La communauté médicale s'inquiète de voir les médicaments GLP-1 de plus en plus prescrits

Aux États-Unis, un adulte sur huit prend des médicaments tels que l’Ozempic et le Mounjaro. Mais de nouvelles études démontrent que ces derniers peuvent à la fois aider et nuire aux personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire.

De Bethany Brookshire
Publication 27 nov. 2025, 16:11 CET
Les médicaments GLP-1 comme l’Ozempic modifient les signaux de la faim dans le cerveau, réduisant les ...

Les médicaments GLP-1 comme l’Ozempic modifient les signaux de la faim dans le cerveau, réduisant les fringales et ralentissant la digestion. Selon les spécialistes, ces modifications peuvent s’avérer à la fois risquées et utiles chez les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire.

PHOTOGRAPHIE DE Fiordaliso, Getty Images

La première fois que Chevese Turner a parlé de l’Ozempic avec son médecin pour soigner son diabète, elle était à la fois inquiète et soulagée. Enfin « quelque chose d’efficace qui [allait] traiter mon diabète », raconte Chevese, PDG de Body Equity Alliance.

Elle qui milite contre la grossophobie savait ce que pourraient penser des personnes de son entourage du fait qu’elle prenne un médicament associé à une perte de poids. Elle s’inquiétait aussi des répercussions de ce dernier sur son alimentation, elle qui a longtemps eu une relation compliquée avec la nourriture et qui a souffert d’un syndrome d'hyperphagie incontrôlée ainsi que d’anorexie atypique.

« Tout au long de ma vie, j’ai toujours utilisé soit l’alimentation soit des restrictions pour m’aider à gérer mes émotions », explique-t-elle. Même si le médicament a réduit les fringales, l’instinct d’utiliser la nourriture ou de s’imposer des restrictions pour gérer ses émotions était toujours là. « Ces fonctionnements cérébraux n’ont pas disparu », ajoute-t-elle.

Les médicaments analogues du GLP-1, comme l’Ozempic et Wegovy, peuvent s’apparenter à une grâce salvatrice pour les personnes qui suivent des régimes à effet yo-yo depuis des années ou ont des difficultés à gérer leur diabète. Ils augmentent la production d’insuline, réduisent l’appétit et retardent la vidange gastrique, ce qui permet d’éprouver une sensation de satiété pendant plus longtemps. De nouveaux médicaments, comme le tirzépatide (vendu sous le nom de Zepbound ou Mounjaro), associent des médicaments GLP-1 à des récepteurs du GIP (peptide insulinotrope dépendant du glucose) pour augmenter leur efficacité. Ils réduiraient également les réponses liées à la nourriture dans le cerveau, diminuant le « bruit alimentaire » constant susceptible de donner lieu à des fringales, et allant jusqu’à parfois le faire disparaître complètement.

Ceci pourrait aider certaines personnes, puisqu’il semblerait que les médicaments GLP-1 contribueraient à réduire les épisodes d’hyperphagie. Les chercheurs tentent actuellement de déterminer s’ils sont plus efficaces que les autres traitements sur ce point.

À l’inverse, cela peut présenter un risque pour d’autres patients. Les cliniciens qui travaillent avec des personnes ayant souffert de troubles du comportement alimentaire, comme l’anorexie, craignent que ces effets « coupe-faim » puissent déclencher à nouveau des habitudes néfastes. Si le dépistage des troubles du comportement alimentaire avant la prescription des médicaments peut aider, aucune recommandation nationale n’exige des médecins de le faire. Cette pratique est uniquement recommandée par la plupart des groupes professionnels. Alors qu’un adulte sur huit aux États-Unis prend désormais un médicament GLP-1, les spécialistes craignent que les patients vulnérables commencent à en abuser pour perdre du poids à tout prix.

 

LE RISQUE D’UNE ANOREXIE NON DIAGNOSTIQUÉE

S’il y a bien un trouble de l’alimentation dont nous entendons souvent parler, c’est l’anorexie nerveuse. Ce trouble psychiatrique se caractérise par des restrictions alimentaires strictes, une peur intense de grossir et un poids corporel dangereusement faible. Pourtant, de nombreuses personnes ont les mêmes pensées et comportements restrictifs malgré un poids plus élevé ; on parle alors d’anorexie atypique.

« Ce qui les différencie, c’est que les personnes souffrant d’anorexie atypique ont un IMC normal ou sont en surpoids, tandis que celles souffrant d’anorexie nerveuse sont en sous-poids », explique Sara Bartel, psychologue spécialiste des troubles du comportement alimentaire à Nova Scotia Health, au Canada. « Elles sont toutes autant préoccupées par leur poids, inquiètes à l’idée de prendre du poids, et leur estime d’elles-mêmes dépend fortement de leur poids et de leur silhouette ».

