La désintégration du boson de Higgs a enfin été observée

L'observation de la décomposition de cette particule offre un éclairage supplémentaire sur le fonctionnement de l'univers.

De Michael Greshko
Publication 5 sept. 2018, 12:54 CEST
L'une des deux expériences ayant permis l'observation de la décomposition du boson de Higgs s'est tenue ...
L'une des deux expériences ayant permis l'observation de la décomposition du boson de Higgs s'est tenue au détecteur ATLAS du laboratoire CERN, situé près de Genève, en Suisse.
PHOTOGRAPHIE DE Babak Tafreshi, National Geographic Creative

Pendant des décennies, les physiciens ont été à la recherche du boson de Higgs : la « particule de Dieu » théorisée, dont l'alter ego, un champ se propageant dans tout l'univers, dote la matière d'une masse. Ce n'est qu'en 2012 que les scientifiques ont fini par découvrir cette particule insaisissable. L'observation de sa désintégration leur permet aujourd'hui d'obtenir des informations précieuses.

Dans deux nouvelles études, des physiciens révèlent que les détecteurs du Grand collisionneur de hadrons (LHC) sont parvenus à observer des bosons de Higgs se diviser en paires de minuscules particules, appelées « quarks b ». Cette découverte constitue un nouvel accomplissement de la physique théorique des particules, qui prédisait cette désintégration. Ces études sont également des percées expérimentales dont l'élaboration a nécessité des décennies.

« Nous ne pensions pas être capables de le voir un jour », raconte Andreas Hoecker, physicien à l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire ( CERN) et porte-parole adjoint de la collaboration ATLAS, en charge de l'un des détecteurs. « De nombreuses personnes, notamment celles ayant pris part à l'expérience depuis longtemps, sont très enthousiasmées par ces résultats. »

Vous vous demandez ce que peut bien être un boson de Higgs, un quark b, et en quoi sont-ils importants ? Nous vous expliquons tout.

 

QU'EST-CE QUE LE BOSON DE HIGGS ?

Le boson de Higgs est une particule clef de la théorie du modèle standard, théorie qui décrit les particules élémentaires connues et la manière dont elles interagissent. Nous savons que le modèle standard est incomplet : il ne tient pas compte de la matière noire — substance insaisissable qui compose 85 % de la masse de l'univers — ni la description du fonctionnement de la gravité au niveau quantique. Il n'en demeure pas moins une prodigieuse description des composantes les plus élémentaires de notre univers.

Dans les années 1960, des physiciens, dont François Englert et Peter Higgs, précisent le modèle standard en expliquant pourquoi certaines particules, tels que les « paquets » de lumière appelés photons, n'ont pas de masse, tandis que d'autres en ont. Selon leur théorie, un champ d'énergie qui traverse l'univers interagit avec les particules de deux manières différentes. Certaines particules, telles que les photons, traversent ledit champ de Higgs comme s'il n'y avait rien. D'autres, quant à elles, se retrouvent prises au piège dans le champ, comme si elles nageaient dans du sirop. Ce ralentissement est ce qui confère aux particules leur masse.

En physique des particules, les champs correspondent à des particules : jetez un caillou dans « l'étang » du champ électromagnétique et un photon en ressortira sous forme d'éclaboussure. De la même manière, le boson de Higgs représente un paquet extrait du champ de Higgs.

Après des décennies de recherches, les chercheurs du LHC ont annoncé en 2012 la découverte d'une nouvelle particule semblable au boson de Higgs — découverte qui a valu à Englert et Higgs le prix Nobel de physique 2013. Les physiciens ont depuis pu confronter cette nouvelle particule au modèle standard afin de voir si elle se comporte conformément au boson de Higgs théorique. Jusqu'ici, c'est le cas.

 

QUE VIENNENT FAIRE LES QUARKS LÀ-DEDANS ?

À l'inverse des électrons, qui peuvent subsister des milliards d'années, la durée de vie d'un boson de Higgs est extrêmement brève : moins d'un sextillionième de seconde. Suite à son existence éphémère, un boson de Higgs se désintègre en d'autres types de particules. En 2014, les chercheurs ont par exemple annoncé que deux détecteurs du LHC, ATLAS et CMS, avaient observé des bosons de Higgs se décomposer en paires de photons gamma.

Selon le modèle standard, les bosons de Higgs peuvent également se désintégrer en particules appelées quarks. Les quarks se déclinent en six « saveurs » , selon l'appellation de la communauté scientifique : up, down, top, bottom, charm et strange. Ils sont les éléments constitutifs des protons et des neutrons au sein des atomes, parmi d'autres particules plus grandes.

