Cette découverte pourrait permettre de détecter l'autisme plus tôt

Le cerveau des nourrissons qui développent des formes d'autisme croît trop vite, selon les chercheurs. Cette découverte pourrait permettre de développer des traitements qui limiteraient leurs effets.

De Yudhijit Bhattacharjee
Photographies de Lynn Johnson
Publication 2 avr. 2020, 11:19 CEST
Alia Aamar apaise sa fille de 10 mois, Aneesa, avant que les chercheurs scannent son cerveau ...

Alia Aamar apaise sa fille de 10 mois, Aneesa, avant que les chercheurs scannent son cerveau dans le laboratoire Joseph Piven à l'Université de Caroline du Nord. Aneesa a un frère aîné autiste, elle a donc plus de chances de développer elle aussi des formes autistiques. En scannant régulièrement le cerveau des bébés qui pourraient développer des formes d'autisme, les chercheurs espèrent identifier les changements cérébraux et ainsi établir des diagnostics précoces.

PHOTOGRAPHIE DE Lynn Johnson

Pour les parents qui apprennent que leur enfant est autiste, le diagnostic est souvent un choc : comment leur bébé a-t-il développé ce trouble incurable ? Si l'autisme a été identifié pour la première fois dans les années 1940, les chercheurs ont toujours du mal à l'expliquer. La cause reste un mystère, mais les scientifiques commencent à mieux appréhender ce qu'il se passe dans le cerveau de ces enfants.

Des études indiquent qu'il serait possible de détecter des signes autistiques dès l'âge de trois mois, bien avant que le trouble ne se manifeste. Une détection et des interventions précoces pourraient prévenir ou atténuer les déficiences associées à l'autisme.

« Ce que nous apprenons, c'est que l'autisme est un trait, et que ce trait devienne ou non un handicap dépend des premières expériences [de vie] », explique Ami Klin, psychologue à l'université d'Emory. Cela signifie, ajoute-t-il, « que l'autisme en tant que handicap profond n'est peut-être pas inévitable. »

Avant que son cerveau ne soit scanné, Aneesa participe à des tests comportementaux qui utilisent le jeu pour évaluer ses capacités motrices, son temps de réaction et d'autres aptitudes propres à son âge. Sa mère, Alia, est diplômée en éducation de la petite enfance. Elle a constaté que l'un des deux frères d'Aneesa développait des retards de langage, ce qui a conduit au diagnostic de ses troubles autistiques. 

PHOTOGRAPHIE DE Lynn Johnson

Les scientifiques savent que les formes autistiques peuvent être causées par un certain nombre de gènes, à la fois hérités et mutés, ainsi que par d'autres facteurs, tels que l'âge avancé d'un parent. Une étude frauduleuse a attribué au ROR, le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole chez les enfants, l'apparition de ces troubles - une affirmation qui a maintes fois été réfutée. Depuis la fin des années 1990, le trouble est devenu de plus en plus répandu. Cela s'explique en partie par l'amélioration du diagnostic, mais les chercheurs n'excluent pas la possibilité que l'incidence augmente, probablement en raison de facteurs biologiques et environnementaux.

Bien que les chercheurs n'aient pas établi les origines précises de l'autisme, ils acquièrent une vision plus claire de la façon dont il progresse.

Joseph Piven, psychiatre à l'université de Caroline du Nord, et ses collègues ont étudié 106 nourrissons qui avaient un frère ou une sœur plus âgé(e) atteint(e) d'autisme, et qui présentaient donc plus de risques de développer eux-mêmes des troubles autistiques. En scannant leur cerveau à six mois et à nouveau à douze et vingt-quatre mois en utilisant l'imagerie par résonance magnétique (IRM), les chercheurs ont constaté des différences frappantes entre les nourrissons qui ont développé plus tard des formes d'autisme et ceux qui n'en n'ont pas développé. Le cerveau des nourrissons qui ont ensuite été diagnostiqués avec un trouble autistique a grossi plus rapidement que la normale à partir de six mois, gagnant davantage en surface jusqu'à l'âge de douze mois, puis gagnant en volume au cours de la deuxième année de vie.

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    Des modèles imprimés en 3D, basés sur des scintigraphies cérébrales, permettent l'étude de l'autisme depuis 36 ans. Pour ce psychiatre, les enfants qui développent des formes autistique perçoivent leur environnement différemment. Piven espère qu'une meilleure compréhension du développement du cerveau conduira à des traitements médicamenteux : "Je pense que nous pourrons utiliser des médicaments ciblés pour des sous-types particuliers d'autisme."

