Variant Omicron : pour l'instant, inutile de paniquer

Ce nouveau variant préoccupant présente un grand nombre de mutations et se propage rapidement, mais de nombreuses inconnues subsistent et les experts sont formels : vaccination et gestes barrières restent à ce jour notre meilleure protection.

De Sanjay Mishra
Publication 1 déc. 2021, 11:43 CET
Des voyageurs équipés de combinaisons intégrales procèdent à leur enregistrement à l'aéroport international de Kuala Lumpur ...

Des voyageurs équipés de combinaisons intégrales procèdent à leur enregistrement à l'aéroport international de Kuala Lumpur (KLIA), le 29 novembre 2021, à l'heure où de nombreux pays ferment leurs frontières et imposent des restrictions de voyage afin de freiner la propagation d'un nouveau variant du SARS-CoV-2 aux multiples mutations : Omicron.

PHOTOGRAPHIE DE Mohd Rasfan, AFP via Getty Images

Les spécialistes nous avaient prévenus : les régions à faible taux de vaccination favoriseraient une évolution rapide du virus à l'origine de la COVID-19, produisant un variant plus transmissible et résistant aux anticorps qui aggraverait la pandémie. Aujourd'hui, leur prédiction semble s'être réalisée.

La semaine dernière, l'Organisation mondiale de la santé a baptisé Omicron un nouveau variant du SARS-CoV-2 classé parmi les variants préoccupants, aux côtés des variants Alpha, Bêta, Gamma et Delta. Omicron a été identifié en Afrique du Sud, où seul 23 % de la population est vaccinée, en partie à cause de la monopolisation des stocks par l'Amérique du Nord et l'Europe. Cependant, à ce stade il est encore difficile pour les scientifiques de se prononcer sur Omicron et son potentiel à aggraver la pandémie de COVID-19. Jusque-là, la plupart des infections perthérapeutiques impliquant ce variant semblent bénignes et personne ne sait à quel point la mutation affectera l'efficacité des vaccins. Quant à savoir si Omicron occasionnera une forme plus sévère de la maladie que le variant Delta, rien ne permet de l'affirmer à l'heure actuelle.

Les premiers résultats en provenance d'Afrique du Sud suggèrent que le variant Omicron serait plus transmissible que ses prédécesseurs : en périphérie de Tshwane dans la province du Gauteng, où Omicron a été détecté le 9 novembre, le variant est passé de moins de 1 % des échantillons collectés à plus de 30 % en l'espace de trois semaines. Aujourd'hui, Omicron représente 76 % de l'ensemble des séquençages du virus SARS-CoV-2 en Afrique du Sud, ce qui en fait le variant prévalent du pays. Il remplace les autres variants plus rapidement que Delta avait remplacé Bêta.

« Ce nouveau variant est le résultat de notre échec dans le contrôle des infections, » déclare Ravi Gupta, microbiologiste à l'université de Cambridge et l'un des plus éminents chercheurs sur la COVID-19.

Omicron partage de nombreuses mutations clés avec les précédents variants préoccupants, mais il présente également une dizaine de nouvelles mutations au niveau de sa protéine Spike (S), la partie essentielle au virus pour infecter les cellules humaines. Au total, le nouveau virus possède 32 mutations dans cette région et les scientifiques craignent que ce nombre élevé n'affecte la capacité des anticorps à neutraliser le variant, ce qui diminuerait l'efficacité des vaccins actuels.

« Sur ce variant, la quasi-totalité des sites de fixation des anticorps actuels présente une mutation, » explique Michael Worobey qui étudie l'évolution des virus à l'université d'Arizona. Par ailleurs, certaines mutations permettraient à Omicron d'infecter plus rapidement les cellules et de se transmettre plus facilement. « Celui-ci est préoccupant, et je n'avais pas dit cela depuis Delta, » déclare Gupta.

