La COVID-19 peut-elle provoquer du diabète ?

De nouvelles études ont démontré que le virus responsable de la COVID-19 pouvait attaquer le pancréas, détruire les cellules qui produisent l’insuline et, dans certains cas, engendrer du diabète.

De Bill Sullivan
Publication 14 juin 2021, 16:37 CEST
insulin

L’insuline est l’hormone qui régule le taux de glucose dans le sang.

PHOTOGRAPHIE DE Klaus Ohlenschlaeger, Alamy Stock Photo

À l’été 2020, des médecins de New York, l’épicentre de l’épidémie aux États-Unis à l’époque, ont remarqué que le taux de sucre dans le sang d’un nombre considérable de patients hospitalisés à cause de la COVID-19 était trop élevé. Cette condition, l’hyperglycémie, est une des caractéristiques principales du diabète.

« [Mes collègues et moi-même] avons trouvé qu’il était très difficile de contrôler la glycémie de certains patients atteints de la COVID-19, même pour ceux ayant déjà un passif avec le diabète », explique Shuibing Chen, biologiste des cellules souches à la Weill Cornell Medicine. Encore plus surprenant, certains patients qui ne souffraient pas de diabète avant l’infection ont développé des manifestations de la maladie après avoir guéri de la COVID-19.

Le SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19, est principalement connu pour faire des ravages dans les poumons et provoquer une sévère détresse respiratoire. Le développement soudain d’une maladie chronique telle que le diabète chez un patient atteint de la COVID-19 reste un véritable mystère. Personne ne sait estimer combien de personnes doivent ou devront faire face à une telle complication.

Une analyse au niveau mondial menée en 2020 par Thirunavukkarasu Sathish, chercheur en santé des populations à l’université McMaster au Canada, a démontré que 15 % des patients atteints d’une forme grave de la COVID-19 ont également développé du diabète. Toutefois, il admet que « ce nombre est probablement plus élevé chez les personnes à risques, les prédiabétiques par exemple ». Une étude menée en 2021 par Paolo Fiorina, un endocrinologue à la Harvard Medical School, a rapporté que sur 551 patients hospitalisés suite à la COVID-19 en Italie, près de la moitié sont devenus hyperglycémiques.

Peter Jackson, biochimiste à l’école de médecine de l’université Stanford, estime que « près de 30 % des patients atteints d’une forme grave de la COVID-19 pourraient développer du diabète ».

Intrigués par le lien surprenant entre la COVID-19 et le diabète, Mme Chen et M. Jackson ont tous deux lancé des enquêtes indépendantes pour découvrir comment le SARS-CoV-2 pourrait induire une hyperglycémie. Les deux groupes ont publié leurs résultats dans le numéro de mai de la revue Cell Metabolism.

« Leurs conclusions offrent un aperçu essentiel des mécanismes sous-jacents par lesquels la COVID-19 peut conduire au développement d’un diabète chez les patients infectés », déclare Rita Kalyani, professeure associée de médecine à la Johns Hopkins Division of Endocrinology, Diabetes, and Metabolism. Elle n’a pas pris part aux nouvelles études.

 

LE PANCRÉAS : L’AUTRE CIBLE DU VIRUS

Les conséquences du SARS-CoV-2 sont très différentes selon les cas. De nombreuses personnes ne souffrent que de symptômes mineurs mais d’autres développent une maladie grave et potentiellement mortelle. À mesure que le virus s’est répandu, il est devenu clair qu’il pouvait se propager au-delà des poumons et endommager d’autres organes essentiels, comme le foie, le cœur et les reins. En outre, il a vite été découvert que le diabète et l’obésité étaient deux facteurs de risque pour le développement des formes graves.

Qu'est-ce qu'un virus ?

Dans une étude antérieure, le groupe de Mme Chen a cultivé divers types de tissus en laboratoire pour tester lesquels étaient les plus vulnérables au virus. « Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous avons trouvé que les cellules bêta pancréatiques étaient très permissives à l’infection au SARS-CoV-2. » Le pancréas, situé derrière notre estomac, est un organe complexe composé de nombreux types de cellules qui aident à la digestion. Il renferme des cellules bêta qui produisent de l’insuline, l’hormone qui achemine les molécules de glucose présentes dans le sang vers les cellules du corps où il est utilisé pour produire de l’énergie.

Néanmoins, même si un virus peut infecter des cellules cultivées en laboratoire, il n’agira pas nécessairement de la même manière dans l’organisme. Il était nécessaire de s’assurer que les observations faites en laboratoire étaient similaires aux processus qui surviennent dans le corps humain. De fait, les deux équipes ont étudié des échantillons de cellules en provenance des patients autopsiés ayant succombé à la COVID-19. Les deux groupes ont détecté le SARS-CoV-2 dans les cellules bêta du pancréas chez ces patients décédés.

La question reste désormais de savoir comment un virus respiratoire peut se propager des poumons au pancréas. Après une pneumonie, l’infection des parties inférieures des poumons peut engendrer des lésions des tissus. Par conséquent, le virus pourrait s’échapper des alvéoles pulmonaires et infecter les vaisseaux sanguins, explique M. Jackson. « Une fois dans la circulation, le virus peut pénétrer dans d’autres tissus très vascularisés comme le pancréas, le cerveau et les reins. » D’autres estiment que le virus peut infecter le système sanguin en s’échappant de l’intestin, une situation qui pourrait se produire chez les patients dont les bactéries intestinales sont faibles.

