Le réseau Internet est en train de prendre l'eau

La montée du niveau de la mer met en péril les infrastructures et les centrales électriques qui constituent le réseau Internet.

De Alejandra Borunda
Publication 26 juil. 2021, 12:18 CEST
Six Mile Bridge, qui mène de Marathon Key à Key West, est ce à quoi la ...
Six Mile Bridge, qui mène de Marathon Key à Key West, est ce à quoi la côte sud de la Floride pourrait ressembler d'ici cent ans si le niveau de la mer monte selon les prévisions climatiques actuelles.
PHOTOGRAPHIE DE George Steinmetz, National Geographic Creative

Quand Internet est coupé, la vie telle que les Français modernes se l'imaginent est comme mise sur pause. Terminé les fils d'actualité remplis de chatons et les mises à jour de statuts Facebook, finis aussi le contrôle des feux de circulation et les accès aux dossiers dématérialisés des patients dans les hôpitaux.

Un vaste réseau d'infrastructures physiques sous-tend les connexions Internet qui affectent presque tous les aspects de la vie moderne. Les câbles à fibre optique, les stations de transfert et de stockage de données et les centrales électriques forment un vaste réseau.

Des recherches récentes démontrent qu'une grande partie de ces infrastructures seront affectées par la montée du niveau de la mer dans les années à venir.

Les scientifiques ont cartographié l'infrastructure du réseau Internet aux États-Unis et l'ont superposée aux cartes montrant l'élévation du niveau de la mer. Leurs résultats sont pour le moins inquiétants : en l'espace de 15 ans, des milliers de kilomètres de câbles en fibre optique - et des centaines d'autres infrastructures essentielles - risquent d'être submergés par les flots. Et même si certaines de ces infrastructures peuvent résister à l'eau, peu d'entre elles ont été conçues pour résister à l'eau en immersion totale.

« Une grande partie de l'infrastructure existante est située juste à côté des côtes, de sorte qu'il ne faut pas beaucoup plus que quelques centimètres d'eau en plus pour qu'elle se retrouve sous l'eau », explique Paul Barford, scientifique à l'Université du Wisconsin, Madison et coauteur de l'étude. « Le réseau a été déployé il y a plus de 20 ans, quand personne ne pensait au fait que le niveau de la mer pouvait monter. » 

« Cela va constituer un problème de taille » estime Rae Zimmerman, expert en adaptation urbaine au changement climatique au  NYU. De larges pans de l'infrastructure Internet seront bientôt « sous l'eau, à moins que l'on ne les retire très rapidement. »

 

UNE TOILE ENCHEVÊTRÉE

La structure physique du réseau Internet a été installée quelque peu au hasard au cours des dernières décennies quand la demande a explosé, avec des lignes souvent posées de façon opportuniste aux côtés de lignes électriques, de routes ou d'autres grandes infrastructures. Mais les sociétés de télécommunication qui possèdent ces lignes, ces compteurs électriques, ces stations de transfert de données et autres composants gardent leurs informations de localisation exactes privées.

 

Barford, un des auteurs de l'étude, a passé des années à la poursuite de la moindre information publique disponible sur les emplacements des dites infrastructures et a cartographié les résultats de ses recherches. Et d'après les résultats obtenus par Barford et son étudiant Ramakrishnan Durairajan, nombre d'infrastructures se trouvent près des côtes.

Quand Carol Barford, une climatologue de l'université du Wisconsin à Madison, a vu les cartes, elle a tout de suite perçu les risques. Sachant que le niveau de montée des eaux n'a cessé d'augmenter ces cent dernières années et que le climat terrestre s'est réchauffé, plusieurs régions côtières sont déjà affectées par ces changements.

Quand les trois chercheurs ont superposé la carte des infrastructures du réseau Internet et celle - prévisionnelle - de la montée des eaux, ils y ont vu des conjonctures. D'importantes parties de ces infrastructures existantes pourraient se retrouver sous l'eau d'ici 15 ans.

Des villes comme New York, Miami, et Seattle pourraient observer une montée des eaux de près de 30 centimètres à l'horizon 2030 — ce qui laisse suffisamment de temps pour repenser les politiques publiques liées aux infrastructures. Les quelques centimètres d'eau supplémentaires pourraient, selon les chercheurs, plonger près de 20 % des infrastructures Internet américaines sous l'eau.

« Les prédictions à 15 ans sont assez fermées », explique Carol Barford says. Une telle inertie entoure les sujets climatiques qu'il n'est rien que les Hommes puissent faire pour empêcher ce phénomène dans un laps de temps aussi court.

 

TOUT EST LIÉ

Les scientifiques, les concepteurs et les entreprises sont depuis longtemps conscients des risques que représente la montée des eaux pour les infrastructures telles que les routes, les métros, les lignes électriques. Mais jusqu'à présent, personne ne s'était intéressé de près aux conséquences qu'elle pourrait avoir sur le réseau Internet physique.

« Quand on considère combien tout est lié aujourd'hui, protéger le réseau Internet est crucial », estime Mikhail Chester, directeur du Resilient Infrastructure Laboratory à l'université d'Arizona. Même les plus petits incidents techniques peuvent avoir des conséquences désastreuses, comme par exemple perturber la signalétique aérienne.

Cette nouvelle étude « renforce l'idée selon laquelle nous devons être conscients de l'état de ces systèmes, parce que cela prendra beaucoup de temps pour les mettre à jour », continue-t-il.

Les chercheurs n'ont pas étudié les conséquences des événements climatiques à court terme comme les tempêtes ou les ouragans sur ces infrastructures, mais ont conseillé aux concepteurs de les inclure dans la conception de modèles alternatifs.

« Nous vivons dans un monde pensé pour un environnement qui n'existe plus, » indique quant à lui Rich Sorkin, co-fondateur de Jupiter Intelligence, une société qui modélise les risques induits par le climat. Accepter la réalité de notre avenir, conclut-il, est indispensable - et ce type d'études ne fait que souligner la rapidité à laquelle nous devrons nous adapter.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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