Robert Koch, chasseur de bactéries et pionnier dans la recherche contre la tuberculose

Robert Koch est l’un des pères fondateurs de la microbiologie. Il a mené des expériences au 19e siècle afin de découvrir la bactérie responsable de trois des maladies les plus mortelles de l’Histoire.

De Raul Rivas
Publication 28 août 2021, 14:13 CEST
R. Koch

Robert Koch regarde à travers un microscope dans son laboratoire, vers 1900.

PHOTOGRAPHIE DE Süddeutsche Zeitung Photo, AGE Fotostock

Qu’elle soit appelée peste blanche ou phtisie pulmonaire, la tuberculose sévit depuis des centaines d’années dans le monde entier. Des textes décrivent sa présence en Inde il y a 3 300 ans et en Chine environ un siècle plus tard. Dans la Grèce antique, Hippocrate la désignait comme « la maladie la plus importante qui prévalait alors ». En 1680, John Bunyan, écrivain anglais, classait la tuberculose comme étant la « capitaine de tous ces hommes de la mort ».

Au 19e siècle en Europe, les épidémies de tuberculose faisaient rage. Environ une personne sur sept en mourrait. Les personnes infectées semblaient dépérir, comme si elles se consumaient. Cette maladie a tant traumatisé la société que ses ravages ont été représentés dans des œuvres d’art majeures de l’époque, notamment l’opéra La Bohème de Puccini, le roman Crime et Châtiment de Fyodor Dostoyevsky ou encore l’Enfant malade, la série de tableaux d’Edvard Munch.

La lutte contre la tuberculose a atteint un véritable tournant le 24 mars 1882, lors d’une réunion de la Société de physiologie de Berlin. Robert Koch, docteur et microbiologiste alors âgé de 38 ans, avait analysé plus de deux-cents préparations microscopiques méthodiquement et minutieusement afin d’identifier la bactérie responsable de la maladie : Mycobacterium tuberculosis. Cette dernière découverte vaudra à Robert Koch l’obtention d’un prix Nobel. Il a été considéré comme l’un des guerriers les plus efficaces dans la lutte de l’humanité contre les maladies infectieuses.

 

UNE PREMIÈRE VICTOIRE

Né en 1843 dans la ville minière de Clausthal-Zellerfeld en Basse-Saxe, aujourd’hui située en Allemagne, Robert Koch était le troisième enfant d’une fratrie de treize. C’était un garçon vif, brillant et curieux. À 5 ans, il a appris à lire seul à partir des journaux laissés dans la maison.

Il a suivi des études de médecine à l’université de Göttingen. Il a obtenu son doctorat en 1866. Il s’est ensuite marié en 1867 et est devenu père en 1868, le tout en travaillant dans plusieurs hôpitaux. En 1870, il s’est porté volontaire pour être chirurgien dans l’armée allemande lors de la guerre franco-prussienne.

À la fin de la guerre, Koch est devenu médecin de district à Wolsztyn, dans l’actuelle Pologne. Ses patients, pour la plupart, des fermiers, mourraient de la maladie du charbon. Cette maladie décimait leurs troupeaux. En 4 ans, 528 personnes et 56 000 animaux sont morts dans cette région.

Malgré les besoins impératifs du cabinet médical qu’il gérait, Koch a aménagé un laboratoire de fortune dans son bureau. Son but était de déchiffrer le mystère de la maladie du charbon.

Son travail se reposait sur les récentes avancées en matière d’épidémiologie. Friedrich Gustav Jacob Henle, l’un des professeurs de Koch à Göttingen, avait soutenu en 1840 que les maladies infectieuses étaient provoquées par de minuscules organismes vivants. Au début des années 1860, Louis Pasteur a prouvé que les maladies se transmettaient par ces petits germes. Toutefois, l’identification et l’isolation des agents spécifiques responsables de chaque maladie semblaient être un rêve lointain.

Tout d’abord, Koch s’est rendu dans des fermes où les infections à la maladie du charbon étaient nombreuses afin d’observer les vaches et les moutons. En quelques jours, il a pu voir comment un animal en bonne santé venait à mourir à mesure que son sang se transformait en une pâte noirâtre. Les personnes proches des vaches et des moutons malades se faisaient infecter à leur tour. Nombre d’entre elles mourraient d’une pneumonie.

En examinant des échantillons du sang noir des vaches mortes au microscope, il a aperçu des structures en forme de grain de riz. Elles n’apparaissaient pas dans le sang des animaux sains. Ces germes étaient en réalité Bacillus anthracis, observé pour la première fois dans les années 1850. À cette époque toutefois, il n’avait pas été prouvé qu’il était responsable de la maladie du charbon.

Le microscope de Robert Koch, lorsqu’il menait ses expériences à Wolsztyn en Polande vers 1872.

PHOTOGRAPHIE DE Akg, Album

Pour déterminer si les bactéries étaient la cause de la maladie, Koch a mis au point ses propres méthodes de test. En premier lieu, il a plongé une écharde de bois dans le sang d’un animal infecté. Il a ensuite réalisé une petite incision à la base de la queue d’une souris et y a inséré l’écharde. Le matin suivant, les rongeurs étaient morts. Lors de la dissection de leur corps, il a observé les mêmes structures en forme de bâtonnet que dans le sang prélevé.

Il en a donc déterminé que ces petites structures jouaient un rôle clé dans la progression de la maladie. En outre, il a pu établir que le sang contaminé ne pouvait infecter de nouvelles victimes que pendant deux jours. À force de recherches, il a pu constater le cycle de vie des bacilles de charbon lorsqu’ils sont actifs et dormants. Ces minuscules cellules développent en leur sein des spores qui peuvent rester endormies dans les sols pendant des années. Lorsque toutes les conditions sont réunies, elles se développent de nouveau en ces cellules mortelles, capables d’infecter les animaux qui broutent aux alentours. Cette découverte a permis d’expliquer pourquoi les animaux de certaines régions sont tombés malades alors que d’autres y ont échappé.

