L'épidémie de coronavirus est officiellement une pandémie : ce que ça change

L'Organisation mondiale de la santé a finalement déclaré que l'épidémie de COVID-19 était désormais une pandémie. Un simple changement sémantique ?

De Amy McKeever
Publication 12 mars 2020, 16:58 CET
Une femme portant un masque accélère le pas alors que les employés d'une entreprise de services ...
Une femme portant un masque accélère le pas alors que les employés d'une entreprise de services de désinfection désinfectent un marché traditionnel à Séoul, en Corée du Sud, le 26 février 2020.
PHOTOGRAPHIE DE Kim Hong-Ji, Reuters

C'est officiel. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrit le nouveau coronavirus comme une pandémie pour la première fois. Mercredi 11 mars 2020, lors d'une conférence de presse, le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a fait part de ses inquiétudes concernant la trajectoire de la maladie, qui s'est rapidement propagée à travers la planète dans les mois qui ont suivi la première annonce en Chine.

Des épidémies ont été signalées dans plus de 110 pays avec plus de 118 000 cas confirmés et 4 200 décès dans le monde au moment de la parution, alors que les marchés boursiers mondiaux continuent de faiblir en réaction. Le nombre de cas de coronavirus, virus à l'origine de la maladie nommée COVID-19, a fortement augmenté en Italie, en Iran et en Corée du Sud. Il a également commencé à se répandre aux États-Unis, avec plus de 900 cas et 29 décès recensés à ce jour.

« Dans les jours et les semaines à venir, le nombre de cas, de décès et ‎de pays touchés devrait encore augmenter, » a déclaré M. Ghebreyesus lors de la conférence. « L’OMS suit l'évolution de cette flambée 24 heures sur 24 et nous sommes ‎profondément préoccupés à la fois par la propagation et la gravité ‎des cas, dont le niveau est alarmant, et par l’insuffisance des ‎mesures prises qui l’est tout autant.‎ »

Cette annonce arrive après plusieurs semaines de spéculation de la part des autorités et des médias pour qui l'urgence avait déjà atteint les niveaux pandémiques, même si les autorités de santé publique se gardaient d'utiliser ce terme.

Mais qu'est-ce qu'une pandémie exactement ? Et que se passe-t-il lorsqu'une agence de santé publique aussi importante que l'OMS requalifie une épidémie en pandémie ? Même si le fait d'utiliser ce terme pour qualifier la crise sanitaire actuelle ne changera rien à la situation sur le terrain, il peut provoquer la panique du public et induire un changement de stratégie visant à réduire la propagation.

 

QU'EST-CE QU'UNE PANDÉMIE ?

Les crises sanitaires mondiales ont tendance à évoluer en plusieurs étapes. Cette série d'événements commence avec une « flambée », une soudaine augmentation du nombre de cas diagnostiqués d'une maladie donnée au niveau d'une zone géographique restreinte, comme ce qui a été constaté à Wuhan. Si la maladie se propage en dehors de cette communauté, comme la Chine après Wuhan, alors cette flambée devient une épidémie.

Les pandémies, selon la définition classique, sont des épidémies qui traversent les frontières et affectent un grand nombre de personnes à travers le monde.

« C'est une question de géographie », explique Lauren Sauer, professeure adjointe de médecine d'urgence. « Il ne s'agit pas de gravité, il ne s'agit pas d'un nombre de cas élevé ou faible. [La question] c'est : voit-on la maladie se propager à travers le monde ? »

Accolade entre membres du personnel médical au sein d'une unité d'isolement d'un hôpital de Zouping, dans la province de Shandong de l'est de la Chine.
PHOTOGRAPHIE DE STR/AFP via Getty Images

Toute épidémie généralisée n'est toutefois pas considérée comme une pandémie. La grippe saisonnière, par exemple, coche ces cases, mais sa nature cyclique est ce qui la différencie de la grippe pandémique, qui peut se propager partout dans les deux hémisphères quelle que soit la météo. 

Une déclaration de pandémie prend également en compte qui est infecté et où. Si une personne attrape le coronavirus en Chine et retourne dans son pays d'origine, ni elle ni les personnes qu'elle contamine ne comptent dans le décompte qui permet de déclarer une pandémie. Sauer indique que ces contraintes découlent des leçons tirées après la pandémie de H1N1 en 2009, lorsque le grand nombre de voyages aériens à travers le monde donnait l'impression que la maladie se propageait plus rapidement et plus largement qu'elle ne le faisait réellement. 

De fait, les autorités de santé publique attendaient de constater une transmission locale de COVID-19. C'est à ce stade que le virus a commencé à se propager à l'extérieur de la Chine parmi les personnes qui ne s'étaient pas récemment rendu dans le pays. Au début d'une épidémie, la plupart de ces cas peuvent être attribués à des voyageurs s'étant rendus sur le site d'origine de l'épidémie, en l'occurrence la Chine. Mais à mesure que la transmission locale progresse, cette recherche de contact n'est plus pertinente. 

