Alaska : ce stratovolcan pourrait bientôt entrer en éruption

Une éruption explosive du mont Spurr pourrait, entre autres, générer des nuages de cendres géants susceptibles de perturber le trafic aérien.

De Robin George Andrews
Publication 13 mai 2025, 08:02 CEST
Depuis un an, le mont Spurr, en Alaska, montre des signes suggérant une possible éruption prochaine. ...

Depuis un an, le mont Spurr, en Alaska, montre des signes suggérant une possible éruption prochaine. Si une éruption survient, elle se produira certainement à Crater Peak, que l’on voit en arrière-plan sur cette photographie prise en altitude.

PHOTOGRAPHIE DE Matt Loewen, Alaska Volcano Observatory, U.S. Geological Survey

Les douze mois qui viennent de passer ont vu le mont Spurr, un volcan d’Alaska, s’agiter nettement : celui-ci gonfle, tremble et laisse échapper des gaz nocifs. À ce stade, cela pourrait suggérer qu’un épisode explosif majeur se profile. Mais la montagne pourrait tout aussi bien être en train d’évacuer un peu de pression de manière bénigne.

Il y a d’ores et déjà une bonne nouvelle si une éruption devait se produire : personne n’habite sur les flancs qui seraient recouverts par des avalanches brûlantes de roches et de vapeur. La mauvaise nouvelle, toutefois, est qu’une éruption de ce type générerait probablement des cendres en surabondance ; et si le vent souffle vers l’est ce jour-là, la ville d’Anchorage, à 130 kilomètres de là environ, en subirait les plus graves conséquences.

« Les retombées de cendres vont représenter un grand danger », indique Matt Haney, directeur scientifique de l’Observatoire des volcans de l’Alaska, un organe de l’Institut d’études géologiques des États-Unis.

Bien que les cendres volcaniques puissent sembler exceptionnellement dangereuses pour les êtres humains, elles le sont moins que ce que l’on pourrait penser. Bien plutôt, les cendres des volcans alaskiens représentent une menace considérable pour les avions, car elles peuvent rapidement faire fondre leurs moteurs et les gripper. Ainsi, une éruption du mont Spurr nécessiterait non seulement de dérouter l’ensemble des vols de la région, mais également de fermer complètement le très fréquenté aéroport international d’Anchorage, ce qui causerait de graves dégâts économiques.

Les périls du mont Spurr pourraient également dépasser la seule menace pour les avions. Selon la quantité de cendres produite et l’endroit où elles chutent, les personnes, les infrastructures et, plus généralement, l’environnement, pourraient être exposés à plus ou moins de problèmes. Voici tout ce qu’il faut savoir sur les raisons pour lesquelles le volcan est si agité et ce à quoi il faut s’attendre en cas d’éruption.

 

SECOUSSES ET TREMBLEMENTS AU MONT SPURR

Le mont Spurr comporte deux bouches éruptives principales : l’une située à son sommet, à 3 353 mètres d’altitude, qui semble scellée depuis des millénaires, et l’autre, non loin de là, nommée Crater Peak, qui a explosé à plusieurs reprises au cours des derniers milliers d’années. La dernière éruption a lieu en 1992 et s’est caractérisée par trois explosions distinctes.

Le Spurr est connu pour être sujet à des secousses sans conséquences. Mais fin avril 2024, la fréquence de ces dernières a augmenté tandis que le volcan a commencé à gonfler ; un phénomène qui voit le sol enfler, littéralement. Les choses se sont calmées à l’été avant de s’agiter de nouveau à l’automne. Et à la mi-octobre, alors que le volcan continuait à gonfler et à trembler de manière assez spectaculaire, l’Observatoire des volcans d’Alaska a émis une alerte : quelque chose d’inhabituel était en train de se produire.

« Une intrusion magmatique fait gonfler le volcan, ce qui provoque des secousses », explique Matt Haney. L’observatoire a élevé son niveau d’alerte aérienne : de vert (activité normale du volcan), il est passé à jaune (le volcan présente des signes d’activité importante). Dit autrement, le volcan pourrait être en train de se préparer à entrer en éruption, et son nuage de cendres mettrait en danger tout avion volant dans les parages.

En 1992, Crater Peak a explosé trois fois. La deuxième explosion, montrée ici, a duré trois ...

En 1992, Crater Peak a explosé trois fois. La deuxième explosion, montrée ici, a duré trois heures quarante et a propulsé un nuage de cendres à une altitude de 13 700 mètres au-dessus du niveau de la mer. Des traces de cendres ont été relevées jusqu’à 227 kilomètres dans la direction du vent.

