Qu’est-ce que les NFT et comment fonctionnent-ils ?

Qu’il s’agisse de leur impact environnemental ou des différentes méthodes utilisées par des escrocs pour faire du profit, voici ce que vous devriez savoir au sujet des jetons non fongibles.

De Michael Greshko
Publication 9 janv. 2023, 18:40 CET
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Des visiteurs admirent une image de la collection « Bored Ape Yacht Club » à la Foire d’art numérique Xperience de Hong Kong, en octobre 2022. Les NFT se sont dernièrement imposés comme de nouveaux véhicules pour l’art numérique et ont vu affluer l’argent d’acheteurs désireux d’investir, de collectionner ou bien de faire étalage de leur fortune.

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOGRAPHIE DE MIGUEL CANDELA, ANADOLU AGENCY / GETTY IMAGES, Anadolu Agency, Getty Images

Depuis quelques années, un nouveau format de fichier numérique promet de révolutionner la façon dont les choses peuvent être détenues, acquises et vendues sur Internet : le « jeton non fongible » que l’on connaît mieux sous l’acronyme NFT. Alors que l’intérêt pour les NFT, qui sont en substance des reçus ou des signatures pour des actifs numériques, ne cesse de croître de par le monde, artistes et éditeurs se sont mis à expérimenter cette nouvelle technologie.

Si vous vouliez en savoir plus sur les NFT, vous êtes au bon endroit.

 

QU’EST-CE QUE LES NFT ?

Pour comprendre les NFT, il est utile de comprendre la technologie qui rend possible leur existence : la blockchain (ou chaîne de blocs).

Les blockchains sont des protocoles informatiques conçus pour obtenir un consensus de plusieurs ordinateurs différents sur la même séquence de transactions sans qu’ils aient à se faire confiance. Plutôt que d’avoir recours à des tierces parties pour vérifier les transactions, les blockchains reposent sur des incitations économiques ainsi que sur la cryptographie pour que la falsification d’une transaction soit coûteuse et facile à repérer. Cette configuration a pour but de permettre à des réseaux informatiques de conserver des bases de données de manière décentralisée, redondante et publique.

Grâce à l’exhaustive tenue de registres des blockchains, les applications développées à partir de ces dernières peuvent générer des bribes de code que l’on peut suivre à la trace en tant qu’entités distinctes et qui peuvent être transférées d’utilisateur à utilisateur. Ces « jetons » peuvent être rendus « non-fongibles », ils ne peuvent alors pas être échangés entre eux.

Plusieurs écrans affichent des images NFT lors de l’avant-première destinée à la presse d’une vente aux enchères organisée par Sotheby’s qui s’est tenue en juin 2021. Le NFT du centre, une variante rare de la collection « CryptoPunks », s’est vendu pour plus de 11 millions d’euros.

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L’idée est que les NFT donnent un caractère de rareté à des objets numériques et créent ainsi une propriété numérique traçable d’un nouveau genre. En principe, un actif numérique tel qu’une image ou une vidéo peut être présent plusieurs fois sur Internet, mais seules quelques versions de ces dernières (voire une seule version) proviennent d’un NFT. (The Walt Disney Company, principal actionnaire de National Geographic Media, vend des NFT. National Geographic Media s’associe d’ailleurs à la plateforme Snowcrash pour proposer la même chose).

Il est important de noter que les NFT ne contiennent pas forcément les données de l’actif lui-même (bien que ce soit le cas de certains), et qu’ils n’impliquent pas non plus nécessairement un transfert de droits d’auteur. La plupart du temps, un NFT contient une URL qui renvoie vers l’actif, qui est quant à lui stocké sur un réseau informatique tiers.

Ces deux dernières années, les NFT ont fait parler d’eux pour les importantes sommes d’argent qu’on a déboursées pour se les octroyer : que ce soit en tant qu’articles de collection, en tant qu’investissements spéculatifs ou tout simplement pour faire étalage de sa richesse. En mars 2021, l’artiste numérique Beeple a vendu aux enchères un NFT pour 58,7 millions d’euros à une société d’investissement cherchant à promouvoir l’art numérique. Le « Bored Ape Yacht Club », une collection de NFT représentant une série de 10 000 primates cartoonesques, a vu sa valeur grimper en flèche début 2022 après qu’un chapelet de célébrités en a fait la promotion. Ces NFT se monnaient désormais pour des dizaines de milliers d’euros.