En 1876, après trois ans de dur labeur, Koch a partagé ses résultats avec Ferdinand Julius Cohn, le botaniste en chef de l’Allemagne, et des collègues de l’université de Wrocław. Sur trois jours de présentation, il a exposé le cycle de vie complet de ces bactéries et leur a prouvé qu’elles étaient responsables de la maladie du charbon. L’un des participants a félicité Koch, en stipulant que malgré son manque de formation universitaire, « il a tout fait par lui-même ... [Il a vu] cela comme la plus grande découverte dans la branche des pathologies ». Bien que d’autres scientifiques aient lancé le débat autour de la théorie des germes, l’identification d’une bactérie spécifique comme cause d’une maladie a permis d’inaugurer le domaine de la bactériologie médicale.

 

À LA RECHERCHE DU COUPABLE

En 1880, le gouvernement allemand a ouvert un nouvel institut de recherche bactériologique à Berlin. Koch a été nommé comme responsable. Désormais armé d’un laboratoire totalement équipé et d’assistants de recherche qualifiés, il disposait de meilleures conditions pour continuer sa recherche sur les maladies infectieuses. Dans les mois qui ont suivi, son équipe a perfectionné sa technique permettant d’obtenir des cultures de bactéries pures. Cela a été une avancée majeure, puisque les cultures intactes permettaient de prouver que les bacilles qu’elles contenaient étaient les seuls responsables de la maladie.

Cette technique s’est avérée cruciale dans l’une des découvertes les plus importantes de la carrière de Koch : l’identification de la cause de la tuberculose. Il a commencé à mettre en culture des tissus humains infectés par la tuberculose. Il a ensuite injecté des échantillons de ces tissus dans 217 animaux. En plus de tomber malades, leurs tissus infectés regorgeaient du même bacille que celui présent dans les tissus humains. Le bacille responsable de la tuberculose venait d’être identifié.

Lorsque Koch a présenté ses résultats lors de la réunion de la Société de physiologie de Berlin en mars 1882, non seulement les participants étaient ébahis devant l’identification du bacille par Koch, mais également devant ses avancées techniques. Il avait réussi à utiliser des cultures pures ainsi que des nouvelles méthodes pour colorer les échantillons, permettant de mieux démarquer et identifier les bactéries. Plus surprenant encore, pour la première fois, il avait photographié une bactérie, ce qui lui a permis de partager et confirmer ses résultats.

Alors qu’il étudiait la maladie du charbon, Koch a détecté ces spores vives en forme de goutte dans les échantillons qu’il examinait au microscope. Accompagnées de certaines conditions, ces spores se transforment en bacille du charbon, les sortes de bâtonnets qui provoquent la maladie du charbon. Ces spores peuvent survivre dans les sols pendant des années avant de disparaître.

PHOTOGRAPHIE DE Spl, AGE Fotostock

Koch a poursuivi ses travaux de recherche pour identifier les origines bactériologiques des maladies. En 1883, il s’est rendu en Égypte puis en Inde pour étudier les épidémies de choléra qui faisaient rage. Il avait déjà été déterminé que la maladie se transmettait par les eaux usées. Les techniques de Koch ont permis d’isoler et d’identifier la bactérie. Le scientifique l’a décrite comme « un peu courbée, comme une virgule ». Plus tard, elle a été nommée Vibrio cholerae.

Outre la recherche des origines des épidémies mortelles, Koch pensait pouvoir trouver des traitements. En 1890, il a annoncé avoir trouvé le remède contre la tuberculose. Il a appelé ce médicament la tuberculine. Il avait obtenu cette substance par dérivé du bacille de la tuberculose. Cette nouvelle a donné d’énormes espoirs dans le monde entier.

Malheureusement, la tuberculine s’est avérée être un véritable échec. Au-delà d’être inefficace, elle a contribué à la mort de plusieurs patients. À ce jour, aucun vaccin totalement efficace contre la tuberculose n’a été mis au point. Néanmoins, la tuberculine est devenue un élément crucial dans le dépistage de la maladie.

La tuberculine a été mise au point en 1890 par Robert Roch. Elle devait être un remède unique contre la tuberculose. Bien qu’elle se soit avérée inefficace, elle est aujourd’hui utilisée dans le dépistage des patients.

PHOTOGRAPHIE DE Akg, Album

L’héritage de Koch, quant à lui, était assuré. En identifiant l’origine de la tuberculose, il a rendu son diagnostic possible. De fait, grâce à des normes d’hygiène améliorées, sa propagation s’est ralentie et la recherche de traitement a pu s’intensifier. Les travaux révolutionnaires du scientifique ont également contribué à mettre au point une méthode scientifique précieuse qui pouvait être réutilisée.

Ces critères, connus sous le nom de postulats de Koch, forment une liste de règles à suivre afin d’identifier les agents pathogènes bactériologiques. En premier lieu, le germe doit être retrouvé dans chaque cas de maladie. Ensuite, un échantillon du micro-organisme doit être prélevé d’un hôte infecté et placé en milieu de culture pur. Puis, la bactérie cultivée en laboratoire doit être administrée à un sujet sain, qui doit ensuite présenter la même maladie. Enfin, la bactérie doit être présente chez ledit sujet infecté en laboratoire.

En hommage à tous ses efforts, Koch a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1905. Comme Paul de Kruif le note dans son ouvrage Chasseurs de microbes, Koch a fait évoluer la médecine d’une discipline « ridicule et abracadabrante » à « un combat intelligent où c’est la science, et non la superstition, qui sert d’arme ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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