Une analyse menée en 2021 a ainsi révélé qu’entre 0,2 % et 4,9 % de la population pouvaient satisfaire les critères d’anorexie atypique. « Il est difficile de dire exactement quelle est sa prévalence », indique Samantha DeCaro, psychologue en Pennsylvanie et directrice de l’éducation et de la diffusion cliniques au Renfrew Center, un programme de traitement des troubles du comportement alimentaire. « La plupart du temps, ces symptômes se perdent dans la culture du régime ». Selon elle, les cliniciens sont susceptibles de passer à côté des signaux de rechute lorsque les personnes fortes, souvent félicitées pour leur perte de poids, commencent à prendre des médicaments GLP-1.

 

UN RISQUE DE RECHUTE NON NÉGLIGEABLE

Il n’existe aucune étude clinique quant aux effets du GLP-1 sur les symptômes de l’anorexie ou de l’anorexie atypique. « Nous ne disposons d’aucune donnée sur ces médicaments et les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire », confie Susan McElroy, psychiatre à l’école de médecine de l’université de Cincinnati, dans l’Ohio. Pourquoi ? Parce que l’obésité et les troubles du comportement alimentaire sont encore considérés, en médecine, comme des maladies distinctes, qui ne se chevauchent pas. « Nous avons le sentiment qu’elles se recoupent bien plus que ce que nous pensons ».

Mais les psychiatres commencent à avoir des indices sur ce qui peut se passer. Susan McElry a publié plusieurs études de cas sur des patients qu’elle a soignés. (Elle a précédemment consulté pour Eli Lilly, Novo Nordisk et d’autres entreprises.)

Une étude, parue en 2025, portait sur une femme qui avait souffert d’anorexie lorsqu’elle était enfant et qui s’est vu prescrire par la suite du tirzépatide pour des problèmes de diabète, d’hypertension et de foie. Si le médicament a apaisé ses troubles métaboliques, il a aussi déclenché à nouveau d’anciennes habitudes restrictives, ce qui l’a poussée à faire trop d’exercice et à continuer de prendre le médicament en secret après que son médecin a cessé de lui prescrire. Une autre étude datant de 2024 décrivait une situation similaire chez une femme ayant souffert d’anorexie enfant et qui a abusé de sémaglutide afin de perdre beaucoup de poids. Ces études de cas ne sont qu’un exemple, précise Susan McElroy, avant d’ajouter que « le tirzépatide semble avoir réactivé l’anorexie » dans les deux situations.

Bien que ces cas soient source d’inquiétudes, la psychiatre affirme que les GLP-1 ne sont pas le problème. « Les personnes souffrant d’anorexie abusent des médicaments ayant des propriétés stimulant la perte de poids », explique-t-elle. Dans son cabinet, Susan McElroy a vu des patients abuser de toute sorte de produits, des stimulants aux laxatifs, en raison de leur maladie. La seule différence réside, selon elle, dans le fait que les médicaments GLP-1 soient si efficaces. En raison de leur puissance, « je ne prescris pas de GLP-1 si j’apprends qu’un patient a souffert d’anorexie, voire d’anorexie atypique », indique-t-elle.

Elle n’est pas la seule à avoir fait ce constat. Dans une analyse de 2023 sur des rapports d’effets secondaires indésirables présentée à la Food and Drug Administration (ou FDA, en français « Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux »), des chercheurs ont découvert que les cas d’abus de sémaglutide étaient quatre fois plus élevés que pour les autres GLP-1 à l’époque. Ces taux d’abus étaient comparables à ceux du phentermine-topiramate (Topamax), une association de médicaments favorisant la perte de poids.

« Ces médicaments [les GLP-1] sont extrêmement utiles et importants. Ils constituent une véritable avancée », déclare Fabrizio Schifano, psychiatre à l’université du Hertfordshire, en Angleterre, et co-auteur de l’étude. Mais « ils peuvent avoir des effets secondaires et des conséquences chez certains patients vulnérables, y compris [ceux souffrant] de troubles du comportement alimentaire », ajoute-t-il.

Refuser de prescrire ces médicaments à des personnes ayant souffert de troubles du comportement alimentaire par le passé n’est cependant pas de l’avis de tout le monde. Les cliniciens spécialistes de l’obésité, comme Jesse Richards de l’université de l’Oklahoma, à Tulsa, estiment que les bénéfices pourraient l’emporter sur les risques pour certains patients. « Je pense qu’il est très important de suivre les patients ayant souffert d’un trouble du comportement alimentaire, mais si ces médicaments sont correctement utilisés, ils comportent bien plus de bénéfices que de risques pour les patients », confie-t-il.

