Oui, les volcans impactent notre climat, mais à quel point ?

Le volcanologue français Yves Moussallam parcourt le monde pour recueillir des données sur l’impact de la diffusion des gaz volcaniques dans l’atmosphère. Objectif : mieux comprendre leur influence sur le climat.

De Marine Sanclemente
Publication 11 févr. 2020, 16:34 CET
Le volcanologue français Yves Moussallam près du cratère du Stromboli, en Italie, l'un des volcans les ...
Le volcanologue français Yves Moussallam près du cratère du Stromboli, en Italie, l'un des volcans les plus actifs de la planète, connu pour ses petites éruptions régulières.
PHOTOGRAPHIE DE Rolex, Stefan Walter

Yves Moussallam s’aventure dans les endroits les plus isolés et les plus périlleux de la planète pour étudier les effets des émissions de quelque 150 volcans actifs sur notre atmosphère. À seulement 32 ans, le volcanologue espère combler un vide scientifique autour de l’un des plus grands défis de notre temps : connaître le rythme du réchauffement climatique. Une démarche novatrice qui lui a valu de recevoir un prix Rolex 2019 en tant que lauréat associé.

 

Vous rentrez d’une expédition au Vanuatu, dans le Pacifique. Quel était votre objectif ?

Le but de mes expéditions est double : déterminer quels types de gaz volcaniques sont diffusés dans l’atmosphère et en quelle quantité, puis quantifier à quel point ils ont une influence sur le climat. Ces gaz ont un effet important sur le refroidissement de l’atmosphère terrestre, mais faute de mesures disponibles, ils ne sont pas pris en compte dans les prévisions climatiques. Pour augmenter l’efficacité de la collecte des données, je pars généralement avec quatre ou cinq amis volcanologues en voyage scientifique. C’est un vrai travail d’équipe. 

 

Devez-vous porter un équipement spécifique ?

Souvent, je dois grimper au sommet des volcans que j’étudie et m’encorder pour aller dans le cratère. Je ne porte donc ni combinaison ni accessoires qui pourraient bloquer mes mouvements. Juste une tenue d’alpinisme classique, avec casque et masque à gaz. L’essentiel étant d’avoir un pantalon bien épais : j’en ai déjà brûlé quelques-uns en allant chercher des échantillons à la source. 

 

Comprendre : les supervolcans

Combien de volcans avez-vous déjà explorés ?

Une quarantaine, dont vingt lors d’une mission de cinq mois en Amérique du Sud, en 2014, pour laquelle j'avais d'ailleurs reçu une bourse National Geographic. Mes expéditions m’ont aussi amené dans le Grand Nord canadien, au Costa Rica, en Éthiopie, en Islande, en Indonésie, en Antarctique ou, récemment, en Équateur. L’objectif est toujours le même : récolter des informations sur les gaz de tous les volcans qui n’ont jamais été explorés. Malheureusement, entre la recherche de financement, l’acheminement des équipements et la gestion logistique, chaque voyage scientifique demande environ un an de préparation. 

 

Quels sont les principales difficultés d’un pays à l’autre ?

Chaque terrain a sa problématique. C’est beaucoup plus facile pour moi de travailler dans le Pacifique qu’en Amérique du Sud, où je dois composer avec les difficultés respiratoires liées à l’altitude (accentuées par le port du masque à gaz) ou avec le froid qui gèle les  mains et empêche certaines manipulations. À l’inverse, le problème majeur dans le Pacifique est la météo. Nous, volcanologues, en sommes très dépendants. S’il y a de la pluie ou des nuages, la plupart de nos instruments ne fonctionnent pas. Il y a quelques années, j’ai fait une expédition lors de laquelle j’ai grimpé tous les jours jusqu’au sommet d’un volcan pendant un mois, en vain. 

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    Yves Moussallam arpentant le Stromboli. L'île volcanique italienne fait partie des îles éoliennes.
    PHOTOGRAPHIE DE Rolex, Stefan Walter

    Vous avez navigué avec du biocarburant à base de noix de coco. La durabilité est-elle un aspect important de vos voyages ?

    J’ai toujours été gêné d’arriver dans des endroits vierges, comme en Antarctique, en hélicoptère ou avec de gros véhicules. Pour cette expédition dans la ceinture de feu du Pacifique, l’une des régions les plus dynamiques du monde sur le plan géologique, j’ai voulu avoir un impact écologique réduit. Nous avons donc embarqué sur un vaka, un voilier polynésien, transformé en observatoire volcanique mobile. C’était une belle occasion d'associer la technologie moderne aux connaissances traditionnelles des locaux qui s’orientent... et se perdent avec les étoiles. 

     

    Vous êtes parti à l’étranger juste après votre Bac. D’où vous vient ce goût d’ailleurs ?

    Croyez-le ou non, c’est une couverture de National Geographic sur le Canada qui m’a donné envie de voyager ! Je suis donc parti étudier la géologie à l’Université d’Ottawa. Je me suis ensuite laissé guider par mes études et j’ai poursuivi avec un doctorat en volcanologie à l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. 

     

    Parmi tous les lieux où vous êtes allé, quel est votre meilleur souvenir ?

    Indéniablement le mont Erebus, en Antarctique. Au sommet, à 4 000 m d’altitude, la vue sur la mer gelée de Ross et sur la chaîne Transantarctique est juste incroyable. J’ai aussi beaucoup aimé l’Altiplano, au nord du Chili, pour la diversité des couleurs. On passe du blanc des volcans enneigés, au jaune, au vert, aux herbes rouges… Sans parler de la pureté de l’air, qui permet de passer des nuits magiques à contempler les étoiles. La recette pour que je me sente bien dans un lieu est finalement assez simple : être déconnecté du monde moderne, sans téléphone, sous tente, en vivant à la merci de la nature. 

     

    Quel endroit conseilleriez-vous pour une première expérience volcanique ?

    Pour ressentir ce qu’est un volcan, je dirais le Stromboli, au nord de la Sicile. C’est un volcan énorme, mais la partie émergée fait à peine 1000 m d’altitude donc il est très facile d’accès et, surtout, en activité permanente. Avec un peu de chance, on peut assister à une explosion et voir les cônes de magma remonter. Toutes les sensations sont là : un bruit énorme à chaque éruption, la terre qui tremble sous les pieds et une odeur caractéristique. Même si c’est un volcan ultraétudié et ultrasurveillé, je l’adore. 

     

    En dehors de vos expéditions scientifiques, vous arrive-t-il de jouer les touristes ? 

    Bien sûr. Quand je suis en congés, j’essaie de fuir les endroits où il y a des volcans pour ne pas être tenté de travailler. Cela dit, j’ai passé mes dernières vacances en Islande... Mais pour ma défense, c’était pour randonner entre les geysers, les sources chaudes et les champs de lave. J’ai aussi fait un séjour dans les Alpes, et un long week-end à Lisbonne dernièrement. Mais les vagues étaient mauvaises, j’ai été privé de surf. 

     

    Quels sont vos projets à venir ?

    Je devrais repartir en Mélanésie cette année pour continuer mes mesures sur les volcans du Pacifique, mais pour l’instant, je suis en plein déménagement pour New York ! Je vais donner des cours de thermodynamique et de cinétique appliquée aux milieux naturels à l’Université de Columbia. Ce n’est pas la matière la plus facile, j’avoue être un peu stressé par ce grand changement de vie. Mais c’est une belle aventure qui commence, avec une toute nouvelle ville à découvrir. 

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