Des nanocapsules téléguidées pour vaincre le cancer ?

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) ont mis au point un système de nanocapsules téléguidées capables d’infiltrer et de détruire certaines cellules cancéreuses de notre cerveau.

De Arnaud Sacleux
Un système de capsules aimantées recouvertes de peptides, un polymère d'acides aminés capable de s'accrocher aux ...
Un système de capsules aimantées recouvertes de peptides, un polymère d'acides aminés capable de s'accrocher aux cellules cancéreuses, a été imaginé par les chercheurs de l'Inserm en collaboration avec l'INSA.
PHOTOGRAPHIE DE getty images via istock

Le glioblastome multiforme est une tumeur cérébrale qui réduit à 15 mois l’espérance de vie du patient atteint. À la lumière des travaux de Joël Eyer, directeur de recherche à l’Inserm, spécialiste des micro et nanomédecines interrogé par National Geographic, un nouveau type de traitement localisé des cellules cancéreuses de notre cerveau a peut-être été trouvé. Les équipes de l’Inserm et de l’INSA ont collaboré sur la mise au point de nanocapsules capables de cibler les cellules infectées du glioblastome multiforme. Si les solutions étudiées vont entrer prochainement en phase de tests, le projet a largement dépassé le stade de ses balbutiements et allie nanotechnologie, médecine nanoscopique et champs magnétiques.

 

DAVID CONTRE GOLIATH

Les chercheurs de l’Inserm, sous la houlette de Joël Eyer, ont trouvé un moyen de lutter contre ce cancer très agressif : les peptides. Ces composants de certains neurofilaments (qui composent eux-mêmes les neurones de notre cerveau) s’avèrent être très efficaces contre les cellules cancéreuses : ils sont capables de les pénétrer tout en épargnant les cellules saines. « Ils sont comme des bras d’arrimage : ils localisent la cellule infectée et s’y accrochent » précise Joël Eyer à National Geographic. Une idée a alors découlé de ces observations. Des nanocapsules thérapeutiques 1 000 fois plus fines que l’épaisseur d’un cheveu et recouvertes de ce peptide pourraient être administrées et téléguidées jusqu’au cerveau afin de combattre les cellules infectées.

Comment conçoit-on ces capsules dont la taille n’excède pas les 5 nanomètres ? « C’est comme une vinaigrette » indique Joël Eyer. « On associe les différents composants de la capsule lipidique puis on les mélange très fort, jusqu’à leur condensation. On applique ensuite un rigidificateur autour de cette goutte ».

 

UN TRAVAIL COLLABORATIF

La question du pilotage de ces capsules jusqu’au cerveau se pose alors. Les équipes de l’INSA ont étroitement travaillé avec l’Inserm afin de mettre au point des solutions crédibles. Une première équipe spécialisée en nanorobotique, emmenée par Antoine Ferreira de l’INSA Centre-Val de Loire de Bourges, mise sur un contrôle magnétique de ces nanocapsules. En installant de nouveaux logiciels sur les machines IRM des hôpitaux et en injectant des molécules d’oxyde de fer dans les nanocapsules, il serait possible de les téléguider par résonnance magnétique jusqu’au cerveau. En clair, les capsules une fois injectées dans le corps seront aimantées et dirigées en temps réel par la machine IRM jusqu’au cerveau, afin que le peptide appliqué autour des capsules localise et attaque les cellules infectées. Une fois accrochées, les capsules « seraient chauffées grâce à l’IRM afin de brûler les tumeurs » ajoute Joël Eyer.

En parallèle, la seconde équipe menée par Gaël Gautier de l’INSA Centre-Val de Loire de Tours a travaillé sur des nanoparticules à base de Silicium Poreux. Sa surface facilement modifiable lui permet d’incorporer différentes molécules comme le peptide et l’oxyde de fer. De plus, ses caractéristiques photo-luminescentes lui permettront d’être facilement localisables une fois administré dans le corps du patient.

 

LES NANOCAPSULES : TRAITEMENT COMPLÉMENTAIRE OU NOUVEAU RECOURS ?

Ce traitement est une nouveauté, indique Joël Eyer. « Si les nanocapsules ne sont pas nouvelles, c’est la première fois que nous sommes associés à des informaticiens, mathématiciens et chercheurs comme Joël Ferreira » qui apportent des réponses complémentaires. L’idée de transformer les IRM en machines d’agrégation de nanocapsules, c’est-à-dire comme moyen de les téléguider, apporte une dimension que n’ont pas ces nanocapsules seules.

Elles ne pourront cependant pas être utilisées dans tous les cas rencontrés de glioblastome. Si la tumeur est localisée et a une taille assez importante (comparable à celle d’une balle de ping-pong), une opération suivie d’une application de gel contenant les peptides suffit. Les capsules seront utilisées en cas de « tumeur diffuse » précise Joël Eyer, si l’IRM a localisé plusieurs petites zones infectées dans le cerveau.

La question de la formation des médecins et de l’équipements des hôpitaux peut aussi être légitime. « La formation des médecins [à l’utilisation du nouveau logiciel IRM] sera assez légère » nous précise Joël Eyer. « C’est comme si vous achetiez un nouveau smartphone. » Il faut le temps de savoir s’en servir. De plus, les hôpitaux sont déjà équipés en machines IRM.

Les premiers tests sur des rats sont prévus pour ce début d’année 2019. Si Joël Eyer se veut optimiste, la réussite de ce projet ambitieux sera une avancée majeure dans la recherche contre le cancer en général. « Ce projet est un véritable défi, car il montrera que le système est très ciblant et très spécifique. Contrairement à la chimiothérapie, dont le traitement est diffus et se répand dans tout le corps, les nanocapsules ne cibleront que les cellules cancéreuses. » Le traitement sera donc plus efficace, puisque 95 % des principes actifs seront dirigés contre les tumeurs. Cela évitera que le corps ne rejette le traitement. Leur lancement, estimé à dans 3 ans, pourrait représenter une véritable révolution dans la lutte contre d’autres types de cancers, comme ceux du foie ou du pancréas.

 

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