La vitamine D peut-elle diminuer les risques d’infarctus ?
Pourquoi un faible taux de vitamine D pourrait-il augmenter les risques de crise cardiaque, et pourrait-on prévenir les infarctus grâce à des compléments ?

On pense que la vitamine D jouerait un rôle protecteur dans la santé cardiovasculaire, cela serait dû à ses propriétés anti-inflammatoires. Les scientifiques commencent à présent à déterminer si les compléments en vitamine D pourraient faire une différence.
On sait depuis longtemps que la vitamine D joue un rôle important dans le corps. La carence en vitamine D est liée à plusieurs soucis de santé. Elle accroîtrait notamment le risque de développer certains types de cancers et de maladies auto-immunes. Mais les scientifiques investiguent encore sur un autre point.
« La vitamine D et la santé cardiaque forment une alliance durable », explique B. Keith Ellis, cardiologue de l’hôpital Houston Methodist, au Texas. Il se réfère à un grand nombre d’études qui établissent un lien entre de faibles niveaux de vitamine D et les risques cardiovasculaires.
Mais les scientifiques cherchent encore à comprendre pourquoi un manque de vitamine D semble néfaste pour le cœur. Et savoir si les compléments alimentaires en vitamine D pourraient apporter une solution reste encore flou pour eux. Du moins, c’était le cas jusqu’à présent.
Des scientifiques ont présenté les résultats d’une étude récente, surnommée TARGET-D, lors de la convention annuelle de l’American Heart Association qui a eu lieu en Louisiane, à La Nouvelle-Orléans. Cette étude a montré que les patients qui consommaient des compléments en vitamine D afin d’atteindre des taux sanguins compris entre 40 et 80 ng/ml, bons pour le cœur, voyaient leurs risques de subir une crise cardiaque diminuer de 50 %.
« Les effets sont prometteurs », déclare Markus Herrmann, chercheur au sein de l’université de médecine de Graz, en Autriche, qui n’a pas pris part à l’étude. Comme il le remarque, il s’agit de la première étude à viser une concentration précise de vitamine D dans le sang.
Lors de précédentes études, on observait des variations sur les taux en vitamine D que les patients présentaient naturellement au début de l’étude, ainsi que sur la quantité de compléments qu’ils avaient reçus. Cela rendait difficile d’extraire les effets spécifiques de la vitamine D sur la santé cardiaque ou de déterminer quels patients pourraient le plus tirer parti de ses bienfaits.
« En cet aspect, cette étude est très importante », affirme B. Keith Ellis. « Elle montre que les patients ayant déjà subi une crise cardiaque peuvent diminuer le risque d’une deuxième en gardant leurs taux de vitamine D entre 40 et 80 ng/ml. »
Mais on est bien loin de la question à laquelle les scientifiques espèrent répondre quant à la protection qu’offre la vitamine D vis-à-vis du cœur.
LA VITAMINE D S’AVÈRE ESSENTIELLE, COMMENT EN MAINTENIR UN TAUX SUFFISANT
La vitamine D agit dans tout le corps. Elle joue un rôle dans le métabolisme osseux, avec le calcium, ainsi que dans la santé immunitaire et dans le fonctionnement du cerveau et des cellules musculaires.
Ses propriétés anti-inflammatoires expliqueraient son rôle dans la santé cardiaque, car les maladies cardiovasculaires sont provoquées, en partie, par des inflammations. La vitamine D agit également sur la diminution de la pression sanguine et la régulation de la glycémie, deux facteurs de risque d’infarctus.
Cependant, on peut également envisager que les faibles taux de vitamine D constituent ce que l’on appelle un facteur de confusion. La cause réelle des maladies cardiovasculaires serait alors liée à un facteur connexe. Dans le cas de cette vitamine, étant donné que le corps la produit après une exposition à la lumière du soleil, les taux de vitamine D pourraient simplement refléter l’activité d’une personne.
« Les taux de vitamine D augmentent lors d’une activité physique en extérieur. Ceux qui en pratiquent présentent ainsi moins de risques de développer une maladie cardiovasculaire », explique Rachel Neale, chercheuse à l’institut médical QIMR Berghofer à Herston, en Australie. Alors, quand des études d’observation montrent que des personnes présentant un plus haut taux de vitamine D se portent mieux, elle explique que cela pourrait ne pas être lié à la vitamine elle-même, mais à leur fréquence d’activité.
Cependant, recevoir suffisamment de vitamine D s’avère souvent difficile. Ce nutriment se trouve dans certains aliments, dans des poissons tels que le saumon ou la sardine, par exemple. Mais ils ne sont pas présents en quantité suffisante dans de nombreux régimes. On a alors ajouté la vitamine D à d’autres aliments, comme le lait ou les céréales, sous forme de complément alimentaire. Le corps peut également la produire après une exposition directe à la lumière du soleil.
À travers le monde, on estime qu’un milliard de personnes présentent une carence en vitamine D. Les taux dépendent du régime, de l’exposition au soleil et de certaines maladies, comme la maladie rénale chronique, qui peuvent prédisposer à une carence. Au cours de l’année, la quantité de vitamine D dans le sang peut varier. Les habitants de climats nordiques présentent généralement un taux plus bas en hiver.
C’est pourquoi les scientifiques ont tant cherché à découvrir si la prise de compléments alimentaires, en gélules ou en bonbons, pourrait faire la différence.