 

COMMENT LE VIRUS FREINE LA PRODUCTION D’INSULINE

Les deux équipes de chercheurs ont remarqué que les cellules bêta infectées par le SARS-CoV-2 arrêtaient leur production d’insuline. Dans l’étude de Peter Jackson, les cellules bêta infectées mourraient par apoptose, un processus par lequel les cellules malades programment leur autodestruction.

Le groupe de Shuibing Chen, quant à lui, a découvert que les cellules bêta infectées subissaient un processus dénommé transdifférenciation. Elles se transforment en un autre type de cellule, incapable de produire de l’insuline. Il est possible que certaines cellules bêta subissent une transdifférenciation et que d’autres s’autodétruisent.

Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : lorsque le virus de la COVID-19 attaque les cellules pancréatiques, la production d’insuline diminue.

Cette situation peut mener à un diabète de type 1. Généralement causé par des facteurs de risques génétiques, il déclenche une réaction auto-immune qui attaque et détruit les cellules bêta. Ce type de diabète se manifeste plus souvent en début de vie et oblige les patients à s’injecter de l’insuline puisque leur corps ne produit plus cette hormone. La réaction auto-immune du diabète de type 1 est généralement engendrée par un facteur environnemental, comme une infection.

En revanche, le diabète de type 2, bien plus courant, survient lorsque l’organisme devient résistant à l’insuline qu’il produit. Ce diabète peut être traité par un changement d’alimentation et du sport. Dans certains cas, des traitements renforçant la sensibilité à l’insuline sont nécessaires.

Il est essentiel d’étudier plus en détail le sort des cellules bêta infectées car il existe peut-être des solutions pour empêcher leur destruction chez les patients atteints de formes graves de la COVID-19. L’équipe de Mme Chen a étudié un grand panel de molécules dans l’espoir d’en trouver une capable d’éviter la survenue du processus de transdifférenciation.

 

DES TRAITEMENTS POSSIBLES

L’étude a permis d’identifier un composé chimique appelé trans-ISRIB. Il aide les cellules bêta à conserver leur identité et leur capacité à produire de l’insuline, même infectées par le SARS-CoV-2. Le trans-ISRIB a été découvert en 2013. Il permet d’éviter la réponse habituelle des cellules face au stress. Ces produits sont étudiés dans le cadre du développement de traitements qui permettraient d’éviter les apoptoses.

« Trans-ISRIB n’est pas un médicament approuvé par la FDA, donc il ne peut pas encore être administré aux patients », prévient Mme Chen. « Mais nos études appuient l’idée qu’un nouveau médicament pourrait être mis au point pour empêcher la COVID-19 de provoquer du diabète. » Le groupe de M. Jackson a révélé que la neuropiline 1, un récepteur protéique, était essentielle au SARS-CoV-2 pour infecter les cellules bêta. Bloquer ce récepteur permet d’éviter l’infection.

La communauté scientifique se penche également sur le développement de médicaments permettant d’empêcher les cellules de s’autodétruire par apoptose. Des composés expérimentaux appelés inhibiteurs des caspases sont en cours d’étude. En évitant la mort programmée des cellules, ils pourraient constituer des traitements potentiels pour soulager ou prévenir les formes graves de la COVID-19. Malheureusement, les inhibiteurs des caspases ne montrent pas de résultats vraiment probants lors des essais cliniques, malgré tout l’espoir et l’intérêt porté autour de ces molécules. Toutefois, « ils pourraient fonctionner pour une exposition à court terme afin de limiter les dommages causés par le virus », déclare M. Jackson.

Mme Chen ajoute que le SARS-CoV-2 n’est pas le seul virus à menacer le pancréas. « Il a également été prouvé que le virus Coxsackie B, les rotavirus, le virus ourlien et le cytomégalovirus peuvent infecter et endommager les cellules bêta. La possibilité qu’ils soient une cause directe du diabète de type 1 est controversée. » Davantage de recherches sont nécessaires afin de déterminer s’il est possible de neutraliser les attaques virales sur le pancréas, que ce soit en bloquant l’infection ou en empêcher le virus d’atteindre l’organe concerné.

Mme Kalyani précise que ces études « soulignent encore plus l’importance de se faire vacciner contre la COVID-19. Les individus qui contractent la COVID-19, notamment les prédiabétiques ou ceux présentant des facteurs de risques au diabète, devraient prévenir leur médecin s’ils développaient des symptômes d’hyperglycémie. Il peut s’agir d’une envie fréquente d’uriner, d’une soif excessive, d’une vision trouble ou d’une perte de poids inexpliquée ».

Ces nouvelles découvertes rappellent qu’il reste beaucoup à apprendre sur la COVID-19 et ses séquelles. Il est clair que pour certaines personnes, moins chanceuses que d’autres, guérir du virus n’est que la première étape. D’autres complications peuvent survenir en fonction des systèmes touchés dans l’organisme lors de l’infection virale.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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