Comment détecter les nouvelles mutations de la tuberculose ?
Des cellules souches de la tuberculose multirésistantes aux antibiotiques non détectées par les tests de l’OMS rendent une partie des traitements inefficaces.
L’ONU avait prévu d’éradiquer d’ici 2030 la tuberculose, la maladie infectieuse la plus mortelle au monde devant le VIH avec 1,6 millions de morts en 2017. Pas moins de 13 milliards de dollars allaient être levés pour atteindre cet objectif. Si un traitement à base de bedaquiline, prévu par l’ONU, semblait avoir fait ses preuves, une équipe de recherche du CNRS a démontré que certaines souches de la tuberculose résistaient à cet antibiotique et n’étaient pas détectables par les tests de l’OMS.
DES ANTIBIOTIQUES IMPUISSANTS
Contrairement aux 2 antibiotiques principaux prescrits contre la tuberculose par l’OMS, la rifampicine et l’isoniazide, la bedaquiline ne s’attaque pas directement à la bactérie : elle cible plutôt les enzymes dont celle-ci se nourrit. Ce traitement, dont le process est unique en son genre, a été testé en Biélorussie et apportait de formidables perspectives : le taux de guérison des patients atteints de tuberculose multirésistante passait de 55 % à 93 % selon les résultats d’essais cliniques.
Seulement, une équipe de recherche internationale co-dirigée par le docteur Philip Supply, chercheur CNRS au Centre d'infection et d'immunité de Lille, a publié une étude dans laquelle est soulignée la gravité de la sous-détection de la maladie, notamment en Afrique du Sud. Ces travaux montrent en effet que des souches isolées de Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la maladie, dans ce pays ont subi des mutations, les rendant résistantes aux deux antibiotiques prescrits par l’OMS mais aussi à la bedaquiline. Cette multirésistance n'est pas détectée par les tests standards recommandés par l'OMS et entraîne une mortalité accrue, ainsi qu’un taux de contagion plus important dans cette région du monde.
PRÉVENIR POUR MIEUX GUÉRIR
À l’origine de cette découverte, un nouveau test de dépistage mis au point par l’Institut de recherche lillois Genoscreen en collaboration avec Philip Supply. Ce test ADN bénéficie d’un nouveau système de détection des mutations de la tuberculose. Il analyse ainsi un très large éventail de gènes afin d’identifier les résistances à plusieurs dizaines d’antibiotiques simultanément : l’étude s’est basée sur 10 000 génomes, qui en a fait l’un des plus grands projets de séquençage ADN bactérien à ce jour. Les résultats de ces analyses sont répertoriés dans une publication du New England of Medicine.
De plus, ce nouveau système de détection est assez rapide : 3 jours lui suffisent pour délivrer son verdict, contrairement aux quelques semaines nécessaires aux tests recommandés par l’OMS pour détecter certaines mutations. Une telle avancée pourrait aider à remédier à la sous-détection de ces mutations de la tuberculose, encore trop peu connues, et ainsi permettre de mieux anticiper d’autres résistances et de mieux la soigner.
Pour rappel, la tuberculose une maladie infectieuse qui peut être mortelle si elle n’est pas dépistée à temps. Elle est causée par une bactérie qui touche le plus souvent les poumons, mais également les reins, les ganglions et les os. L'infection peut rester silencieuse pendant des années avant de se déclarer en maladie et est très contagieuse. Elle est favorisée par la malnutrition et l'âge : elle concerne surtout les moins de 5 ans et les personnes âgées.
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