Fin 2022, les ventes de NFT sur l’année représentaient plus de 11 milliards de dollars (10,3 milliards d’euros), mais sur cette durée, le marché s’est montré extrêmement volatile. Mesuré en dollars, le volume des ventes de la bourse aux NFT OpenSea a chuté de plus de 95 % entre janvier 2022 et novembre 2022, selon des données compilées par la firme Dune Analytics. L’ensemble du marché des NFT et des cryptomonnaies (des « pièces » numériques que les blockchains rendent rares et par conséquent négociables) a subi des pertes s’élevant à 2 000 milliards de dollars en juillet 2022 après avoir connu une augmentation de 3 000 milliards de dollars huit mois plus tôt.

Gauche: Supérieur:

Chez Sotheby’s, un visiteur contemple Creation of My Metaverse (Between this World and the Next), une œuvre numérique sous forme de NFT créée par Serwah Attafuuah. Celle-ci s’est vendue pour près de 25 000 dollars lors d’une vente aux enchères en juin 2021.

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOGRAPHIE DE TRISTAN FEWINGS, GETTY IMAGES FOR SOTHEBY’S, Getty Images for Sotheby's
Droite: Fond:

En février 2022, la start-up Neon a inauguré le premier distributeur de NFT du monde à New York. À la fin de l’été, la machine, qui distribuait des codes d’activation de NFT, avait cessé de fonctionner et Neon s’était détournée du secteur des NFT.

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOGRAPHIE DE MICHAEL M. SANTIAGO, GETTY IMAGES, Getty Images

QUELS USAGES POUR LES NFT ?

Selon les partisans des NFT, ces derniers offriraient aux artistes un nouveau modèle de revenus qui leur permettrait de vendre des images, des vidéos et d’autres actifs numériques sous la forme d’articles à collectionner en ligne ou bien d’œuvres d’art. Ils peuvent également servir à collecter des fonds. L’Ukraine a par exemple levé des dizaines de millions d’euros lors de ventes de NFT aux enchères l’an dernier pour financer son effort de guerre contre la Russie.

À l’inverse des fichiers numériques normaux, les NFT peuvent contenir de minuscules programmes informatiques, qu’on appelle « programmes intelligents », qui parfois peuvent distribuer des royalties à l’auteur d’un NFT quand celui-ci est revendu. Comme les NFT sont uniques et transférables, ils peuvent également faire office de tickets, de justificatifs d’affiliation ou même de registres de crédits-carbone. Dans certains jeux vidéo fonctionnant grâce à la blockchain comme Axie Infinity, les NFT sont des personnages et des objets à part entière dont les joueurs peuvent être propriétaires et qu’ils peuvent même acquérir en donnant de l’argent à d’autres joueurs.

Certains artistes ont bon espoir que les NFT, et le milieu artistique qu’ils ont créé, chambouleront les business models traditionnels du secteur de la création et qu’ils fourniront aux artistes davantage d’aubaines lucratives et équitables. Des artistes utilisent déjà les NFT pour mettre en place des collectifs de fans et de clients : des organisations autonomes décentralisées ou DAO.

Selon les partisans les plus optimistes des NFT, cette technologie pourrait être à la base de notre identité au sein d’un « métavers ». Cette vision du monde prévoit le recours à des « avatars » virtuels pour travailler et jouer au sein d’espaces numériques nombreux et interopérables. Les tenants des NFT imaginent que, de la même façon que nous possédons de vrais objets dans le monde réel, les NFT pourraient faire office d’actes de propriété pour leurs équivalents dans le métavers.

Au-delà de la propriété numérique, la nature décentralisée des NFT signifie qu’on pourrait s’en servir dans la protection des fichiers numériques contre la falsification ou bien pour suivre la chaîne de contrôle des fichiers. En juin, le Starling Lab, un groupe de recherche cofondé par Stanford et la Fondation USC Shoah, a soumis à la Cour pénale internationale un dossier ayant recours à des NFT et à des technologies voisines pour archiver des dossiers concernant les attaques militaires de la Russie sur des écoles ukrainiennes.

 

QUELLES SONT LES CRITIQUES ÉMISES À L’ENCONTRE DES NFT ?

Si les NFT ont attiré une ardente communauté de défenseurs, ils se sont également attiré les foudres de certains.