« Nous savons qu'il y a de nombreuses mutations, mais nous ne connaissons pas encore leur effet global dans le cas du variant Omicron, » prévient Kei Sato, virologue à l'université de Tokyo. À l'heure actuelle, seules 1 000 personnes ont été diagnostiquées du variant Omicron et les scientifiques ne disposent que d'une poignée d'échantillons et de séquences génétiques en provenance d'Afrique du Sud, ce qui rend difficile pour les experts de tirer des conclusions solides sur la contagiosité d'Omicron et sa capacité à provoquer des formes plus sévères de la maladie.

Sur une note plus optimiste, les anticorps prélevés chez des sujets infectés naturellement puis vaccinés ont démontré leur capacité à neutraliser un virus synthétique de type Omicron en laboratoire. Cela suggère qu'une dose de rappel d'un vaccin à ARNm serait en mesure d'offrir une protection robuste contre Omicron.

 

OMICRON ET SES MUTATIONS

Lorsqu'un individu vacciné rencontre le virus SARS-CoV-2, ses cellules immunitaires produisent des anticorps qui ciblent la protéine Spike, la partie utilisée par le virus pour se fixer au récepteur ACE2 sur les cellules humaines et les infecter. Une fois les anticorps fixés à la protéine Spike, le virus ne peut plus pénétrer la cellule. Puisque cette protéine joue un rôle essentiel dans l'infection, l'ensemble des vaccins actuellement homologués l'utilisent pour entraîner le système immunitaire.

Les 32 mutations présentes sur le gène de la protéine Spike du variant Omicron peuvent être divisées en trois groupes, selon la fonction affectée sur la protéine, explique Olivier Schartz, directeur scientifique de l'Institut Pasteur en France et docteur en virologie.

Certaines mutations renforcent la capacité de la protéine Spike à se fixer sur le récepteur ACE2 ; d'autres aident la surface du virus à fusionner avec la cellule et offrent au virus une porte d'entrée ; d'autres encore modifient l'apparence de la protéine Spike, ce qui entrave son identification et lui permet d'échapper aux anticorps.

Parmi les nombreuses mutations sur la protéine Spike du variant Omicron, la perte des acides aminés aux positions 69 et 70 multiplie par deux la contagiosité du virus original. Par chance, ces deux mutations ne sont pas présentes sur Delta, ce qui rend Omicron facilement reconnaissable par test PCR.

Ravi Gupta de l'université de Cambridge a déjà montré que la suppression de ces acides aminés ainsi qu'une troisième mutation en position 796 sur la protéine Spike étaient à l'origine de la capacité du variant Alpha à échapper au système immunitaire. Cela suggère que ces trois mutations favoriseraient la résistance du variant Omicron à l'immunité conférée par les vaccins ou les infections naturelles et les premiers résultats semblent confirmer cette hypothèse.

« À ce jour, il y a eu plusieurs infections perthérapeutiques, toutes bénignes » déclare Barry Schoub, virologue et conseiller du gouvernement d'Afrique du Sud au sujet des vaccins contre la COVID-19. D'après les experts, il est encore trop tôt pour savoir si Omicron occasionne une forme plus sévère de la maladie, en raison du décalage entre infection et hospitalisation.

Un autre ensemble de mutations aux positions 655, 679 et 681 de la protéine Spike du variant Omicron est perçu comme favorisant l'infection des cellules humaines par le virus. Également présentes sur le variant Mu, ces mutations sont connues pour accroître sa transmissibilité.

D'après une étude non évaluée par les pairs, le variant Omicron partagerait avec Alpha et Mu une mutation qui lui permettrait de se répliquer plus rapidement et de résister au système immunitaire. En outre, une mutation en position 501 également présente chez Alpha, Bêta et Gamma renforce la fixation de la protéine Spike sur le récepteur ACE2, ce qui augmente l'efficacité du virus pour infecter les cellules.

