Et si l’Everest n’était pas le plus haut sommet du monde ?

Une nouvelle méthode de mesure des montagnes relance de vieux débats – et pourrait établir une nouvelle hiérarchie des sommets les plus impressionnants de la planète.

De SOREN WALLJASPER
Photographies de Keith Ladzinski
Publication 27 sept. 2025, 09:03 CEST
L’Annapurna, au Népal, se dresse à 8 091 m au-dessus du niveau de la mer. Il ...

L’Annapurna, au Népal, se dresse à 8 091 m au-dessus du niveau de la mer. Il se classe ainsi au dixième rang des plus hauts sommets du monde. Mais il existe nombre de manières de mesurer une montagne et, d’après une nouvelle méthode, l’Annapurna pourrait bien surpasser l’Everest.

PHOTOGRAPHIE DE Keith Ladzinski

Retrouvez cet article dans le numéro 313 du magazine National Geographic

Le 29 mai 1953, à 11 h 30, Edmund Hillary et le sherpa Tenzing Norgay foulaient le sommet de l’Everest. Le Népalais avait attaché à son piolet quatre drapeaux – ceux de son pays, des Nations unies, de la Grande-Bretagne et de l’Inde –, qui claquèrent au vent quand il les brandit vers le ciel. Les trente années précédentes, au moins soixante-quinze alpinistes avaient tenté d’atteindre ce sommet. Aujourd’hui encore, l’ascension d’Hillary et de Norgay est considérée comme l’une des plus grandes prouesses de l’histoire. Et pour cause : en 1856, l’arpenteur général des Indes britanniques avait déclaré que l’Everest était le plus haut sommet sur Terre.

Mais… s’il n’en était rien ? Si notre définition de la taille d’une montagne – ce que sa hauteur signifie réellement et l’importance qu’on lui accorde – n’était pas aussi objective qu’on pourrait le penser ? La mesure des montagnes est sujette à débat depuis aussi longtemps que nous nous employons à les gravir – ou presque. Et la dernière méthode de calcul en date, mise au point par un jeune mathématicien, pourrait bien modifier notre regard sur le « toit » du monde.

Cette méthode s’appelle le « jut ». Son concepteur, Kai Xu, était en voyage dans la Sierra Nevada, en Californie, quand il a réalisé que calculer la hauteur d’un relief à partir du niveau de la mer n’était peut-être pas l’approche la plus intéressante. L’étudiant de Yale, alors âgé de 19 ans, trouvait assez impressionnant la façon dont la Sierra semblait s’élever abruptement du fond de la vallée. Et il se dit qu’il devait y avoir un moyen de quantifier une telle grandeur. Son périple lui inspira deux choses. D’abord, il élabora une équation qui, grosso modo, mesurait la hauteur d’un sommet depuis des points de vue en contrebas et corrigeait celle-ci selon les angles d’observation. Puis, à l’aide de Google Earth, il détermina le point où cette valeur corrigée était la plus élevée pour chaque relief. Et il la nomma le jut (« saillie », en anglais) d’une montagne ; en moins d’une semaine, il obtint le jut d’environ 200 000 d’entre elles.

Kai Xu créa un site web pour partager sa méthode, et le jut, qui rallia un certain nombre de fans, souleva un débat sur ce qui fait l’importance d’une éminence. Ainsi, l’Everest, avec ses 8 849 m, n’a qu’un modeste jut de 2 223 m – ce qui le classe à la quarante-sixième place des sommets les plus impressionnants. En revanche, toujours dans l’Himalaya, l’Annapurna Fang, plus petit que l’Everest de 1 202 m, affiche un jut de 3 412 m, qui en fait le pic le plus remarquable du monde.

Le Chimborazo, en Équateur, est un exemple de la variabilité des mesures des montagnes. Moins élevé ...

Le Chimborazo, en Équateur, est un exemple de la variabilité des mesures des montagnes. Moins élevé en altitude que l’Everest, il est souvent défini, du fait du renflement équatorial, comme le sommet le plus proche des étoiles.

PHOTOGRAPHIE DE Keith Ladzinski

Kai Xu n’est que le dernier représentant d’une longue lignée de scientifiques et d’aventuriers à remettre en question l’orométrie, discipline dédiée à la mesure des reliefs. Au ive siècle av. J.-C., le philosophe et géographe grec Dicéarque aurait eu recours à un instrument rudimentaire, le dioptre, pour évaluer l’altitude de sommets hellènes. Au xie siècle, l’érudit persan Al-Biruni utilisa la trigonométrie pour obtenir des mesures plus précises. Des siècles plus tard, les explorateurs européens y recoururent encore quand ils s’aventurèrent autour des Andes. À 6 267 m d’altitude, le Chimborazo, en Équateur, fut tenu pour le plus haut sommet du monde quand le naturaliste allemand Alexander von Humboldt l’escalada en 1802. Puis ce titre revint au Sajama en Bolivie, avant d’échoir à l’Aconcagua en Argentine.

C’est aussi en 1802 que les Britanniques lancèrent le Grand Relevé trigonométrique de l’Inde, qui allait durer soixante-dix ans et convaincre les cartographes que l’Himalaya n’avait pas de rivales. Des équipes traversèrent les jungles chargées de théodolites, d’imposants intruments d’optique pesant plus de 450 kg, et créèrent un réseau de stations de surveillance de plus de 2 575 km. Ces travaux jetèrent les bases des méthodes modernes de mesure de la surface de la Terre.

George Everest, qui dirigea cette mission pendant vingt ans – mais ne vit sans doute jamais la montagne qui allait porter son nom –, avait engagé Radhanath Sikdar pour l’occasion. C’est ce mathématicien indien qui a calculé l’altitude de l’Everest et déclaré qu’il surpassait le Kangchenjunga, autre sommet himalayen brièvement tenu pour le toit du monde. Mais, alors que l’alpinisme gagnait en popularité (et devenait matière à compétition) au xxe siècle, les débats s’enflammèrent sur ce qui fait vraiment la « grandeur » d’une montagne. Dans les années 1960, l’alpiniste américain Terris Moore plaidait que, compte tenu du renflement équatorial de notre planète, il serait plus juste de mesurer une altitude à partir du centre de la Terre. Le Chimborazo, disait-il, deviendrait alors le plus haut sommet.

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