Tout d’abord, de nombreux usages proposés pour les NFT ne nécessitent pas l’existence des NFT pour fonctionner (par exemple l’affiliation à un club) ou bien n’ont tout simplement pas encore vu le jour. Par conséquent, certains détracteurs voient la prolifération des NFT comme une simple « ruée vers l’or » n’ayant pas grand-chose à voir avec leur technologie sous-jacente.

Il y a ensuite des préoccupations d’ordre technique. La question de la simple faisabilité technique d’un « métavers » interopérable, l’un des cas d’usages des NFT les plus ambitieux, suscite le débat. Si vous avez déjà cliqué sur un lien mort, vous savez qu’il est difficile de conserver un actif numérique en ligne. Les NFT ne contiennent généralement pas d’actifs numériques eux-mêmes. Ainsi, bien souvent, un NFT donné ne sera stable qu’autant que ne le sera l’ordinateur (ou le réseau) qui stocke le fichier de l’actif. Même si l’ordinateur qui stocke l’actif bénéficie d’une maintenance convenable, il est difficile de prévenir l’« érosion des bits », c’est-à-dire la tendance des données à se dégrader au fil du temps. Pour remédier à cela, des développeurs sont en train d’imaginer des moyens de stocker des fichiers sous un format décentralisé et redondant.

À l’instar d’autres jeunes technologies, les NFT ont eux aussi attiré leur lot de personnes mal intentionnées. Des escrocs ont fait gonfler les prix des NFT en s’« arnaquant » eux-mêmes en se vendant des jetons à un prix trop élevé et ont créé et vendu d’innombrables NFT tirés d’œuvres volées. Des projets NFT surgissent avec une régularité alarmante et font entrevoir aux acheteurs une vision à long terme palpitante puis baissent le rideau et s’enfuient avec l’argent des acquéreurs. Le procédé est si répandu qu’il existe un terme pour le nommer : le « rug pulling », littéralement le « tirage de tapis ».

De plus, les escrocs ont pu compter sur l’aide de la blockchain elle-même. Les voleurs de NFT ont fréquemment recours au hameçonnage et à d’autres méthodes pour amener par la ruse leurs victimes à vider leurs porte-monnaie numériques. Lors de la seule année 2022, plus de 100 millions d’euros de NFT ont été volés. Et comme les transactions de NFT sont par nature décentralisées, les transferts illicites ne peuvent pas être annulés par une tierce partie.

En outre, les NFT ont été critiquées pour leur empreinte carbone. La plupart dépendent directement ou indirectement de la blockchain Ethereum qui il y a peu encore était énergivore. Un jour de janvier 2022, une estimation des émissions d’Ethereum excédait par exemple les 135 kilogrammes de CO2 pour une transaction moyenne. Ce qui revient à mettre feu à plus de 60 litres d’essence.

Cependant, en septembre 2022, Ethereum est passé à une architecture fondée sur la « preuve d’enjeu » qui lui a permis de réduire sa consommation d’énergie et ses émissions de CO2 de plus de 99,9 %. Le Crypto Carbon Ratings Institute, firme spécialisée dans l’analyse de données, estime que l’électricité utilisée pour une transaction Ethereum nécessite 0,0063 kilowattheures, soit environ trois grammes de CO2, c’est-à-dire les émissions produites par le véhicule de tourisme américain moyen lorsqu’il parcourt 12 mètres environ.

Grâce à cette baisse drastique de leur consommation d’énergie, les NFT sont pour beaucoup de personnes une bretelle d’accès importante vers le monde des « cryptos » en général. À elle-seule, la blockchain Bitcoin, qui est plus connue, génère des millions de tonnes de CO2 et des milliers de tonnes de déchets électroniques chaque année.

 

QUEL AVENIR POUR LES NFT ?

Actuellement, les NFT subissent les conséquences d’un « hiver crypto », un marché des cryptomonnaies profondément sceptique qui s’est refroidi après les sommets atteints début 2022. Après des milliards d’euros de pertes et de vols, et après l’effondrement de certaines des plus importantes entreprises de cryptomonnaies, les régulateurs du monde entier étudient des façons de classer et de taxer ces actifs.

Malgré tout, les NFT subsistent. Peut-être se passera-t-il ce qu’il s’est passé avec l’éclatement de bulle Internet au début des années 2000, que de nombreuses start-ups des NFT dépériront du fait d’un contrôle intense exercé sur le marché et que les quelques élues qui survivront refonderont le monde numérique.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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