Coronavirus : comment la Nouvelle-Zélande a-t-elle fait pour contenir l'épidémie ?

L'île-nation a opté pour un confinement strict et discipliné début mars 2020 ; 87 % des résidents soutiennent le gouvernement dans sa gestion de la crise.

De Aaron Gulley
Publication 4 mai 2020, 11:33 CEST
Des cyclistes dévalent les sentiers du Totara Park de South Auckland, en Nouvelle-Zélande, après l'assouplissement des ...

Des cyclistes dévalent les sentiers du Totara Park de South Auckland, en Nouvelle-Zélande, après l'assouplissement des mesures de confinement le 28 avril.

PHOTOGRAPHIE DE Phil Walter/, Getty Images

Par un après-midi vivifiant, quatre cyclistes pédalent paisiblement sur la route à double sens qui serpente le long de la rive sud du lac Wanaka. En plein cœur des montagnes néo-zélandaises de l'île du Sud, cette région connaît généralement ses premières éclaircies au mois d'avril, accompagnées d'une flopée de touristes en voiture ou camping-car faisant route vers un seul et même terminus : le parc national du mont Aspiring. Mais ce samedi-là, sans un seul véhicule à l'horizon, les maîtres de la route n'étaient autres que les cyclistes.

Cette autoroute abandonnée n'est qu'une manifestation parmi d'autres de la réponse radicale des Néo-Zélandais à l'épidémie de COVID-19. Conformément aux mesures strictes de confinement, les pubs, cafés et commerces du centre-ville de Wanaka étaient tous déserts et plongés dans le noir, un ruban jaune installé par la police interdisait l'accès au skate park et à l'aire de jeux où les balançoires étaient accrochées hors de portée pour éviter toute tentation. Non pas qu'il y ait eu un important risque de transgression : à part les coureurs et quelques couples sortis prendre l'air, les rues de la ville étaient aussi désertes qu'un décor de The Walking Dead.

En route pour le mont Aspiring, le groupe de cyclistes dont je fais partie s'arrête à Glendhu Bay, où un panneau marque l'emplacement de Bike Glendhu, le tout nouveau domaine VTT. L'accès est bloqué par une barrière portant la mention « Closed » peinte à la main ; notre œil est attiré par un sentier filant vers le sud à travers le versant escarpé d'une montagne aux reflets dorés avant de disparaître derrière un sommet déchiqueté.

Natasha Parkinson sert les commandes à emporter de la boulangerie Amano, le 29 avril. La Nouvelle-Zélande venait d'annoncer, la veille, l'élimination du coronavirus dans le pays et la rétrogradation de son alerte COVID-19 du niveau 4 au niveau 3, autorisant la réouverture de certains commerces selon des horaires limités.

PHOTOGRAPHIE DE Fiona Goodall, Getty Images

Alors que l'année dernière, près de quatre millions de visiteurs avaient voyagé en Nouvelle-Zélande, soit 80 % de la population résidente, pour profiter de ses contrées sauvages, l'épidémie a contraint le pays à fermer ses frontières et interdire l'accès à ces merveilleux paysages. Adieu les Alpes néo-zélandaises, cette année les cyclistes devront se contenter de la piste cyclable qui va et vient de la ville.

Un Kiwi (le surnom donné aux Néo-Zélandais) à la carrure imposante descend à grandes enjambées le sentier de gravier. C'est John McRea, propriétaire de la Glendhu Station, la ferme qui accueille le domaine VTT. Il courait sur les sentiers du parc et s'apprêtait à rentrer chez lui. « Nous n'avons pas vu beaucoup de monde par ici, hormis quelques vttistes chaque jour. Je mets cette barrière en espérant les bloquer, » dit-il en s'éloignant prudemment de notre groupe. « Je suis vraiment triste de voir le parc fermé. Mais pour le moment, il vaut mieux rester chez soi. »

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    PHOTOGRAPHIE DE Mark Tantrum, Getty Images

     

    LE PLAN D'UNE RÉUSSITE

    S'il y a un espoir dans la réponse mondiale à la pandémie, c'est bien la Nouvelle-Zélande. Alors que les gouvernements du monde entier ont longuement hésité quant à l'approche à adopter, laissant le temps au nombre de cas de grimper en flèche, la Nouvelle-Zélande a donné un exemple sans compromis et axé sur la science. Bien que le pays ait attendu le 3 février pour interdire les voyages en provenance de Chine et même si la courbe des nouveaux cas de coronavirus semblait incontrôlable à la mi-mars, la sévérité des mesures adoptées a depuis permis de contenir l'épidémie.

    En Nouvelle-Zélande, la quarantaine obligatoire a commencé le 15 mars pour tous les visiteurs et à l'époque, c'était l'une des politiques les plus strictes de la planète, alors qu'il n'y avait que six cas dans le pays. Dix jours plus tard, la nation toute entière entrait en confinement, notamment à travers un moratoire visant les déplacements domestiques. Conformément aux restrictions du niveau 4, seuls les épiceries, pharmacies, hôpitaux et stations essence étaient autorisés à ouvrir ; l'utilisation du véhicule était restreinte ; les interactions sociales devaient se limiter au foyer.

    La championne de surf néo-zélandaise Ava Henderson se jette dans les vagues de Christchurch le 28 avril, sa première session depuis l'entrée en confinement du pays le 26 mars.

    PHOTOGRAPHIE DE Kai Schwoerer, Getty Images

    « Notre lutte doit être intense et précoce, » avait déclaré la Première ministre Jacinda Ardern dans une adresse à la nation le 14 mars.