Dans une déclaration, Novo Nordisk, développeur du sémaglutide, a indiqué « avoir conscience que les troubles du comportement alimentaire sont des maladies graves qui nécessitent une attention clinique spéciale de la part des professionnels de santé pour être soignées. La sécurité des patients demeure la priorité numéro 1 de Novo Nordisk. L’innocuité et l’efficacité de nos médicaments GLP-1 sont assurées lorsqu’ils sont utilisés comme prescrit. De plus, nous travaillons en étroite collaboration avec l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux pour surveiller en permanence le profil d’innocuité de nos médicaments ».

Dans le même ordre d’idées, Eli Lilly, fabricant du tirzépatide, a déclaré ce qui suit : « Le Mounjaro et le Zepbound (tirzépatide) sont indiqués pour le traitement de maladies chroniques graves. Lilly ne fait pas la promotion de l’utilisation de tout médicament Lilly ni n’encourage leur utilisation, pour une indication non approuvée par la FDA ».

 

MÉDICAMENTS GLP-1 ET GRIGNOTAGE COMPULSIF

Si certaines personnes souffrant d’un trouble du comportement alimentaire limitent beaucoup leur alimentation, d’autres peuvent manger en excès lorsqu’elles sont stressées ou ressentent des émotions difficiles. Amanda Lightbody, fondatrice de The Rainbow Crosswalk, une organisation LGBTQ+ située à New Brunswick, au Canada, se rappelle avoir utilisé la nourriture lorsqu’elle était enfant pour se calmer lorsqu’elle éprouvait de l’anxiété ou des moments d’incertitude. Entre 0,6 et 1,8 % des femmes et 0,3 et 0,7 % des hommes dans le monde souffriraient de ce trouble.

En vieillissant, Amanda a cherché à suivre un traitement après que ses grignotages ont commencé à avoir un impact sur sa santé. « Lorsque les résultats de mes analyses médicales sont revenus en indiquant des problèmes de foie, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête et que je me fasse aider, car je n’y arrivais pas seule ». Outre la thérapie, Amanda s’est également vu prescrire de l’Ozempic pour faire diminuer sa glycémie.

Si la thérapie cognitive l’a aidé à identifier ses déclencheurs, l’Ozempic a aussi réduit son envie de grignoter. « Le médicament me procure une sensation de satiété, j’ai donc moins de fringales », précise-t-elle.

Les cliniciens constatent des tendances similaires. « Les patients confient que leurs envies d’aliments très sucrés, très salés, très gras et très transformés ont chuté », indique Jesse Richards.

En 2023, ce dernier et ses collègues ont publié une analyse comparative entre des patients prenant du sémaglutide et d’autres prenant de la lisdexamfétamine et du topiramate, une association médicamenteuse déjà approuvée pour la perte de poids et le grignotage compulsif. Ceux qui prenaient du sémaglutide présentaient des scores d’hyperphagie plus faibles, grignotaient moins souvent et se contrôlaient davantage en présence de nourriture. À l’heure actuelle, les GLP-1 ne sont pas approuvés pour l’hyperphagie. Des études cliniques sont cependant en cours.

Mais, comme l’explique Malin Mandelid Kleppe, nutritionniste à l’hôpital universitaire Haukeland de Bergen, en Norvège, ce n’est pas parce que l’hyperphagie cesse que le syndrome d'hyperphagie incontrôlée est guéri. Elle mentionne une patiente souffrant depuis longtemps d’hyperphagie et qui lui avait confié après avoir commencé à prendre un médicament GLP-1 : « Je n'arrive plus à manger en excès. Donc, en fait, ce n'est plus un problème. »

Si le GLP-1 traite l’hyperphagie en elle-même, il ne soigne pas le trouble psychologique sous-jacent. « Elle m’a dit qu’elle arrêtait de prendre ses médicaments lorsqu’elle savait qu’elle allait vivre une période difficile et stressante dans sa vie pour pouvoir faire des excès et affronter la situation », indique la nutritionniste. « En plus de me surprendre, cela m’a appris deux choses : un, le GLP-1 pourrait avoir soigné son hyperphagie et deux, cette dernière a une fonction ».

Ce cas, unique, a suscité la curiosité de Malin Mandelid Kleppe. La nutritionniste mène actuellement un essai clinique visant à comparer le traitement par GLP-1 de l’hyperphagie à la thérapie cognitive. Elle craint que le traitement de l’hyperphagie seul ne permette pas de résoudre le problème de la surconsommation de nourriture, qui est en réalité un moyen de faire face à certaines situations.

