Quelle est la meilleure plante pour purifier l'air de votre maison ? Réponse : aucune

Les plantes d'intérieur offrent bon nombre de bienfaits mais pour ce qui est de la pureté de l’air, elles n'ont aucun effet.

De Sarah Gibbens
Le jardinage d’intérieur était en hausse cette année. L’un des arguments marketing les plus répandus pour ...
Le jardinage d’intérieur était en hausse cette année. L’un des arguments marketing les plus répandus pour vendre ces plantes d’intérieur aux consommateurs enthousiastes était de vanter leurs vertus purificatrices. Cependant, une nouvelle étude démontre une fois de plus que ces plantes n’ont quasiment aucun impact sur la pureté de l’air de votre maison.
PHOTOGRAPHIE DE Rebecca Hale and Mark Thiessen, National Geographic

C’est une imposture que vous auriez peut-être préféré ne jamais voir démasquée. Aussi charmantes soient-elles, les plantes d'intérieure ne font quasiment rien pour purifier l’air de votre foyer, voilà ce qu’affirment les scientifiques qui étudient l’air que nous respirons.

Avec une simple recherche sur Internet, vous n’auriez jamais pu le deviner. Les sites les plus célèbres de décoration intérieur dressent la liste des plantes censées éliminer les toxines et les substances chimiques dangereuses contenues dans l’air et plusieurs boutiques en ligne n’hésitent pas vous vendre des plantes purificatrices d’intérieur.

« Nous avons décidé d’étudier ce phénomène plus en profondeur afin de confronter les nombreux articles et autres blogs dédiés au bien-être qui présentent les plantes comme la solution miracle pour une qualité optimale de l’air intérieur, » déclare Michael Waring, ingénieur en environnement et expert de la qualité de l’air à l’université Drexel.

Dans une étude récente publiée par la revue Journal of Exposure Science and Environmental Epidemiology, Waring et ses coauteurs ont passé en revue 12 rapports scientifiques publiés ces dix dernières années dans lesquels ont été testés 196 plantes au total.

Ces études menées en laboratoire affirmaient dans leur conclusion qu’une petite plante d’intérieur était capable d’éliminer diverses toxines contenues dans l’air. Selon Waring, l’expérience type réalisée par ces chercheurs consistait à placer une plante dans une petite chambre pour la soumettre à des molécules gazeuses appelées composés organiques volatils (COV). La densité et le délai d’élimination variaient d’une expérience à l’autre. L’une d’entre elles démontrait par exemple qu’en tout juste 24h, le lierre domestique pouvait éliminer deux tiers du formaldéhyde auquel il était exposé.

Le problème avec ces expériences, précise Waring, c’est la forte densité gazeuse des chambres utilisées, des conditions qui ne reflètent pas la réalité environnementale d’un bureau ou d’un foyer.

La plupart des blogs et des boutiques utilisant ce prétexte purificateur pour vendre leurs plantes se réfèrent à une étude menée en 1989 par la NASA dans laquelle des plantes installées dans des chambres d’à peine 60x60 cm étaient soumises à divers gaz dont la circulation était assurée par un petit ventilateur. La conclusion de cette étude est la suivante : les plantes sont capables de réduire la concentration en COV d’un petit conteneur hermétique. Et selon les experts, c’est à cause de cette conclusion vieille de 30 ans que les consommateurs tiennent aujourd’hui leurs plantes domestiques en grande estime, trop peut-être.

« Notre propos n’est pas de dire que toutes les données expérimentales sont fausses, » précise Waring, « mais simplement de rappeler leur nature expérimentale ».

 

DU LABORATOIRE AU FOYER

Afin d’évaluer la façon dont ces plante pourraient interagir dans un environnement plus proche d’une réelle habitation, Waring a calculé le débit d’air propre (CADR, Clean air delivery rate) de chacune d’entre elles. Le CADR mesure le volume d’air propre insufflé dans une pièce par un purificateur d’air sur une période donnée.

En standardisant les résultats de chaque étude à l’aide du CADR, les chercheurs ont pu comparer l’efficacité des plantes dans la purification de l’air d’une pièce à celle d’autres stratégies éprouvées comme l’installation d’un purificateur d’air mécanique ou, plus simplement, l’ouverture d’une fenêtre.

« Même si les plantes éliminent les COV, elles le font à un rythme si lent qu’elles ne peuvent en aucun cas faire concurrence aux autres mécanismes de ventilation déjà à l’œuvre dans les bâtiments, » explique Waring.

Afin de réduire suffisamment la concentration en COV pour avoir un impact sur la qualité de l’air, il faudrait environ 100 plantes par mètre carré. Pour un appartement de 50 mètres carrés, il faudrait donc 5 000 plantes, une véritable forêt.

Techniquement, les plantes éliminent une infime quantité de toxines en suspension dans l’air mais « pour arriver au niveau des autres mécanismes de ventilation, il faudrait une quantité inenvisageable de plantes, » résume-t-il.

À l’heure actuelle, la NASA fait pousser des plantes dans la Station spatiale internationale pour la nourriture qu’elles procurent mais également pour « l’atmosphère agréable qu’elles contribuent à créer », leurs bienfaits sur notre santé résidant davantage sur leur capacité à améliorer notre état mental.