PHOTOGRAPHIE DE R.G. McGimsey, Alaska Volcano Observatory, U.S. Geological Survey

Tout au long des mois de janvier et février, les tremblements sont restés fréquents (et étaient parfois intenses) et davantage de magma a commencé à s’agglomérer sous Crater Peak. En mars, les choses se sont encore aggravées un peu plus : du dioxyde de carbone et du dioxyde de soufre ont commencé à s’échapper du sommet, tandis que l’on a seulement détecté du dioxyde de carbone autour de Crater Peak. On sait que ces gaz s’échappent du magma à mesure qu’il s’élève et perd sa pression ; ces relevés indiquaient que le magma se trouvait très près du sommet, tandis qu’il se trouvait un peu plus en profondeur en ce qui concerne Crater Peak.

Malgré sa proximité avec le sommet, les volcanologues étaient davantage préoccupés par le fait que du magma soit suffisamment proche de Crater Peak – qui à notre époque est l’évent qui finit par exploser – pour que s’y soit accumulé une quantité certaine de gaz. Tous ces signaux indiquent que « le conduit sous Crater Peak s’est activé », explique Matt Haney.

En mai, les choses se sont légèrement calmées. Les émissions de gaz persistent, mais l’inflation volcanique a un peu ralenti et les tremblements sont un peu moins fréquents. La désescalade devrait se poursuivre. « Une éruption avortée, où le magma s’arrête avant d’avoir atteint la surface, comme cela s’est produit en 2004-2006, est également une possibilité », observe David Fee, volcanologue à l’Université de l’Alaska à Fairbanks.

Autre scénario possible, une reprise de l’activité aboutissant à une explosion, vraisemblablement à Crater Peak. Cela engendrerait probablement un nuage de cendres qui s’élèverait à des milliers de mètres dans les airs.

 

LES RISQUES IMMÉDIATS EN CAS D’ÉRUPTION

Les personnes se trouvant à Anchorage ne seraient confrontées à aucun danger mortel immédiat. « Vous ne vivez pas sur le volcan, vous n’allez pas être submergé par une coulée pyroclastique », rassure Michelle Coombs, géologue à l’Observatoire volcanique de l’Alaska.

Le problème est qu’une explosion (ou une succession d’explosions) à Crater Peak, « chacune durant potentiellement plusieurs heures, engendrerait des nuages de cendres que le vent porterait sur des centaines de kilomètres et des retombées de cendres sur l’Alaska sud-central », explique David Fee.

Avant de retomber du ciel, elles resteront en altitude et tous les avions de la région devront être déroutés au plus vite. Contrairement aux cendres produites par un feu de forêt, celles-ci ne sont pas constituées de matière organique brûlée. La cendre volcanique est dure, tranchante et semblable à du verre. Elle est non seulement abrasive mais également susceptible de fondre à l’intérieur des moteurs à réaction, ce qui peut entraîner la défaillance de ces derniers. Les fenêtres des cabines peuvent être obstruées et érodées, et les circuits électroniques d’un avion peuvent dysfonctionner.

Deux éruptions modernes survenues à Crater Peak (l’une en 1953 et l’autre en 1992) ont été à l’origine de dépôts de cendres à Anchorage. En 1992, l’une des explosions a répandu trois millimètres de cendres dans les rues de la plus grande ville d’Alaska, dont l’aéroport a dû fermer pendant vingt heures. « Ça a été toute une histoire à l’époque. Si cela se produit aujourd’hui, ce sera encore plus grave », annonce Matt Haney, qui souligne combien le trafic aérien dans la ville a augmenté depuis.

Fort heureusement, une éruption du mont Spurr ne ressemblerait pas à l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull en 2010, qui a entraîné la plus importante fermeture de l’espace aérien européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Un épisode explosif à Crater Peak ne durerait que quelques heures, ce qui veut dire que l’espace aérien ne serait affecté que brièvement. Mais l’aéroport international d’Anchorage est le quatrième aéroport de fret au monde. Ainsi, toute interruption serait fortement perturbatrice.

 

COMMENT LES CENDRES VOLCANIQUES PEUVENT (ET NE PEUVENT PAS) METTRE LES HUMAINS EN DANGER

Si la majorité de ces cendres finit par retomber sur Anchorage, cela serait à n’en pas douter désagréable, notamment à cause de leur apparence de mauvais augure. « Cela assombrit le ciel, fait tomber la nuit en plein jour », affirme Matt Haney. Et bien que la cendre volcanique mette rarement en danger la vie humaine, elle peut s’avérer problématique à plusieurs égards.

