Hayes : la photographe s’est retrouvée entre un jeune phoque, sa mère au comportement protecteur, et un troupeau de phoques mâles agressifs essayant de séparer la mère de son petit. S’interposant entre les deux partis, Hayes s’est fait mordre à la cuisse par l’un des mâles, une blessure qui la marque mais qui n’entache en rien le souvenir d’une maman phoque s’employant à la protéger.

    Dans cette photo de Jennifer Hayes, une femelle phoque du Groenland câline son petit et lui donne un baiser dans les eaux glacées du golfe du Saint-Laurent, près de l'Île-du-Prince-Édouard, au Canada.
    PHOTOGRAPHIE DE Jennifer Hayes

    CAMILLA RUTHERFORD

    La photographe écossaise Camilla Rutherford vit dans une ferme ovine à Wanaka, en Nouvelle-Zélande, et axe ses efforts sur la photographie de sports de neige et de vélo de montagne dans divers pays du monde. Elle évoque son passé dans le milieu théâtral comme un élément déterminant dans sa conception de la photographie. « Immortaliser les performances des athlètes dans leur élément est essentiel. Une photo doit raconter une histoire, vous inspirer à réfléchir davantage et à se demander comment ce moment a pu se produire dans le temps, » écrit Rutherford.

    En 2010, elle était la seule femme photographe à se qualifier pour la finale du Red Bull Illume Image Quest, un grand concours de photographie dédié aux sports extrêmes. Son cliché saisissant de la base-jumpeuse Josie Symons dans les airs au-dessus du glacier néo-zélandais Rob Roy était l’une des 50 photos sélectionnées sur les 23 000 candidatures. En 2001, elle a également remporté le Scandinavian Photo Challenge, un concours de photographie – accessible uniquement sur invitation – consacré aux sports de vélo de montagne. « Ce dont je suis le plus fière reste la naissance de mon fils Alfie, qui marque incontestablement une nouvelle aventure. »

    La jeune maman a repris la photographie et se dit « déterminée à ne pas cesser d’explorer, à partir à l’aventure et à revenir sur le terrain. »

    "C'était une compétition de motocross dans une ferme au milieu de nulle part sur l'île du Sud, en Nouvelle-Zélande", a déclaré Camilla Rutherford. "Bien que la compétition ait été très rurale, le niveau des athlètes était impressionnant, des coureurs internationaux du monde entier ont participé. C'était incroyable."
    PHOTOGRAPHIE DE Camilla Rutherford

    ANGELA PERCIVAL

    Angela Percival vit à Whistler, au Canada, et travaille en tant que photographe pour Arc’teryx, l’entreprise d’équipement sportif. Elle passe la plupart de son temps dans les montagnes, photographiant les athlètes tentant d'escalader des murs de glace, skiant, grimpant... Originaire d’Australie, Percival se distingue par son dynamisme et sa philosophie de vie. « J’adore relever les défis que j'imagine et mettre en place une logistique dans des lieux difficiles d’accès, avec des délais serrés, et souvent des obstacles démesurés, » indique Percival.

    Photographier l’escalade de glace représente un véritable défi en raison des températures glaciales, des questions de sécurité, et de la difficulté de manipuler le matériel dans un environnement vertical. « Je dois faire preuve de détermination pour photographier ce que je veux, » dit-elle. « J’adore photographier l’escalade de glace, mais je dois souvent chercher en mon fort intérieur la force nécessaire pour survivre aux températures glaciales. »

    « Certes, cela me permet de gagner ma vie, mais ce sont surtout les expériences et les gens que j’ai croisé qui ont vraiment enrichi mon existence. »

    Sur cette photo d'Angela Percival, Forrest Coots skie dans le décor immaculé de l'arrière-pays de Revelstoke, en Colombie-Britannique.
    PHOTOGRAPHIE DE Angela Percival

    JEN EDNEY

    La photographe américaine de voile Jen Edney a passé ces dernières années à s’intégrer à des équipes d’élite de course lors de longues étapes en mer, ou pendant des séances d’entraînement. Elle doit anticiper les gestes rapides de l’équipage durant les manœuvres, consigner les pics d’action, gérer son propre quotidien. Edney se place dans des situations concurrentielles avec une équipe d’inconnus, dans des espaces restreints dont il est impossible de sortir pendant des semaines.

    « Travaillant en mer, sur des bateaux, je suis guidée et inspirée par le défi de travailler dans un espace restreint de 12 à 18 mètres, essayant de me faire toute petite et de produire régulièrement du contenu à la fois original et intéressant. Cela me force à toujours penser autrement, à être créative, » explique Edney. « Le plus beau compliment qu’un marin ou qu’un athlète puisse me faire lorsqu’ils voient une de mes photos est qu’ils n’avaient même pas remarqué ma présence. »

    « Être aventurière et photographe tient à la poursuite d’un rêve, nécessite une forte dose de motivation, de la passion, de la détermination, une volonté de courir des risques... et un grain de folie. »

    Michele Sighel profite d'une tempête pour détourner l'eau et mettre au point une douche improvisée sur cette image par Jen Edney. Les douches d'eau douce sont un luxe rare à bord et celle-ci était la bienvenue, soulageant les marins de la chaleur étouffante.
    PHOTOGRAPHIE DE Jen Edney

    EMILY POLAR

    Basée en Californie, Emily Polar a voyagé dans 26 pays et six continents au cours de huit dernières années, des moments empreints d’aventure et de photographie. Elle affirme que ses projets à long terme – notamment un séjour de trois mois au Népal et deux étés au Pérou – sont autofinancés afin de laisser la nature de l’expérience se révéler organiquement. « Un aspect important de chaque aventure est de n’avoir aucune idée de la façon dont elle se déroulera, » indique Polar. « J’en éprouve une sorte de réconfort saugrenu. »

    Polar, qui a été élevée dans les terres peu accidentées du Midwest, raconte qu’elle a toujours été attirée par les montagnes et qu’elle passe la plupart de son temps dans l'Himalaya, les Andes, la Sierra Nevada et les Rocheuses. Elle reconnait avoir eu son « lot de situations embarrassantes. » Lors d’un voyage d’escalade au Pérou, ce qu’elle pensait être une promenade de santé s’est transformée en un cauchemar faits de problèmes intestinaux et de manque de sommeil. Et à Cuba, ce n’est qu’à son arrivée qu’elle a appris que le sport d’escalade avait été interdit la semaine précédant sa venue. Elle a donc passé son temps à esquiver les contrôleurs.

    Malgré les difficultés, Polar précise que ces expériences ont changé sa vision du monde et l’ont aidé à explorer et à tester ses propres limites, ses peurs et ses perspectives.

    "Je savais que je voulais prendre une image du Gange que je n'avais jamais vue auparavant, avec une image joyeuse, égayée par un éclaboussement", dit Emily Polar. "Il a fallu quelques prises et quelques saut depuis la falaise, en resserrant le plan au maximum en ignorant les rires des passants, mais je l'ai finalement eu le cliché souhaité".
    PHOTOGRAPHIE DE Emily Polar

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