Mourir pour le groupe : ce qui motive le sacrifice humain

Mourir volontairement pour servir un groupe ou une cause : ce comportement a toujours existé. Un anthropologue a tenté d’en percer les mystères. Il en tire des leçons pour lutter contre la violence extrémiste.

De Julie Lacaze
Le 12 avril 1945, des lycéennes de Chiran (Japon) saluent, avec des branches de cerisiers en ...
Le 12 avril 1945, des lycéennes de Chiran (Japon) saluent, avec des branches de cerisiers en fleur, Toshio Anazawa, un pilote kamikaze de l’armée nippone en train de décoller. L'avion, qui porte une bombe de 250 kg, se dirige vers Okinawa.
PHOTOGRAPHIE DE Hayakawa 早川)

Dépression, maladie mentale, sentiment d’hostilité du monde extérieur ou psychologie familiale particulière... Quel est le profil des personnalités “kamikazes” ? Une étude, menée par Harvey Whitehouse, de l'université d’Oxford, suggère qu'il existe un processus psychologique unique dans la motivation du sacrifice ultime : la fusion identitaire. Les personnes affectées par ce symptôme éprouvent un sentiment viscéral d’unité avec leur groupe.

Pour arriver à cette conclusion, le Britannique a évalué les comportements de groupes très cohésifs : fondamentalistes islamistes en Indonésie, guerriers papous en Papouasie-Nouvelle-Guinée, supporters de football au Brésil, entre autres. Ce travail a également comporté des enquêtes de terrain, en Libye, en Afghanistan et en Irak, auprès de factions militarisées et d'armées officielles, dont certains membres sont morts pour le groupe.

Selon le chercheur, la fusion identitaire s’opère à la suite d’un événement émotionnel fort partagé entre un groupe (famille, collègues, amis, adeptes d’une même religion, etc.) et un individu. Autre ressort du processus : la personne s’imagine avoir des liens de parenté biologique avec les autres membres. Le sentiment de fraternité qui en résulte, porté par le désir de défendre et de protéger les siens, pousserait ainsi certains au sacrifice.

À en croire l’étude, si de nombreuses personnes partagent des croyances extrêmes, seule une poignée d’entre elles seraient en réalité capable de passer à l’acte. Pour combattre le terrorisme, il serait donc plus efficace d’essayer de mieux cerner les personnalités souffrant de fusion identitaire et leurs motivations que les idéologies extrémistes sous-jacentes.

Harvey Whitehouse souligne au passage que le recours à la contrainte ou à la force pour limiter l’adhésion à ces idéologies est inefficace pour lutter contre le phénomène, et peut même alimenter les désirs de passage à l’acte. Selon lui, au lieu de tenter de déradicaliser, il faut “défusionner” l’individu de son groupe, en cernant plus précisément les liens établis avec cet entourage.

Le scientifique espère que son travail fournira des pistes de réflexion pour mettre au point des politiques de lutte efficace contre l’extrémisme violent. Il propose notamment d’exploiter la dynamique de groupe à des fins pacifistes dans les zones touchées par des conflits impliquant des mouvements radicaux, en apportant de l’aide à la reconstruction des sociétés, plutôt qu’en employant la force.

Dans le numéro de février 2019, zoom sur les enfants sacrifiés des Chimù, civilisation précolombienne de l’actuel Pérou (lire le résumé).

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