Certains experts en santé publique soutiennent que le nouveau coronavirus a atteint le statut de pandémie il y a des semaines, fin février 2020, quand des cas avaient été confirmés sur six continents, dont 2 300 en Corée du Sud et 650 en Italie. Dans de nombreux pays, des épidémies se sont maintenues localement.

Qu'est-ce qui a empêché l'OMS de qualifier cette épidémie de pandémie jusqu'à présent ? « En réalité, c'est une question de sémantique », explique Sauer. « Mais la sémantique devient importante lorsque vous parlez au grand public de ces questions. »

 

CE QUE ÇA CHANGE

Les mots comptent. Dans un point presse mercredi, le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a expliqué que « "pandémie" n'est pas un mot à utiliser à la légère ». « C'est un mot qui, s'il est utilisé à mauvais escient, peut provoquer une peur déraisonnable ou une acceptation injustifiée que le combat est perdu d'avance. »

En 2009, de très nombreuses personnes ont paniqué lorsque l'OMS a qualifié la grippe H1N1 de pandémie, se souvient Lawrence Gostin, professeur à l'Université de Georgetown et directeur du Centre collaborateur OMS sur le droit national et mondial de la santé, puis l'organisation a ensuite été critiquée pour avoir alarmé le public lorsque le virus s'est révélé peu létal. Le H1N1 revient maintenant de façon saisonnière et fait partie des préparations vaccinales annuelles.

D'un point de vue juridique, peu importe que l'OMS qualifie ou non l'épidémie de pandémie.

« Décrire la situation comme une pandémie ne change pas l'évaluation de l'OMS de la menace posée par ce virus », a déclaré Ghebreyesus lors du point presse du 11 mars 2020. « Cela ne change pas ce que fait l'OMS et cela ne change pas ce que les pays devraient faire. »

Gostin souligne que l'OMS a déjà déclaré quelque chose de bien plus important : une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Cette déclaration permet légalement à l'OMS de faire des recommandations sur la manière dont les pays membres doivent gérer une épidémie, mobilisant pour se faire des financements et un soutien politique.

 

QUELLES CONSÉQUENCES MAINTENANT QUE COVID-19 EST UNE PANDÉMIE ?

Bien que le mot « pandémie » puisse être une dénomination sans signification juridique, il a une réelle valeur. Une pandémie signifie que les autorités estiment qu'elles ne peuvent plus contenir la propagation du virus et qu'elles doivent adopter des stratégies d'atténuation, comme la fermeture des écoles et l'annulation des rassemblements de masse.

Dans son annonce - qui, a-t-il fait remarquer, était la première concernant une pandémie causée par un coronavirus - Ghebreyesus a fait valoir que la maladie pouvait être maîtrisée, mais a reconnu que de nombreux pays avaient du mal à le faire en raison d'un manque de ressources ou par absence de mesures concrètes.

C'est précisément la raison pour laquelle certains experts en santé publique ont tant insisté auprès de l'OMS et d'autres agences mondiales pour que celles-ci décrètent l'état de pandémie. Plus tôt les autorités de santé publique et les premiers intervenants passeront à des mesures d'atténuation - comme celles mises en place chaque année pour l'épidémie de grippe, mieux ce sera.

Pour le moment, la France reste au stade 2 de l'épidémie et a comme stratégie des « mesures de distanciation sociale » comme la fermeture d'écoles et la recommandation de télétravail pour empêcher les personnes infectées de transmettre la maladie à leurs camarades de classe et à leurs collègues. Les événements et les rassemblements de masse sont pour le moment reportés voire annulés.

L'UEFA devrait annoncer la semaine prochaine la suspension des Coupes d'Europe et le report de l'Euro à 2021. Même les Jeux olympiques de Tokyo de cet été pourraient être annulés si la situation ne s'améliore pas. Il est probable que les autorités de santé publique encourageront encore plus de distanciation sociale dans les jours ou semaines à venir maintenant que l'OMS a signalé la nécessité de passer à l'atténuation.

Pour Lawrence Gostin, ces mesures de distanciation sociale ne sont pas recommandées à la légère par les organismes de santé publique car elles ont un impact significatif sur les plans sociaux et économiques. Pour autant, « les enfants doivent être éduqués, leurs parents doivent toujours pouvoir aller travailler et les gens veulent pouvoir sortir et s'amuser. Nous n'arriverons à ce type de mesures que si c'est vraiment nécessaire. »

Il incombe par ailleurs à chacun de prendre des mesures préventives, notamment se laver régulièrement les mains, éternuer dans des mouchoirs jetables ou, faute de mieux, dans le creux de leurs coudes, et de nettoyer régulièrement les surfaces.

Bien qu'il ait reconnu que nous n'avions jamais connu de pandémie contrôlable, Ghebreyesus a exhorté les pays touchés à continuer de prendre des mesures pour supprimer la propagation du COVID-19.

« Nous ne pouvons le dire ni assez clairement, ni assez souvent », a-t-il déclaré. « Tous les pays peuvent encore changer le cours de cette pandémie. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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