Des scientifiques analysent leurs œuvres de science-fiction préférées

Jurassic Park, The Last of Us, Contagion... si la science-fiction tend à exagérer ou à déformer la science à des fins dramatiques, de nombreux films et séries télévisées contiennent bel et bien une part de réalisme.

De Maddie Stone
Publication 5 janv. 2024, 15:11 CET
Illustration 3D d'un vaisseau spatial futuriste isolé se détachant dans la noirceur du ciel.

Illustration 3D d'un vaisseau spatial futuriste isolé se détachant dans la noirceur du ciel.

PHOTOGRAPHIE DE 3000ad / Alamy Banque D'Images

La science-fiction a énormément gagné en popularité ces dernières décennies, comme en témoignent les films Marvel, en tête des recettes du box-office, et le regain d’intérêt du public pour des franchises de longue date comme Star Wars et Star Trek. Mais le public amateur de divertissement n’est pas le seul à aimer la science-fiction : il en va de même pour les scientifiques, nombre d’entre eux admettant que leur choix de carrière a été influencé par les œuvres de science-fiction qu’ils ont découvert étant enfants. 

Et si l'on retrouve une forme de science souvent exagérée si ce n'est parfaitement fictive dans les séries et les films préférés des scientifiques, un certain nombre de ces productions contiennent tout de même une part de réalisme ou un message sur le rôle de la science dans la société, qui fait écho chez les chercheurs.

« Nombre de ces films ou séries tournent autour d’un élément réel », souligne Marshall Shepherd, météorologue et climatologue responsable du programme des sciences atmosphériques de l’université de Géorgie.

Nous avons donc demandé à des scientifiques de démêler le vrai du faux dans les films et les séries les plus populaires.

 

LES CATASTROPHES NATURELLES APOCALYPTIQUES

Marshall Shepherd nous parle d'un film qu’il a apprécié en dépit de ses lacunes scientifiques : Le Jour d’après, un film catastrophe de science-fiction de 2004 dans lequel la circulation océanique de l’Atlantique Nord s’effondre, plongeant le monde dans une nouvelle ère glaciaire. Les conséquences de ce dérèglement (un tsunami géant engloutissant la ville de New York, des tornades à Los Angeles, une chute des températures si brutale que les personnages fuient littéralement une vague de froid pour ne pas geler sur place) sont « extrêmement exagérées », affirme Marshall. 

Cependant, il est bel et bien possible, d’un point de vue scientifique, que ce véritable tapis roulant océanique qui transporte la chaleur autour de l’Atlantique Nord s’arrête un jour, amplifiant des phénomènes météorologiques extrêmes, et faisant basculer le climat de la Terre au-delà d’un point de non-retour. Certains scientifiques craignent d’ailleurs que le changement climatique provoqué par l’Homme ne déclenche un tel effondrement au cours de ce siècle.

 

LE RETOUR DES DINOSAURES

De la même manière, la franchise Jurassic Park alimente l’intérêt du public pour la paléontologie depuis la sortie du premier film en 1993. Comme Le Jour d’après, Jurassic Park et ses suites comportent de nombreuses inexactitudes scientifiques. Mais ces films présentent également des informations clefs sur les dinosaures, explique Gabriel-Phillips Santos, directeur de l’éducation au musée de paléontologie Raymond Alf de Los Angeles. 

Dès le premier film, explique Santos, le T. rex se déplace d’une manière réaliste, la queue dressée et le corps parallèle au sol, alors que la culture populaire avait auparavant représenté le T. rex à la manière de Godzilla, soit debout, la queue traînant derrière lui. Les brachiosaures sont quant à eux représentés en train de sortir de l’eau et de marcher sur la terre ferme, ce qui est en adéquation avec les théories des paléontologues sur l’évolution de leur mode de vie, explique Santos. 

« Nous pensions auparavant qu’ils étaient trop lourds pour supporter leur poids hors de l’eau, et savons désormais qu’il en était tout autre. C’est ce qui a en quelque sorte été montré à l’écran ».

Même si les films ne sont pas irréprochables sur le plan scientifique (les vélociraptors sont beaucoup trop grands et la franchise n’a pas introduit de dinosaure à plumes avant 2022 malgré les nombreuses preuves scientifiques démontrant que de nombreux dinosaures avaient des plumes), Santos explique qu’il peut, grâce à ces productions, atteindre un public qu’il n’aurait pas pu toucher autrement. Santos donne souvent des conférences lors de conventions sur la pop culture, comme le Comic-Con de San Diego, lors desquels il démêle le vrai et le faux dans la franchise Jurassic Park.

« Les références aux dinosaures dans les médias populaires peuvent inspirer le public, explique Santos, et inciter les gens à se rendre dans un musée d’histoire naturelle pour se documenter. C’est super que les gens s’intéressent au sujet. »

 

LES VOYAGES DANS L’ESPACE

La franchise Star Trek, qui a donné envie à de nombreuses générations d’enfants de devenir astronomes et astronautes, mêle, elle aussi, des faits scientifiques à une bonne dose d’exagération. Erin MacDonald, astrophysicienne et conseillère scientifique de Star Trek, explique qu’elle fait souvent référence à Star Trek : Voyager, diffusée de 1995 à 2001, pour expliquer des concepts scientifiques lors de conventions, comme la façon dont la gravité déforme l’espace-temps.

« C’est une série étonnamment scientifique », explique MacDonald.