« La cendre dans l’air constitue un danger respiratoire et peut également irriter les yeux et la peau si exposés », prévient Carol Stewart, spécialiste en santé environnementale post-catastrophes à l’Université Massey, en Nouvelle-Zélande. Les groupes vulnérables, les plus jeunes et les personnes âgées, et les personnes ayant des antécédents de maladies cardiovasculaires ou respiratoires, peuvent ressentir cette irritation plus fortement. Une exposition prolongée peut contraindre certaines personnes à aller à l’hôpital. Mais dans la majorité des cas, l’inhalation de cendres est une nuisance, et non un danger mortel.

En ce qui concerne les autres animaux, « les conséquences de la cendre sur le bétail sont assez similaires aux conséquences sur les humains pour ce qui est des irritations des yeux, de la peau et des voies respiratoires », précise Carole Stewart. De manière peu surprenante, s’ils mangent de la cendre, cela peut avoir des effets nuisibles sur leur santé. « La cendre couvrira également les pâturages, de telle sorte que les animaux auront besoin d’une alimentation complémentaire, et elle peut contaminer leurs sources d’eau. »

Les cendres volcaniques peuvent donner lieu à des coupures de courant, soit en provoqunt des courts-circuits, soit en alourdissant des branches d’arbres au point qu’elles tombent sur des lignes électriques. Souvent, elles couvrent également les toits et, à cause de leur densité, peuvent dans certains cas provoquer un affaissement ou un effondrement des toitures. Mais cela nécessite des volumes remarquablement élevés de cendre, bien plus que les niveaux typiques que produit le Spurr.

C’est peut-être pour les conducteurs que le risque est le plus important. « La cendre sur les routes crée des conditions de conduite dangereuses, prévient Carol Stewart. La cendre entraîne une perte de traction, elle cache le marquage routier et est également soulevée dans l’air, ce qui entrave la visibilité. Les accidents sont plus fréquents après une retombée de cendres. » Les filtres à air des voitures peuvent également rapidement se boucher.

Parce que les cendres contiennent beaucoup de fer et d’aluminium, s’il en tombe des quantités considérables, l’eau peut devenir non potable, sans pour autant la rendre toxique. Le travail nécessaire pour éliminer ces particules de l’eau peut entraîner un arrêt de la production d’eau, tandis que la demande augmente à mesure que les habitants en utilisent pour laver leurs maisons, voitures et allées recouvertes de cendres. « Manquer d’eau représente un bien plus grand risque pour la santé que des changements mineurs dans la composition de celle-ci », prévient Carole Stewart.

 

LES JOURS À VENIR

En définitive, comme le rappelle Matt Haney, la perturbation du trafic aérien est le principal risque lié à une éruption du Spurr chargée en cendres. Si l’on se fie à épisodes explosifs historiques de Crater Peak, les habitants d’Anchorage ne devraient pas être préoccupés par les autres effets, mineurs, des retombées de cendres du volcan.

Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne devraient pas se préparer à y faire face. Selon l’Institut d’études géologique des États-Unis, si des chutes de cendres sont prévues, les habitants devraient rester chez eux, faire rentrer les animaux, couvrir les véhicules et veiller à ce que les personnes atteintes de troubles respiratoires ou cardiovasculaires soient protégées et aient leurs traitements à portée de main. Si vous êtes surpris à l’extérieur, portez un masque ou mettez-vous un tissu sur le nez pour éviter d’inhaler des cendres et cherchez refuge.

À ce stade, on ne sait pas si une éruption est inévitable. Si les scientifiques détectaient une augmentation dans le rythme de l’inflation du volcan, une forte augmentation du dégazage, une fonte importante de la neige et de la glace, et une nuée de secousses suggérant que le magma s’élève et brise la roche sans efforts, « ce serait tout vu », affirme Matt Haney. Alors, l’alerte aérienne passerait au niveau orange, indiquant un potentiel accru d’éruption. Mais même alors, une explosion n’est pas garantie. Et si elle devenait inévitable, l’échéance demeurerait tout de même incertaine : cette intense phase d’agitation pourrait être brève, mais elle pourrait aussi durer plusieurs semaines, voire mois, avant qu’une éruption ne se produise enfin.

Un jour, des cendres projetées par le mont Spurr recouvriront de nouveau Anchorage. Mais ce jour est-il proche ou lointain ? « Pour l’instant, nous sommes en phase d’observation et d’attention », conclut Michelle Coombs.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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