Les désintégrations auxquels est sujet le boson de Higgs doivent répondre à certaines règles essentielles. Le boson de Higgs étant neutre, les éléments résultant de sa désintégration doivent s'associer de sorte à ce que leur charge électrique soit nulle. Lorsque le boson de Higgs se décompose en quarks, lesquels portent des charges électriques, ces derniers émergent par paire : un quark et un « antiquark », un particule complètement identique à l'exception près qu'elle porte une charge électrique opposée. Les charges de la paire s'annulent ainsi l'une l'autre.

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    La masse du boson de Higgs limite également les éventuelles désintégrations. Les quarks b étant 30 fois plus légers qu'un boson de Higgs, ce dernier peut aisément en produire une paire lors de sa décomposition. Selon le modèle standard, un boson de Higgs qui se désintègre se divisera en une paire quark-antiquark dans 58 % des cas. Cette prédiction a mis à l'épreuve le modèle standard : si les chercheurs n'avaient pas pu observer le boson de Higgs se désagréger en un quark b, les théories les mieux établies sur le fonctionnement de l'univers auraient été mises en péril.

    « Le modèle standard n'aurait pas du tout été adapté à cette situation », explique M. Hoecker.

    À l'aide des détecteurs ATLAS et CMS, les chercheurs ont assisté indépendamment à la désintégration du boson de Higgs en quarks b, démontrant ainsi que la réalité était conforme à la théorie.

     

    COMMENT LES SCIENTIFIQUES ONT-ILS DÉTECTÉ CETTE DÉSINTÉGRATION ?

    Dans les années 1980 et 1990, période à laquelle le LHC a été conçu, les physiciens ont réalisé qu'il serait extrêmement difficile de détecter la désintégration d'un boson de Higgs, raconte M. Hoecker. Le LHC brise des paires de protons les unes contre les autres à une vitesse avoisinant celle de la lumière, générant ainsi d'énormes averses de particules qui crépitent contre les parois internes de détecteurs massifs. Ces débris contiennent de nombreuses particules différentes, dont une grande partie ressemble à la désintégration du boson de Higgs en quark b. 

    Les physiciens doivent reconstituer la collision avec précision à l'aide des particules issues de la désintégration qu'ils ont détectées, comme si l'on souhaitait comprendre un violent accident de voiture en examinant les épaves et les traces de pneus qui en résultent. 

    Après des années passées à collecter des données, des simulations et des algorithmes d'apprentissage automatique ont permis aux équipes ATLAS et CMS de tout expliquer, à l'exception de la désintégration du boson de Higgs. En 2017, les physiciens avaient recueilli suffisamment de données pour pouvoir prouver l'existence de cette décomposition. En juin, ils ont eu la confirmation que leurs données n'étaient pas juste un incroyable coup de chance.

    « Il s'agit d'un processus extrêmement compliqué. Une énorme équipe de près d'une centaine de personnes travaille rien que sur l'analyse », explique le physicien. « En tout, il a fallu bien plus de monde encore pour recueillir les données, faire fonctionner le détecteur ATLAS, le calibrer... Environ 3 000 scientifiques au total ont collaboré. »

     

    EN QUOI CETTE DÉCOUVERTE EST-ELLE FONDAMENTALE ?

    D'abord, ces études confirment que nous ne nous étions pas trompés sur le processus d'acquisition de la masse par la matière, ce qui n'est pas rien du point de vue de notre appréhension de l'univers.

    De plus, en raison de la place centrale qu'occupe le boson de Higgs au sein du modèle standard, les moindres différences entre la théorie et les observations auraient pu ouvrir la voie à une nouvelle physique. Maintenant que les physiciens savent que le LHC est à même de détecter cette désintégration en quark b, ils pourront la surveiller afin de voir si elle enfreint les règles.

    « Grâce à davantage de données chaque année, nous traquons le moindre écart par rapport à nos prévisions », ajoute Andreas Hoecker. « Les écarts ne doivent pas nécessairement être considérables : en physique, les effets sont infimes et tout est question de précision. »

    Quelles règles secrètes de l'univers risquons-nous de découvrir ? D'après Hoecker, tant que le boson de Higgs n'aura pas fait d'autres révélations, les scientifiques l'ignorent : « Ce n'est qu'en poursuivant nos mesures avec humilité que la nature nous le dira. »

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