QU’ONT MONTRÉ LES PRÉCÉDENTES ÉTUDES SUR LES COMPLÉMENTS EN VITAMINE D
Jusqu’à présent, deux essais cliniques à grande échelle ont cherché à montrer les effets des compléments alimentaires en vitamine D sur des paramètres de santé cardiaque : le D-Health et le VITAL. D’autres, de plus petite envergure, ont eu lieu également. Aucun de ces essais cliniques n’a montré de bienfaits significatifs lors de la prise de compléments en vitamine D. Le D-Health est toutefois passé près de montrer qu’ils participaient à la réduction des risques d’infarctus.
Mais les chercheurs remarquent que les conceptions de ces études ne permettaient pas de répondre à la question plus large de savoir quels effets avaient les compléments en vitamine D sur la santé cardiovasculaire. Elles se contentaient d’observer les effets sur un certain groupe de personnes consommant des compléments sur une durée limitée.
« Les deux [essais] ont recruté des personnes qui, en majorité, ne présentaient pas de carence en vitamine D », commente Rachel Neale, qui a dirigé l’essai clinique D-Health.
Les chercheurs se demandent si les compléments en vitamine D sont efficaces seulement pour les personnes carencées, ou s’ils peuvent être bénéfiques même pour celles dont les taux sont déjà adéquats.
« Les essais cliniques tentaient de déterminer l’utilité d’administrer une dose spécifique de vitamine D à un âge et à un moment donnés de la vie, et de mesurer l’effet sur la santé cardiovasculaire des patients », explique Rachel Neale. « C’est la question à laquelle nous pouvons répondre. »
Cela ne voulait pas nécessairement dire que des bienfaits plus importants liés à la prise de compléments alimentaires en vitamine D n’existaient pas. Cela aurait pu signifier que les chercheurs devaient étudier un groupe différent, augmenter les dosages d’une certaine façon, ou administrer de la vitamine D durant plus longtemps.
« La vitamine D est abordable, sûre et efficace, et susceptible d’avoir des bienfaits », déclare Rachel Neale, ajoutant qu’« on pourrait découvrir qu’elle est cruciale chez certaines personnes. »
Les scientifiques espéraient tester cette hypothèse au cours de leur nouvelle étude, présentée lors de la convention annuelle de l’American Heart Association.
QUE MONTRE LA DERNIÈRE ÉTUDE ?
Comme son nom le suggère, l’étude TARGET-D a adopté une approche plus ciblée dans son analyse de la vitamine D et de la santé cardiovasculaire.
Dans le cadre de cette recherche, 630 patients ont été recrutés au moins trente jours après avoir subi une crise cardiaque. Ce paramètre les rendait beaucoup plus susceptibles d’en subir une deuxième.
Les chercheurs ont ensuite sélectionné aléatoirement des patients pour déterminer s’ils recevraient un placebo ou une dose de vitamine D spécifiquement dosée pour amener leur taux sanguin à une concentration cible comprise entre 40 et 80 ng/ml. Ce niveau est considéré comme optimal pour la santé cardiovasculaire.
« Ils cherchaient à s’assurer de trouver l’effet et le bienfait maximums », explique Eleanor Levin, cardiologue au sein de la faculté de médecine de l’université Stanford, qui n’a pas pris part à l’étude. Eleanor Levin, dans son activité personnelle, suggère généralement à ses patients qui présentent une carence en vitamine D de prendre des suppléments afin que leur taux se situe au-dessus de 30 ng/ml, une concentration considérée comme normale.
Pour ce faire, près de la moitié des patients devaient consommer des doses de vitamine D plus hautes que la normale, soit environ 5 000 UI par jour. À titre de comparaison, la quantité journalière recommandée en matière de complément en vitamine D est comprise entre 800 et 1 000 UI.
« La durée moyenne pour atteindre un seuil thérapeutique était d’environ cinq mois », affirme Helen May, chercheuse de l’université de l’Utah, et l’une des autrices de l’étude.
Les patients ont été suivis pendant quatre ans en moyenne. S’agissant d’une population à haut risque, un total de 107 événements cardiaques majeurs a été enregistré au cours de l’étude. Parmi eux, on a recensé des cas d’insuffisance cardiaque ayant conduit à une hospitalisation, des infarctus, des AVC et la mort. Les patients qui avaient reçu les compléments en vitamine D voyaient leur risque de subir une deuxième crise cardiaque diminuer de 50 %, ainsi qu’une réduction globale de risque de vivre un événement cardiaque majeur.
CE QUE CELA SIGNIFIE POUR L’AVENIR
TARGET-D est une étude importante. Elle a établi qu’une population de patients à haut risque pouvait tirer parti des bénéfices de la prise de compléments en vitamine D pour atteindre une concentration située entre 40 et 80 ng/ml. Cette étude devra être répétée sur un échantillon de patients plus important.
« C’est une étude limitée : elle est assez petite en termes de taille, mais les effets sont prometteurs », déclare Markus Herrmann. « J’aimerais voir plus d’études comme celle-ci. »
Les chercheurs voudront également chercher à savoir si un régime similaire de compléments en vitamine D pourrait aider dans d’autres cas de figure, par exemple, chez un patient qui n’a jamais eu d’infarctus.
À l’avenir, il sera tout aussi important de s’assurer que les patients consomment la bonne quantité de vitamine D. En prendre trop peut s’avérer tout aussi problématique que pas assez. On associe toutefois un faible taux de vitamine D à de nombreux problèmes de santé : fatigue, malaises, courbatures. Et un surplus peut provoquer des calculs rénaux et une concentration excessive de calcium dans le sang.
Mais alors que les chercheurs tentent de répondre à ces questions, ils ont un conseil important qui s’adresse à tous ceux qui sont curieux des bienfaits de la vitamine D pour le cœur. « Si votre niveau de vitamine D est bas, ou que vous vous en inquiétez, consultez votre médecin traitant pour convenir d’un dosage approprié », conclut B. Keith Ellis.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.