« Nous assistons à la propagation rapide de ce virus au sein d'une population qui présente, selon nos estimations, des niveaux très élevés d'immunité, » déclare Richard Lessells, spécialiste des maladies infectieuses à l'université du KwaZulu-Natal de Durban, en Afrique du Sud. « Voilà ce qui nous préoccupe, » ajoute-t-il. « Omicron pourrait avoir plus de facilité à échapper au système immunitaire que les variants précédents. »

 

ÉTAT DES CONNAISSANCES

Dans la région du Gauteng en Afrique du Sud, les échantillons sanguins suggèrent que 80 % de la population posséderait déjà un certain niveau d'immunité suite à la rencontre avec des variants précédents du SARS-CoV-2. C'est pourquoi les experts font part de leur inquiétude quant à l'émergence rapide du variant Omicron, responsable de 76 % des cas quelques semaines à peine après son apparition. À titre de comparaison, il avait fallu plusieurs mois au variant Delta pour atteindre ce niveau de prévalence.

Le nombre d'hospitalisations dues à la COVID-19 en Afrique du Sud a par ailleurs fortement augmenté au cours du mois dernier, mais rien ne permet de déterminer à l'heure actuelle si cela est dû à une augmentation générale du nombre d'infections ou à l'apparition du variant Omicron.

« Il n'y a pas suffisamment de données disponibles pour tirer des conclusions sur la sévérité du variant Omicron par rapport aux autres variants, » indique Ben Cowling, épidémiologiste à l'université de Hong Kong. Cela provient du fait que la plupart des premiers cas sont des étudiants ou des sujets plus jeunes, qui développent généralement des formes moins graves de la maladie.

Avec les données actuelles, il est difficile de dire si l'avantage du variant Omicron sur le variant Delta est le fruit de sa capacité à échapper au système immunitaire en réinfectant des sujets immunisés ou en infectant des individus qui n'ont pas encore été exposés au virus, explique Tom Wenseleers, biologiste de l'évolution et biostatisticien à la Katholieke Universiteit Leuven en Belgique.

Bien que le nombre de contaminations au variant Omicron ait fortement augmenté en Afrique du Sud, les données disponibles ne permettent pas de déterminer si cette augmentation est entièrement due à Omicron ou à des événements de super-contamination chez les étudiants et les plus jeunes.

Malgré la hausse inquiétante du nombre de cas, les premiers travaux sur le sujet suggèrent que les vaccins et les rappels sont toujours efficaces pour lutter contre le virus, comme en témoigne une étude menée par Theodora Hatziioannou dans son laboratoire de l'université Rockefeller de New York.

Pour cette étude, les chercheurs ont créé une version synthétique du virus contenant la plupart des mutations présentes sur la protéine Spike du variant Omicron. Ils ont ainsi découvert que les anticorps neutralisants des personnes guéries de la COVID-19 puis vaccinées d'une dose de vaccin à ARNm étaient capables de repousser le virus synthétique muté.

Cela dit, il faut attendre deux à trois semaines après l'infection pour que la COVID-19 se développe et que la sévérité de la maladie puisse être évaluée, explique Sanne, ce qui implique qu'il faudra du temps pour déterminer si les vaccins existants tiennent la distance contre le variant Omicron en situation réelle.

En attendant, la meilleure façon d'éviter la contamination au variant Omicron et tout autre variant reste la vaccination du plus grand nombre ainsi que la promotion par le gouvernement des mesures de santé publique, comme la distanciation et le port du masque. « Il est primordial de se faire vacciner, de recevoir le rappel et de porter un masque en public, car les mutations de ce virus entraînent probablement un haut niveau d'échappement aux anticorps neutralisants, » recommande Gupta.

« Le principal moyen de modérer l'émergence de nouveaux variants est de limiter les transmissions, » ajoute Ridhwaan Suliman, chercheur au Council for Scientific and Industrial Research (CSIR) en Afrique du Sud. « Sans réplication, les virus ne pourront pas muter. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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