La thérapie cellulaire peut-elle venir à bout des maladies les plus complexes ?

Lorsque nous sommes malades, l’espoir est ce qui nous tient. Espoir que notre état ne s’aggravera pas, espoir d’un rétablissement. Or, certaines maladies ne laissent place à aucun espoir.

De Jon Heggie
Publication 16 août 2019, 17:16 CEST
L’idée que nous pourrions régénérer les parties défaillantes de notre organisme grâce aux cellules souches est tout bonnement révolutionnaire.
PHOTOGRAPHIE DE Shutterstock

Près de 7 000 maladies n’ont aucun traitement connu. Les millions de personnes atteintes de maladies telles que la mucoviscidose ou la maladie de Parkinson souffrent non seulement de symptômes débilitants mais aussi du manque d’espérance. Mais la médecine poursuit ses efforts : elle se concentre aujourd’hui sur les fondations mêmes de notre organisme afin de soigner des maladies a priori incurables.

« Je suis convaincu que nous sommes à l’aube d’une révolution en matière d’innovation pharmaceutique : recourir aux cellules en vue de guérir les gens », affirme Kemal Malik, membre du conseil de direction en charge de l’innovation chez Bayer. Il s’agit d’une idée révolutionnaire, selon laquelle nous pourrions régénérer les parties défaillantes de notre organisme à l’aide de cellules souches pluripotentes induites (CSPi). Ces cellules maîtresses sont en mesure de se différencier ou de se transformer en n’importe quelle autre cellule ou tissu composant notre organisme. Cellules capables de générer tout ce dont nous avons besoin pour nous réparer, elles sont notre « chèque en blanc génétique ». Les cellules souches pluripotentes induites ne pouvaient jusqu’à peu qu’être extraites sur des embryons, suscitant alors de vifs débats éthiques. La science a désormais découvert un moyen de les produire à partir de cellules souches adultes, évitant ainsi la controverse et ouvrant la voie à une nouvelle forme de médecine passionnante : la thérapie cellulaire.

« La science est absolument fascinante », déclare M. Malik au sujet des travaux de Shinya Yamanaka et de John Gurdon sur les CSPi, qui leur ont valu le prix Nobel de médecine en 2012. « Ils ont montré qu’il était possible de prélever des cellules adultes à partir du cheveu ou du sang d’un patient et de les reprogrammer génétiquement pour les transformer en cellules souches capables de se différencier en n’importe quelle autre cellule. » Des protéines spécifiques sont ainsi injectées de façon rétrovirale au sein de cellules adultes, où elles font office d’agents de reprogrammation sur plusieurs gènes déterminants, transformant ainsi la cellule en cellule souche pluripotente induite. BlueRock Therapeutics, société en partie détenue par Bayer, s’attelle à peaufiner cette méthode. « Nous avons mis toute notre énergie dans cette étape du processus », assure M. Malik. « Certains des plus grands universitaires du monde travaillent actuellement sur cette phase de différenciation. »

La combinaison complexe de signaux physiques et chimiques, employés par la nature afin de pousser une cellule souche à se différencier dans un certain type de cellule parmi les 200 qui composent l’organisme, échappe pour l’heure à certains égards aux scientifiques. « Selon le type de différenciation, la méthode et les outils diffèrent. Cela nécessite d’immenses efforts », poursuit Kemal Malik. Les cellules ainsi différenciées doivent ensuite être envoyées à la bonne partie du corps de façon à ce qu’elles s’insèrent et fonctionnent correctement. À l’heure actuelle, les cellules souches sanguines peuvent être injectées par greffe de moelle osseuse, mais des méthodes de transmission efficaces restent encore à développer pour les autres types de cellules et de tissus.

« Les défis qui nous attendent ne sont pas des moindres », reconnaît M. Malik. Les chercheurs doivent encore produire des CSPi à échelle clinique, et ce de façon pure, efficace et individuelle. Des incertitudes subsistent également quant à la stabilité, à la durée de conservation, aux risques de contamination et d’infection ainsi qu’au problème crucial que posent les immunoréactions. Ceci est au cœur de l’un des principaux débats autour des CSPi. Quelle approche privilégier ? Une approche autologue utilisant les cellules du patient ou une approche allogénique qui a recours aux cellules d’une autre personne ? « Nos propres cellules présentent bien évidemment l’avantage d’être moins enclines au déclenchement de réactions immunitaires », explique le salarié de Bayer. « L’inconvénient est qu’une technologie aussi spécialisée ne sera pas accessible à la majorité des patients à l’échelle locale. Ce qui implique de transmettre le sang à un laboratoire central chargé de sa reprogrammation et de sa différenciation, avant de le renvoyer au patient, ce qui demande du temps. Or, ces cellules ont une durée de vie limitée. » L’une des possibilités serait de stocker les CSPi à un niveau centralisé, qui ferait alors office de banque de sang. Si cette solution simplifierait la distribution, le traitement serait moins personnalisé. « Ce serait comme une taille unique », explique Kemal Malik. « Il est probable qu’il déclenche une réaction, mais pas nécessairement le résultat escompté. »

Malgré tous les défis que cela représente, nous touchons au but. « Deux essais cliniques sont actuellement en cours au Japon », indique-t-il. « Chez BlueRock, nous lancerons les essais cliniques afin de soigner la maladie de Parkinson à l’aide des CSPi dans environ un an. Nous prélevons des cellules adultes que nous reprogrammons en cellules souches pluripotentes induites, qui sont ensuite redifférenciées dans des neurones sécrétant de la dopamine. Ces derniers peuvent alors être injectés dans le cerveau d’un patient atteint de la maladie de Parkinson en vue de stimuler la production de dopamine nécessaire au recouvrement de la motricité. » La majorité des essais cliniques durent environ 10 ans. Nous pourrions donc assister au succès d’un traitement par CSPi d’une autre maladie considérée incurable dans un peu plus d’une décennie. « C’est là notre objectif : mettre au point un médicament capable de soigner certaines maladies incurables », affirme-t-il. 

Pour l’heure, les recherches de BlueRock portent sur les affections neurodégénératives ainsi que sur les maladies cardiovasculaires. Toutefois, comme le souligne ce membre du conseil de direction, « toutes les cellules de notre organisme pouvant être produites à partir d’une cellule souche, le champ d’application de la thérapie cellulaire est immense. Nous sommes convaincus que cette technologie peut venir à bout de certaines des maladies les plus complexes au monde. » Il reconnaît que les obstacles et les incertitudes sont encore nombreux. « La première question que nous nous posons est : cela va-t-il fonctionner ? Combien de temps les effets dureront-ils ? Seule la poursuite de notre aventure nous livrera les réponses à ces inconnues. » Pour les millions de personnes atteintes de maladies incurables, cette aventure réserve peut-être une lueur d’espoir.

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