Ce champignon parasite pourrait-il évoluer pour contrôler les humains ?

Sur les cinq millions d’espèces fongiques connues dans le monde, quelques centaines présentent un danger pour l’Homme.

De Sarah Gibbens
Publication 31 janv. 2023, 15:52 CET
Des sporophores apparaissent sur le cadavre d’un papillon de nuit, tué par un champignon Cordyceps. Le ...

Des sporophores apparaissent sur le cadavre d’un papillon de nuit, tué par un champignon Cordyceps. Le champignon Ophiocordyceps, qui lui est génétiquement apparenté, tue également des insectes, mais uniquement après avoir pris le contrôle de son hôte.

PHOTOGRAPHIE DE Alex Hyde, Nature Picture Library

La fourmi n’est plus maître de son corps. Après s’être éloignée en rampant de sa colonie, elle se suspend de manière précaire à une feuille, attendant la mort. Celle-ci viendra d’un champignon, qui dévore l’insecte de l’intérieur avant de sortir de son crâne pour libérer des spores dans l’air.

« On dirait de sinistres décorations de Noël accrochées dans la forêt », décrit Ian Will, généticien spécialiste des champignons à l’université de Floride centrale, où l’on peut trouver ces fourmis mortes-vivantes. Avec la hausse des températures, les infections fongiques risquent de se multipler.

 

UN CHAMPIGNON PARASITE DES FOURMIS

Si les scientifiques ont identifié environ 35 champignons ophiocordyceps capables de transformer des insectes en morts-vivants, il en existerait cependant 600 espèces, explique João Araújo, spécialiste des champignons parasites au Jardin botanique de New York.

Les individus infectés présentent tout d’abord un comportement erratique et anormal. D’après les scientifiques, le parasite prend le contrôle physique de son hôte en développant des cellules fongiques autour de son cerveau. Il « pirate » alors le système nerveux de l’insecte pour contrôler ses muscles. Ian Will précise que les chercheurs ignorent encore si le champignon y parvient en libérant des substances chimiques ou en modifiant l’ADN de l’insecte.

Ce processus, le champignon le perfectionne sur son hôte spécifique depuis longtemps ; nous n’existions alors pas encore.

« Nous pensons qu’ils évoluent ensemble depuis environ 45 millions d’années », précise João Araújo.

 

UNE INFECTION EST-ELLE POSSIBLE CHEZ LES HUMAINS ?

Pour pouvoir infecter tout autre animal à sang chaud, le champignon devra subir une évolution importante.

« Des millions d’années de modifications génétiques seraient nécessaires pour qu’il infecte vraiment des mammifères », confie João Araújo.

Chaque espèce de champignon parasite ayant évolué pour s’attaquer à un insecte en particulier, les souches uniques n’ont que peu d’effets sur les autres organismes. Ainsi, un cordyceps qui a évolué pour infecter une espèce de fourmi vivant en Thaïlande ne pourra pas infecter une autre espèce de fourmi présente en Floride.

« Si un saut d’une espèce de fourmi à une autre est difficile, imaginer un saut aux humains relève de la science-fiction, estime Ian Will. Mais l’idée selon laquelle la température joue un rôle dans les infections fongiques est tout à fait sensée ».

 

LA MENACE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Même en l’absence d’une menace imminente émanant de ce parasite, de nombreux autres champignons sont à craindre.

On recense des millions d’espèces fongiques dans le monde et plusieurs centaines sont dangereuses pour l’Homme. Seule la température élevée de notre corps nous protège de graves infections fongiques. 37°C, c’est trop pour la plupart des espèces de champignons. Elles préfèrent généralement des températures comprises entre 25 et 30°C pour propager une infection.

« L’une des raisons pour lesquelles nous souffrons de mycose cutanée est que les champignons parviennent à pénétrer entre les plis de la peau. Ce sont des zones humides et sombres, où les champignons peuvent proliférer, car la température y est moins élevée que dans notre corps », explique Shmuel Shoham, spécialiste des maladies infectieuses à l’école de médecine de l’université Johns Hopkins.

« Avec la Terre qui se réchauffe, notre crainte est que l’écart de température entre l’environnement et notre corps diminue », souligne-t-il. Il serait alors plus facile pour les champignons ayant évolué pour supporter les températures extérieures plus chaudes de survivre dans notre organisme.

Les scientifiques pensent avoir identifié une espèce de champignon capable d’infecter les humains qui aurait profité de la hausse des températures : il s’agit de Candida auris.

Inconnue du monde scientifique avant 2007, elle a soudainement été découverte sur trois continents différents en 2011 et 2012.

« Elle est sortie de nulle part », confie Arturo Casadevall, spécialiste des maladies infectieuses à l’école de santé publique Johns Hopkins. « On pense que ce champignon existait déjà et qu’il s’est adapté aux températures plus élevées au fil du temps jusqu’à parvenir à percer ».

Une fois présent dans le sang, le champignon induit des symptômes semblables à ceux d’une infection bactérienne, souligne Shmuel Shoham. Les personnes dotées d’un bon système immunitaire parviennent sans mal à l’éliminer. D’autres sont moins chanceuses : selon les Centers for Disease Control, le taux de décès atteint les 30 à 60 % chez les patients infectés par le champignon. Il est toutefois difficile de déterminer le rôle que Candida auris a joué dans ces décès, puisqu’il ne faut pas écarter l’éventualité que les patients souffraient de problèmes de santé sous-jacents.

Une épidémie fongique semblable à celle de la COVID-19 serait-elle possible ? Pour Arturo Casadevall, rien n’est exclu.

Contemplant cette éventualité, il déclare : « Suis-je inquiet quant à l’émergence d’une maladie inconnue qui infecterait les personnes immunocompétentes ? Bien sûr. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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