 

MAIS EN FAIT, OÙ EST LE PROBLÈME DE L'AIR ?

« Tout employé a déjà passé du temps dans une salle de réunion chaude et étouffante, » indique Joe Allen, professeur à Harvard et spécialiste de l’influence de la conception des bâtiments sur notre santé. « Que se passe-t-il lorsque vous êtes dans cette pièce ? Vous êtes distrait, vous regardez votre montre et lorsque la porte s’ouvre elle insuffle littéralement de nouveau la vie dans la pièce, et vous le sentez. Vous êtes moins somnolent. Vos yeux s’ouvrent et vous vous sentez revivre. »

Comme le décrit Allen, son travail consiste à quantifier le bon sens, c’est-à-dire à mesurer notre compréhension innée du fait que certaines pièces soient plus agréables à vivre que d’autres.

Selon lui, la pollution de l’air provient de plusieurs sources. La cuisine peut générer de la matière particulaire et les COV peuvent émaner des nettoyants chimiques et des revêtements synthétiques appliqués sur les tapis ou les meubles.

« Souvent, la personne qui gère l’aménagement de votre bâtiment a un plus grand impact sur votre santé que votre médecin car c’est elle qui est responsable d’une grande partie de ces facteurs, comme la ventilation ou les matériaux de construction, » explique-t-il.

La façon la plus efficace et la plus évidente d’atténuer la pollution de l’air intérieur est de supprimer sa source, indiquent les experts. Waring insiste sur le fait qu’un air propre est dénué d’odeurs, donc pulvériser la pièce avec un purificateur d’air parfumé reviendrait plutôt à vaporiser du parfum qu’à éliminer les toxines.

« Ce serait vraiment magnifique que toutes ces plantes puissent nettoyer l’air qui nous entoure à notre place, » observe Elliott Gall, professeur à l’université d’État de Portland qui étudie l’impact des bâtiments sur la qualité de l’air. « Mais il existe de meilleures méthodes pour nettoyer l’air intérieur et elles nécessitent des systèmes mécaniques pour faire passer l’air à travers un dispositif filtrant. »

Dans ce type de mécanisme, l’air à filtrer est souvent pompé de l’extérieur vers l’intérieur mais lorsque l’air extérieur est tout autant pollué, certains utilisent de la végétation ou des murs végétalisés pour réduire la pollution de l’air. Gall indique que les zones protégées par un mur végétalisé judicieusement conçu enregistrent une réduction des émissions comprise entre 10 et 30 %, mais la meilleure option reste encore de supprimer la source de pollution.

« Supprimer la pollution de l’air est souvent synonyme de réduire l’activité économique ou de modifier les déplacements de personnes d'un côté à l'autre de la ville, » ajoute-t-il. « Mais supprimer la source est la solution la plus efficace pour réduire la pollution. »

 

CRÉER UNE MEILLEURE PLANTE D’INTÉRIEUR

À l’université de Washington, l’ingénieur de l’environnement Stuart Strand a mené des expériences impliquant des plantes génétiquement modifiées pour mieux éliminer les COV de l’air.

L’année dernière, il a publié avec son équipe les résultats de leur modification génétique d’un pothos avec une protéine contenue dans les foies de mammifères, la même qu’utilise notre corps pour décomposer l’alcool. En l’espace de deux ans, ils ont réussi à encoder dans les plantes une version de cette protéine prélevée chez des lapins. Lors des tests en laboratoire, les plantes génétiquement modifiées ont supprimé de l’air plus de chloroforme et de benzène que leurs homologues non modifiées.

Afin de nettoyer significativement l’air, Strand précise tout de même qu’il faudrait regrouper un grand volume de leurs plantes, pour créer un véritable puits, et installer une sorte de ventilateur qui pousserait les COV sur leur trajectoire.

« Je pense que nous pourrions ajouter quelques gènes supplémentaires dans la plante, » indique-t-il. « Nous travaillons actuellement sur une seconde génération d’OGM pour le formaldéhyde. »

Gall reste toutefois sceptique quant à l’efficacité de plantes génétiquement modifiées dans l’amélioration de la qualité de l’air.

« Je pense que scientifiquement, c’est du bon travail, » observe-t-il, mais de là à savoir si les plantes apporteront de réelles améliorations dans un environnement extérieur au laboratoire, il reste perplexe.

Selon un rapport cité par Bloomberg, les ventes de plantes auraient atteint les 1,7 milliard de dollars ces trois dernières années et elles sont particulièrement appréciées des 18-34 ans. Alors que les plantes peuvent apporter plusieurs bienfaits psychologiques, comme un soulagement du stress, Gall, Strand, Allen et Waring insistent tous sur le fait qu’elles ne devraient pas être achetées à des fins de purification de l’air.

« Je n’aimerais pas voir, par exemple, une famille à faibles revenus préoccupée par la qualité de l’air évaluer ses options en disant ‘Je pourrais acheter soit un purificateur d’air à 400 dollars, soit une plante à 30 dollars’, » illustre Gall. « Cette plante n’améliorera pas la qualité de l’air, en aucun cas. Cela ne servira à rien. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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