MacDonald, qui a obtenu son doctorat en étudiant les ondes gravitationnelles avant de s’orienter vers une carrière dans la communication scientifique, a d’abord été engagée sur Star Trek pour trouver une explication scientifique au « Burn », un événement cataclysmique introduit dans la saison 3 de Star Trek : Discovery, au cours duquel tout le « dilithium » actif de la galaxie devient inerte, ce qui rend impossible le voyage en distorsion. 

Le robot humanoïde Sophia est l’un des robots utilisant l’intelligence artificielle les plus sophistiqués à ce jour. Les robots, l’intelligence artificielle, les voyages dans l’espace, les dinosaures et bien d'autres sont des sujets de science-fiction depuis des décennies. Nombre de ces histoires s’inspirent de véritables faits scientifiques. 

PHOTOGRAPHIE DE Giulio Di Sturco, CONTRASTO, Redux

Pour expliquer pourquoi le dilithium, un matériau fictif, cesserait soudainement de se comporter comme il l’a toujours fait dans Star Trek, MacDonald s’est appuyée sur de vrais domaines scientifiques, tels que la physique des particules et l’étude de la matière noire. Aujourd’hui, MacDonald donne ses retours sur toutes les séries Star Trek diffusées ou en production : elle lit les scripts et suggère des changements de langage, écrit les équations qui apparaîtront à l’écran et travaille avec les équipes de postproduction pour les aider à obtenir des images scientifiques correctes. 

 

LES PANDÉMIES MONDIALES

Le thriller Contagion, un film de 2011 sur une catastrophe biologique, a également fait appel à des scientifiques — et cela se voit, à en croire Tara Smith, épidémiologiste à l’université d’État du Kent. Dans ce film, les responsables de la santé publique se démènent pour rechercher et contenir un nouveau virus qui s'est propagé des chauves-souris aux porcs puis aux humains, alimentant rapidement une pandémie mondiale. Smith, dont les recherches portent sur les infections zoonotiques (donc qui passent de l’animal à l’Homme) explique que le virus de Contagion a une voie de transmission très similaire à celle du virus Nipah, qui s’est propagé des chauves-souris aux porcs, puis à l’être humain.

« La pandémie se répand un peu plus rapidement qu’elle ne l’aurait fait dans la vie réelle puisque la quasi-totalité du monde se retrouve contaminée en quelques jours seulement », explique Smith. « La mise au point des vaccins dans le film est également extrêmement rapide. Mais ça reste plus vraisemblable que dans les films sur les maladies infectieuses ».

Smith a également fait l’éloge de la première saison de la série télévisée The Last Of Us, diffusée sur HBO début 2023, pour avoir établi un lien entre le changement climatique et l’émergence d’épidémies de maladies infectieuses d’une manière « assez rigoureuse sur le plan scientifique ». La série dépeint un avenir post-apocalyptique dans lequel une infection fongique mondiale a transformé une grande partie de la population humaine en zombies, provoquant l’effondrement de la société. Les zombies se trouvent « là où la biologie s’arrête », explique Smith. Au début de la série, un scientifique explique que les épidémies de maladies fongiques risquent de se répandre à mesure que la Terre se réchauffe et que les champignons s’adaptent à l’augmentation des températures : un scénario qui tient la route sur le plan scientifique

« J’ai parlé de cette série dans mon cours d’épidémiologie sur les maladies infectieuses l’année dernière pour parler du changement climatique et des maladies émergentes », raconte Smith.

 

L’ESSOR DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Certains scientifiques, comme Janelle Shane, chercheuse en intelligence artificielle, attendent toujours que les scénaristes d’Hollywood décrivent leur domaine de manière réaliste. Si l’IA joue un rôle central dans de nombreuses superproductions cinématographiques et télévisées, de Terminator à Matrix en passant par le récent The Creator et la série Foundation d’Apple TV+, la plupart d’entre elles mettent en scène des robots dotés d’une conscience et d’un niveau d’intelligence comparable à celui de l’être humain.

On est loin des technologies actuelles fondées sur l’IA, comme Siri, l’assistant vocal d’Apple, ou les logiciels qui commandent les voitures autonomes. Si certaines formes d’IA générative, comme ChatGPT, peuvent écrire des essais et raconter des blagues qui semblent étonnamment humaines, il s’agit en réalité de simples programmes optimisés pour accomplir une tâche ou un ensemble de tâches spécifiques de façon très convaincante.

« L’IA dans la science-fiction est une IA qui ressemble à une personne, ou qui est du moins aussi intelligente qu’une personne, même si elle a une vision du monde et des objectifs différents », explique Shane. « L’IA du monde réel est beaucoup plus limitée. »

Shane a noté l'apparition de quelques exemples d’IA réaliste dans de récents romans de science-fiction, comme Sourdough de Robin Sloan. Le livre est centré sur Lois Clary, une ingénieure en informatique employée dans une entreprise de robotique qui s’efforce d’apprendre à un bras robotique à effectuer des tâches spécifiques « et qui rencontre un ensemble de problèmes très réalistes », raconte Shane. Soudain, sa vie est bouleversée lorsque ses frères lui offrent un démarreur de levain sensible et lui demandent de le garder en vie.

« C’est un livre agréable à lire », soutient Shane. « Surtout si vous pouvez vous procurer une bonne miche de pain au levain pour accompagner votre lecture. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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