Paléontologie : découverte d'un étonnant squelette de requin

La découverte de plusieurs crânes et d'un squelette quasi-complet nous offre le meilleur aperçu qui soit d'un requin qui vivait il y a 360 millions d'années.

De Tim Vernimmen
La découverte d'un nouveau fossile révèle que le plan d'organisation du requin éteint Phoebodus se rapprocherait ...
La découverte d'un nouveau fossile révèle que le plan d'organisation du requin éteint Phoebodus se rapprocherait de celui d'une anguille, à la manière d'un requin-léazrd, comme celui-ci aperçu au large du Portugal.
PHOTOGRAPHIE DE Paulo Oliveria, Alamy Stock Photo

Les dents de requins sont les fossiles les plus fréquemment trouvés à travers le monde mais leur squelette, essentiellement composé de cartilage, réussit rarement à traverser les âges. Par conséquent, les chercheurs ne savent pas du tout à quoi ressemblait la majorité des anciens requins, même s'ils étaient autrefois très nombreux.

Ce qui explique la surprise des paléontologues travaillant dans les montagnes de l'Anti-Atlas au Maroc lorsqu'ils sont tombés sur plusieurs crânes et un squelette presque complet appartenant à deux espèces de Phoebodus, l'un des tout premiers genres de requin qui, jusqu'à présent, n'était connu que grâce à ses dents tricuspides. Présenté cette semaine dans la revue Proceedings of the Royal Society B, les fossiles montrent que Phoebodus avait un corps semblable à celui des anguilles avec un long museau, ce qui l'aurait fait ressembler au requin-lézard qui évolue encore aujourd'hui dans les profondeurs de nos océans.

Ce fossile du genre éteint de requin Phoebodus a été découvert au Maroc.
Image de Linda Frey et Christian Klug, Institut de paléontologie de l'Université de Zurich

Et bien que ces deux animaux ne soient que vaguement apparentés, les dents de Phoebodus et celles du requin-lézard sont également très similaires, ce qui suggère que leurs modes d'alimentation ne devaient pas être drastiquement différents.

« De nombreux requins modernes ont des dents dentelées qui leur permettent de découper leur proie avant d'ingérer les morceaux, » indique Christian Klug, coauteur de l'étude rattaché à l'université de Zurich. En comparaison, les dents coniques orientées vers l'intérieur de Phoebodus et du requin-lézard ne peuvent servir qu'à capturer la proie et à l'avaler en entier.

 

VIF COMME L'ÉCLAIR

Les fossiles de Phoebodus ont été découverts dans une couche datée entre environ 360 et 370 millions d'années, dans ce qui était autrefois un bassin maritime peu profond. À la mort de ces requins, la circulation limitée de l'eau et sa faible teneur en oxygène ont créé un environnement dans lequel leur corps n'était pas inquiété par les bactéries, les charognards et les courants ; autant de facteurs qui les ont préservés pour la postérité.

Les fossiles découverts ont subi les dégâts infligés par les sédiments et le temps mais Klug et son équipe ont tout de même pu passer au scanner une partie des éléments recueillis dans les montagnes marocaines afin d'avoir une meilleure idée de l'apparence de ces requins primitifs du Dévonien supérieur. (À lire aussi : Extinctions de masse : comment la quasi-totalité des espèces a été décimée 5 fois)

« La quantité de données qui émergent de telles études est incroyable, » rapporte John Maisey, paléontologue au musée américain d'histoire naturelle de New York non impliqué dans l'étude. « Nous assistons à une renaissance de l'anatomie. »

Les scanners ont ainsi révélé certaines similitudes frappantes avec le requin-lézard et pas seulement au niveau du corps, mais au niveau des dents également, ce qui donne aux scientifiques quelques pistes sur la façon dont ces anciens prédateurs chassaient.

« Le requin-lézard est un prédateur spécialiste, capable de se propulser soudainement vers l'avant pour attraper sa proie, » nous informe David Ebert, spécialiste des requins modernes au Pacific Shark Research Center et notamment du requin-lézard qu'il étudie depuis plusieurs dizaines d'années. « Grâce à ses dents orientées vers l'intérieur, il est sûr que les proies ne peuvent aller que dans un seul sens : dans sa gorge. Peut-être que Phoebodus opérait de façon similaire. »

Cependant, en tant qu'espèce solitaire, le requin-lézard est très rarement observé et de nombreux mystères planent encore autour de son mode d'alimentation. Ainsi, pour mieux comprendre comment Phoebodus se procurait sa nourriture, les chercheurs se sont intéressés à une autre espèce sans lien de parenté mais présentant un crâne, une mâchoire et des dents curieusement similaires : un grand poisson d'eau douce appelé garpique alligator. Tout comme Phoebodus, le garpique alligator dispose d'une longue mâchoire et d'un crâne plat, ce qui limite la puissance de sa morsure. Ce type de tête présente toutefois quelques avantages, précise Justin Lemberg de l'université de Chicago, auteur de plusieurs études sur le comportement alimentaire du garpique.

« Ils chassent en eau libre, où ils ne savent pas de quelle direction proviendra leur prochain repas. Une tête plate et une mâchoire longue constituent l'équipement idéal pour se retourner rapidement sur sa proie et l'attraper de côté. »

 

LES LOIS DE L'ALIMENTATION

Bien qu'il puisse paraître étrange de comparer les stratégies alimentaires d'espèces aussi différentes que les requins et les garpiques, de telles analyses figurent souvent parmi les méthodes les plus efficaces dont disposent les paléontologues pour reconstruire le comportement d'animaux éteints, explique Lemberg.

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     « Lorsqu'une certaine structure ou stratégie est efficace, elle a tendance à réapparaître au fil du temps, à la fois chez les créatures vivantes et dans la chronique fossile, » ajoute-t-il. « Beaucoup de choses ont changé depuis l'époque où Phoebodus arpentait les mers du Dévonien, mais pas les lois physiques de l'alimentation dans l'eau. »

    Cependant, Phoebodus a disparu au Carbonifère inférieur, des millions d'années avant que certaines de ses caractéristiques ne réémergent chez les requins modernes. Des espèces appartenant à ce genre éteint seraient-elles toujours tapies dans nos océans aujourd'hui ? Un peu comme le mystérieux requin-lézard ?

    « Je ne pense vraiment pas, » répond Ebert. « J'ai consacré ma carrière à la découverte de nouvelles espèces et je n'en ai jamais croisé une comme celle-ci. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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