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    Le lien entre la rapide croissance du cerveau et un diagnostic subséquent d'autisme était si fort que les chercheurs pouvaient utiliser les scintigraphies cérébrales à l'âge de six et douze mois pour prédire avec précision un diagnostic d'autisme pour huit nourrissons sur dix qui se sont révélés atteints de troubles autistiques. 

    Les analyses dépistant des changements anormaux du cerveau peuvent permettre aux pédiatres de repérer l'autisme bien avant l'apparition des symptômes. Les déficits caractéristiques - retards du langage, difficultés d'interaction sociale et comportements répétitifs - n'apparaissent généralement que vers l'âge de deux ans environ, date à laquelle la plupart des enfants sont diagnostiqués. « Nous souhaitons les détecter à un moment où ils n'ont que quelques marqueurs de risque », explique Piven.

    Les enfants autistes subissent des interventions, notamment comportementales, pour les aider à socialiser et à communiquer, réduisant ainsi la gravité de leurs déficiences. Avec une détection plus précoce, Piven et ses collègues soutiennent qu'il serait peut-être possible de prendre des mesures préventives, soit par des modifications de comportement, soit par des médicaments, « qui changeraient la trajectoire du cerveau ».

    En 2018, un groupe de recherche dirigé par Charles Nelson, neuroscientifique à la Harvard Medical School, a publié des résultats montrant la viabilité de la détection du risque autistique chez les nourrissons de trois mois en cartographiant l'activité électrique dans leur cerveau à l'aide d'un électroencéphalogramme ou EEG. Les chercheurs ont effectué des examens sur des enfants âgés de trois mois à trois ans. Nelson et ses collègues ont découvert que l'activité dans le cerveau des nourrissons diagnostiqués plus tard comme étant autistes se démarquait de celle des autres.

    « Dès trois mois, nous voyons des modèles d'EEG qui nous indiquent quel sous-ensemble de ces enfants développera des formes autistiques », indique Charles Nelson.

    Ce que ces études révèlent sur la nature atypique du développement du cerveau dans la période précédant l'autisme semble être conforme aux résultats comportementaux établis par Klin et de ses collègues. Avec Warren Jones, un neuroscientifique d'Emory, Klin et d'autres ont suivi les mouvements oculaires des bébés pendant qu'ils regardaient des vidéos.

    Les nourrissons âgés de deux à six mois qui regardaient moins longtemps dans les yeux que la normale étaient susceptibles d'être diagnostiqués autistes dès la toute petite enfance, selon les chercheurs. Dans une étude conduite sur des enfants en bas âge, ils ont constaté que les enfants autistes regardaient deux fois moins souvent les visages et deux fois plus souvent les objets.

    Les résultats suggèrent que les nourrissons qui développent une forme d'autisme voient le monde d'une manière fondamentalement différente. Les troubles modifient profondément la façon dont ils gèrent les interactions sociales, ce qui a un effet en cascade sur le développement de leur cerveau, pouvant conduire à des déficiences ultérieures. « Ce qui semble se produire, c'est que nos enfants autistes manquent des milliers et des milliers et des milliers et des milliers d'expériences d'apprentissage social », dit Klin.

    Les résultats impliquent que les bébés présentant des risques de développer des formes d'autisme pourraient suivre une sorte de rattrapage. Les chercheurs ont testé des interventions comportementales comme le Early Start Denver Model, un programme qui enseigne aux parents et aux thérapeutes à user de stratégies spécifiques, notamment le jeu, pour encourager l'acquisition des compétences sociales et linguistiques chez les enfants autistes. Un essai récent portant sur 118 enfants a révélé que ces formes d'intervention améliorait la capacité linguistique, ce qui, selon les chercheurs, est l'une des meilleures acquisitions à long terme pour les personnes autistes.

    Geraldine Dawson, une psychologue de l'Université Duke qui a participé à créer le modèle, déclare : « Ce que nous voulons faire, le plus tôt possible, est de ramener le bébé dans le monde social, afin qu'il prête attention à ce qui l'entoure et bénéficie de cet enrichissement précoce. »

     

    Yudhijit Bhattacharjee est un contributeur régulier de National Geographic.
    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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