« Les études chez des patients ayant subi une chirurgie bariatrique ont trouvé, chez certains individus, une consommation d’alcool accrue et des automutilations plus nombreuses », explique-t-elle. Jusqu’à présent, les études démontrent que le traitement par GLP-1 peut réduire la consommation d’alcool et de drogues, mais qu’il n’augmente ni ne diminue le risque de suicide ou d’automutilation. Mais Malin Mandelid Kleppe cherche à savoir si les personnes trouvent d’autres moyens qui leur sont nocifs pour faire face aux situations difficiles. En d’autres termes, si l’hyperphagie peut s’arrêter de manière temporaire, mais que la vie et le stress qu’elle génère continuent.

 

DES TROUBLES QUI TOUCHENT DES PATIENTS DE TOUTES LES CORPULENCES

Les patients qui prennent des médicaments GLP-1 peuvent présenter différentes vulnérabilités ; quant aux cliniciens, ils ont des avis divergents sur la sécurité de ces médicaments et les personnes qui devraient les recevoir. Aaron Keshen, psychiatre à l'université Dalhousie et à Nova Scotia Health, au Canada, précise qu’il existe des cliniciens soignant les troubles du comportement alimentaire qui considèrent « toute forme de restriction alimentaire comme pathologique ». Ceux-ci peuvent refuser de prescrire un médicament GLP-1 à des patients ayant souffert de troubles du comportement alimentaire, même si c’était il y a longtemps.

Il existe aussi des spécialistes de l'obésité qui considèrent que la perte de poids prime. « Ils ont tendance à penser que l'obésité a des conséquences, tant physiques que psychologiques, et que la perte de poids est la solution ». Cet état d’esprit peut minimiser d’éventuels effets secondaires.

Mais ces derniers sont bien réels, observe Chevese Turner. Les médicaments GLP-1 ralentissent la digestion et réduisent l'appétit, ce qui, pour certaines personnes, se traduit par des nausées persistantes, une sensation de satiété rapide ou une perte totale d'intérêt pour la nourriture. Elle confie, d’après son expérience, que « prendre ces produits n'est pas agréable. Cela enlève une partie du plaisir de la vie ». Si ces médicaments peuvent aider les gens à se contrôler, « ils ne traitent en rien leur relation à la nourriture », ajoute-t-elle. « C’est comme si vous mettiez un gros pansement sur les troubles alimentaires des individus dans un monde très chaotique et traumatisant. Qui n’a pas besoin de réconfort en ce moment ? »

Aaron Keshen s'efforce de réunir les patients, les spécialistes des troubles du comportement alimentaire et les spécialistes de la médecine de l'obésité pour trouver la meilleure façon de prescrire des médicaments GLP-1 à ceux qui en ont besoin, tout en veillant à ce qu’ils ne comportent aucun risque pour les patients vulnérables.

« Selon moi, la solution se trouve quelque part entre les deux », explique-t-il. « Les prescripteurs doivent être conscients des conséquences indésirables des médicaments GLP-1. Nous sommes allés trop loin en ce qui concerne [les troubles du comportement alimentaire], à tel point qu’aujourd’hui, nous considérons presque systématiquement que le traitement par GLP-1 est mauvais, quelle que soit la situation ». Il convient, estime-t-il, d’aider les patients à obtenir les soins dont ils ont besoin de la manière la plus sûre possible.

Pour ce faire, chaque patient souhaitant prendre un médicament GLP-1 devrait être soumis à un dépistage des troubles du comportement alimentaire et suivi pour s'assurer qu'il mange suffisamment, qu'il reste en bonne santé et qu'il ne perd pas de poids trop rapidement. « Dans certains environnements cliniques très fréquentés, les cliniciens ont des limites en matière de dépistage et de suivi », explique-t-il. « Mais il existe des mesures très simples et rapides que tout le monde devrait pouvoir mettre en place pour assurer au moins un certain niveau de suivi ».

Sans ce dépistage, les cliniciens pourraient ne jamais se rendre compte du nombre de patients vulnérables, indique Chevese Turner. « De nombreuses personnes prédisposées aux troubles du comportement alimentaire doivent prendre ces médicaments au rythme auquel la communauté médicale les prescrit ». Il espère que les cliniciens qui rédigent ces ordonnances prendront au sérieux le dépistage des troubles du comportement alimentaire et prendront conscience que ces derniers peuvent toucher des personnes de toutes corpulences. « Il y a toute une vie derrière ces médicaments, que nous ne voyons pas dans notre cabinet ».

Si vous souffrez de trouble du comportement alimentaire ou si vous connaissez quelqu’un qui en souffre, n’hésitez pas à contacter les organismes de santé locaux. Ils sauront vous aider.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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