Aujourd’hui disparus, les ours des cavernes se seraient reproduits avec les ours bruns

Il s’agit de la première découverte de ce genre pour une espèce autre que l’Homme.

De Michael Greshko
Ce grizzli, également connu sous le nom d’ours brun d’Amérique du Nord, détecte la nourriture ou ...
Ce grizzli, également connu sous le nom d’ours brun d’Amérique du Nord, détecte la nourriture ou le danger en reniflant l’air. Une partie de l’ADN des grizzlis est issue de l’ours des cavernes, une espèce désormais éteinte qui s’est reproduite avec les ours bruns il y des milliers d’années.
PHOTOGRAPHIE DE Paul Nicklen, National Geographic Creative

L’ours des cavernes a vécu en Europe et en Asie pendant plus d’une centaine de milliers d’années. Il y a 24 000 ans, l’espèce a subi la chasse, le changement climatique naturel et la compétition face aux humains pour posséder un territoire pendant plus d’un millénaire qui a certainement mené à son extinction.

Aucun ours des cavernes ne s’est réveillé de l’ultime hibernation. Toutefois, l’ADN de ces animaux est toujours présent chez les ours bruns : une nouvelle étude vient de confirmer qu’entre 0,9 et 2,4 % de leurs gènes proviennent de l’espèce aujourd’hui éteinte.

Cette découverte a été publiée lundi 27 août dans la revue Nature Ecology and Evolution. Ce n’est que la deuxième fois que des scientifiques découvrent qu’une espèce de l’âge de glace aujourd’hui éteinte partage des gènes avec un cousin vivant. Le premier cas concernait les humains. En effet, entre 1,5 et 4 % de l’ADN des humains qui ne sont pas Africains provient de l’Homme de Néandertal, résultat d’une reproduction entre nos anciens cousins et notre espèce.

« Si l’on en croit toute définition standard, [les ours des cavernes] sont éteints. Toutefois, cela ne veut pas dire que leur patrimoine génétique a disparu. Ils continuent de vivre à travers les génomes de ces ours vivants », a indiqué Axel Barlow, chercheur postdoctoral à l’Université de Potsdam et un des auteurs principaux de l’étude.

L’étude renforce également l’hypothèse selon laquelle certaines espèces se reproduisaient régulièrement avec d’autres. Ainsi, l’ADN des yaks et des dzos partagent quelques similitudes,le résultat d’une reproduction entre les deux espèces. C’est également le cas chez les espèces porcines dont les ancêtres communs ont vécu il y a plusieurs millions d’années. Il existe aussi de rares cas de reproduction entre les ours polaires et les ours bruns. La semaine dernière, des chercheurs ont révélé qu’ils avaient découvert la fille d’une femme de Néandertal et d’un Homme de Denisova. L’hybridation entre différentes espèces d’hominidés était donc peut-être courante.

« Il existe une idée vieillotte selon laquelle une espèce était isolée d’un point de vue reproductif des autres espèces », explique Rasmus Nielsen, généticien à l’Université de Californie qui n’a pas pris part à l’étude. « Ce papier fait partie d’une série d’études qui affirment que cette hypothèse est erronée. »


L’ADN DE L’OURS DES CAVERNES SUBSISTE ENCORE

Avec son équipe, Alex Barlow a voulu déterminer les raisons pour lesquelles les ours des cavernes ont disparu. Pour ce faire, ils ont étudié la façon dont la population de l’espèce a varié. La hausse ou la baisse du nombre d’ours des cavernes a pu être déduite grâce à l’analyse d’ADN prélevé dans l’os de l’oreille de quatre spécimens ayant vécu il y a plus de 35 000 ans.

Dans un premier temps, les chercheurs ont comparé l’ADN des ours des cavernes avec celui des ours polaires et des ours bruns. Bien évidemment, les deux dernières espèces étaient davantage liées entre elles qu’avec les ours des cavernes. Lorsque les scientifiques ont commencé à compter les variantes des gènes individuels, les choses se sont compliquées.

Les génomes des animaux sont si gros qu’une variation due au hasard dans certains gènes est tout à fait probable. Le hasard fait que les mêmes gènes d’espèces vaguement apparentées peuvent se ressembler alors que ceux d’animaux très proches peuvent paraître différents. Si les géniteurs d’un individu sont issus de la même espèce, ces gènes se retrouvent en quantité presque égale. Mais chez les ours, les chercheurs n’ont pas observé cela.

 

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    Une chercheuse tient entre ses mains le crâne d’un ours des cavernes (Ursus spelaeus). Ces ours étaient plus grands que les ours bruns modernes et ils se nourrissaient de plus de plantes.
    PHOTOGRAPHIE DE Andrei Posmoșanu

    « Si nous constatons que les gènes des ours des cavernes et des ours bruns présentent des similarités plus importantes qu’avec les ours polaires, alors quelque chose s’est produit », a indiqué Alex Barlow. « Ce quelque chose, c’est une hybridation entre les deux espèces. »

    En plus d’avoir découvert que les ours des cavernes s’étaient reproduits avec des ours bruns, les scientifiques ont également confirmé que les ours hybrides pouvaient de se reproduire avec des spécimens des deux espèces. En passant au peigne fin les génomes des espèces morceau par morceau, Alex Barlow et son collègue James Cahill  ont découvert que les ours bruns et les ours des cavernes présentaient tous les deux des fragments d’ADN issus de l’autre espèce.

    « Je pense que la reproduction d’ours bruns avec des ours des cavernes n’est pas surprenante et qu’elle est en réalité logique. Les deux espèces se ressemblaient et elles ont vécu à la même période et dans les mêmes régions », a indiqué dans un email Blaine Schubert, paléontologue à l’Université d’État du Tennessee de l’Est. « Mais il ne s’agissait que d’une hypothèse avant cette nouvelle étude. »

    Le patrimoine génétique de l’ours des cavernes qui subsiste encore malgré l’extinction de l’espèce ressemble à l’influence de l’Homme de Néandertal que l’on observe toujours aujourd’hui sur le génome humain. Il existe toutefois quelques différences de taille, comme le révèle les chercheurs.

    Tout d’abord, l’Homme moderne et l’Homme de Néandertal étaient bien plus proches que les ours bruns et les ours des cavernes. L’énorme quantité d’ADN humain séquencé rend aussi beaucoup plus facile l’étude des humains et de leurs proches cousins aujourd’hui éteints. Avec les données limitées à disposition sur les ours des cavernes, il est plus difficile d’analyser si les ours bruns présentent des variantes génétiques issus des ours des cavernes. Chez nous, les humains, l’ADN de nos cousins anciens a notamment une influence sur notre système immunitaire, notre chevelure et notre capacité à vivre en altitude.

    Malgré la faible quantité de données disponibles, Andrew Barlow s’émerveille face à ce que les ours des cavernes peuvent encore apprendre aux scientifiques, des dizaines de milliers d’années après leur disparition. « Je pense que c’est vraiment bien, car cela nous force à penser à la signification de l’extinction d’une espèce d’un point de vue philosophique. »

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