    Ma femme et moi avons été pris de court par ces restrictions. Elle, photographe de presse, et moi, journaliste voyage, sommes arrivés en Nouvelle-Zélande pour nos missions respectives après confirmations par les autorités américaines, néo-zélandaises et australiennes qu'aucune mesure de contrôle n'avait été mise sur pied. Cependant, entre notre départ et l'atterrissage, le gouvernement avait eu le temps de décréter le placement en quarantaine des nouveaux arrivants. Avant même de pouvoir acheter des billets retour, le pays avait suspendu l'ensemble des voyages. À l'instar des 100 000 autres visiteurs internationaux, nous étions bloqués.

    Cette rigueur soudaine aurait pu être à l'origine d'une panique générale mais chaque jour, la Première ministre de 39 ans, « Jaz » comme l'appellent les locaux, s'adressait à la nation de façon claire et concise, appuyée par une équipe de scientifiques et de professionnels de la santé. Quelques jours de confinement plus tard, elle annonçait qu'au lieu de ralentir la transmission du virus, la Nouvelle-Zélande était en bonne voie pour l'éradiquer totalement de son territoire, en stoppant l'arrivée de nouveaux cas et en étouffant les cas existants grâce aux restrictions. « Nous avons l'occasion de faire ce qu'aucun autre pays n'a pu faire : éliminer le virus, » avait-elle déclaré lors de l'une de ses interventions.

    D'un point de vue extérieur, ce qui m'a paru intéressant avec la Nouvelle-Zélande, c'est la facilité avec laquelle l'ensemble de la population a adhéré aux mesures. Le premier jour du confinement, les rues et les autoroutes étaient vides, les boutiques fermées et tout le monde chez soi. « Je pense que c'est plus facile pour nous, Kiwis, de respecter ces mesures parce que nous avons confiance en nos dirigeants, » m'a confié Sue Webster, propriétaire de l'Airbnb où ma femme et moi avons passé près de quatre semaines.

    Musicien au sein du Royal New Zealand Navy Band, Orson Paine fait résonner son clairon sur l'air de « The Last Post » depuis son allée lors de la journée de l'ANZAC, le 25 avril. Habituellement, cette fête nationale en l'honneur des soldats morts au combat fait l'objet de célébrations publiques où se presse la foule, ce qui était interdit pendant le confinement strict du pays.

    PHOTOGRAPHIE DE Phil Walter, Getty Images

    Leur plan semble avoir fonctionné. Le nombre quotidien d'infections dans cet état insulaire où vivent 4,9 millions d'habitants est passé d'un pic à 146 à la fin du mois de mars à une poignée de cas à la mi-avril. Au total, la Nouvelle-Zélande a recensé 1 476 cas et 19 décès. Le 26 avril, le pays a vécu un moment décisif, lorsque les autorités ont signalé n'avoir recensé aucun nouveau cas ni aucune transmission pour la première fois depuis six semaines, bien que sept nouveaux cas aient été signalés entre le 26 et le 30 avril.

    Néanmoins, le faible nombre de nouveaux cas a incité le gouvernement à assouplir ses mesures de distanciation sociale en rétrogradant son alerte sanitaire au niveau 3. Le 28 avril, Ardern prononçait l'élimination du virus, précisant plus tard que le terme « élimination ne signifiait pas zéro cas » et qu'ils devraient « continuer la lutte contre le COVID jusqu'à l'arrivée d'un vaccin. »

     

    UN APRÈS-CORONAVIRUS ?

    Même si la Nouvelle-Zélande apparaît confiante quant à l'endiguement de l'épidémie de COVID-19, le succès n'est pas totalement garanti. Des pays comme Singapour qui semblaient avoir repris le contrôle sur le virus luttent depuis contre une seconde vague de contaminations. En Chine, alors que la propagation semblait s'être totalement arrêtée, de nouvelles poussées épidémiques ont émergé.

    Même si la Nouvelle-Zélande parvient à éradiquer la maladie, le chemin qui suivra s'annonce long et cahoteux. Une fois le pays libéré du virus, il faudra maintenir la suspension des arrivées jusqu'au développement d'un vaccin et son déploiement à grande échelle afin d'éviter le scénario de réinfection. Une perspective peu avenante pour un pays où le tourisme représente 10 % du PIB, près de 15 % des emplois et constitue le premier secteur d'exportation du point de vue des recettes en devises. Des centaines de milliers d'emplois sont en jeu et d'après les prévisions, l'économie néo-zélandaise ne devrait pas se rétablir avant au moins 2024.

    Cela dit, un sondage récent montre que 87 % des résidents soutiennent le gouvernement dans sa gestion de la crise. Après y avoir passé un mois de confinement, je comprends pourquoi : les rues étaient calmes et propres, les services publics fonctionnaient, les magasins étaient approvisionnés et, par-dessus tout, le risque de contraction de la maladie à coronavirus semblait lointain et insignifiant.

    Lorsque j'ai finalement pu me procurer les billets retour, j'ai dû me demander si je souhaitais réellement quitter la Nouvelle-Zélande. Bien que nous n'ayons pas pu arpenter les sentiers de Bike Glendhu, j'avais encore en tête la sérénité de cette balade à vélo sur la route du mont Aspiring.

    De retour chez moi, j'ai contacté Charlie Cochrane, le directeur de Bike Glendhu, pour prendre des nouvelles du parc. « Comme toutes les entreprises ici, notre trésorerie a été réduite à néant, la pression que nous subissons est énorme. La croissance n'en sera que plus difficile, » m'a répondu Cochrane. Mais il m'a indiqué rester tout de même optimiste. « Nous pensons que le gouvernement a très bien géré la crise et que nous avons beaucoup de chance de vivre en Nouvelle-Zélande.»

     

    Aaron Gulley est un journaliste basé à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, qui écrit depuis deux décennies sur des sujets comme le voyage, le cyclisme, les sports et le bien-être. Retrouvez-le sur Instagram.
    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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