Le métier le plus dangereux du monde ? Soudeur sous-marin

Les soudeurs sous-marins, ou scaphandriers, sont essentiels au bon fonctionnement des industries du pétrole et du gaz. Entre électrocution et noyade, voici comment ces professionnels font face aux très nombreux risques du métier.

De Avery Schuyler Nunn
Publication 25 mars 2024, 17:39 CET
À plus de 18 mètres de profondeur, un étudiant s’exerce à la soudure sous-marine dans le sud ...

À plus de 18 mètres de profondeur, un étudiant s’exerce à la soudure sous-marine dans le sud de la France. Les soudeurs-plongeurs sont confrontés à des risques liés notamment à la pression élevée de l’eau et à la faible visibilité.

PHOTOGRAPHIE DE Alexis Rosenfeld, Getty Images

Si vous entendez « plongée sous-marine », vous pensez certainement aux vacances et à l’observation de toutes sortes de faunes et de flores marines dans des eaux turquoise de paradis tropicaux. Cependant, à des dizaines de mètres de profondeur se cache un autre monde, bien loin des baignades relaxantes le long des récifs ensoleillés : celui de la soudure sous-marine.

« Nous assurons le bon fonctionnement du monde au-dessus de l’eau, en effectuant le travail difficile sous la surface », explique Joseph Purvis, ancien soudeur sous-marin. « J’ai été très fier de faire partie de ce monde exaltant et éprouvant pendant six ans. »

Les nombreux dangers de ce métier attirent l’attention des médias depuis des années, si bien qu’une nouvelle tendance a récemment vu le jour sur les réseaux sociaux : des jeunes se filment en train d’annoncer avoir accepté un emploi de soudeur sous-marin à leurs proches afin de capturer leurs réactions, souvent pleines de surprises et d’incrédulité, cette activité étant devenue célèbre pour son haut niveau de spécialisation et pour les risques qu’elle implique. La soudure sous-marine mérite-t-elle sa réputation ?

 

UN MÉTIER PRÉSENTANT DE NOMBREUX DANGERS

Les soudeurs sous-marins, aussi appelés soudeurs-plongeurs ou scaphandriers, plongent avec un équipement spécialisé conçu pour résister aux difficultés inhérentes à l’environnement des eaux profondes. Lorsqu’ils sautent du bateau pour rejoindre le lieu de leur mission, ils sont vêtus d’une épaisse combinaison, étanche ou non, et portent un casque doté d’un système de communication intégré afin de rester en contact avec leur équipe en surface. Plusieurs méthodes de descente peuvent être pratiquées en fonction de la profondeur et de la durée de la mission.

« Dans le cas d’une plate-forme pétrolière, le premier plongeur descend sous l’eau directement depuis la plate-forme, et établit une ligne de descente, une corde d’à peine plus d’un centimètre qui remonte jusqu’au bateau », décrit Purvis.

Les plongeurs s’agrippent ensuite à la corde et se laissent tomber jusqu’au fond de l’eau.

« Même les meilleurs plongeurs sportifs peuvent se perdre complètement sous l’eau », poursuit Purvis. « Si l’on se trompe de direction et que l’on oublie la direction empruntée, on risque de ne plus savoir différencier la gauche de la droite, ou le haut du bas. »

La source d’oxygène des soudeurs-plongeurs n’est pas une bouteille de plongée classique ; elle ressemble davantage à une sorte de cordon ombilical. Un tuyau transfère du gaz respiratoire depuis la surface jusqu’au point de contrôle des plongeurs, un peu comme un astronaute qui reste attaché à son vaisseau lorsqu’il marche sur la Lune. Ils descendent avec des électrodes et des torches à la main, spécialement conçues pour les inspections et les réparations sous-marines.

Le simple fait de travailler sous l’eau présente de nombreux défis qui requièrent une certaine expertise. Comme pour toute plongée, l’augmentation de la pression de l’eau, si elle n’est pas gérée correctement, peut entraîner de graves problèmes physiologiques tels que la narcose à l’azote ou un accident de décompression.

La faible visibilité accentue ces difficultés, car les scaphandriers travaillent souvent dans des eaux troubles et peu lumineuses, et ont ainsi plus de difficultés à identifier les éventuels dangers et obstacles auxquels ils pourraient faire face. Lorsqu’ils soudent, certains plongeurs gardent même les yeux fermés pour rester calmes, la réparation ne peut ainsi s’effectuer que grâce à leurs sensations.

« Si l’eau est trouble, essayer de voir ne fait que gaspiller de l’énergie », explique Purvis. « La plupart du temps, il fait totalement noir, et le travail repose de toute façon sur le ressenti. »

L’électrocution représente un autre danger important, car les sources d'électricité peuvent envoyer des courants électriques dans les eaux environnantes. De plus, le soudage à des températures extrêmement élevées (5 500 °C et plus) provoque la séparation des molécules d’hydrogène et d’oxygène de l’eau, et si la proportion d’hydrogène atteint un niveau trop élevé par rapport à l’oxygène, des explosions plus ou moins importantes peuvent se produire.

Pour atténuer ces risques, les soudeurs s’appuient sur une formation approfondie, un équipement spécialisé, une communication constante avec les équipes qui restent à la surface, et des outils de soudage adaptés.

La peur fait malgré tout partie intégrante du processus, confie Purvis, qui a souvent effectué des plongées de plus de dix heures d’affilée dans le cadre de son travail, et qui a perdu une partie de son petit doigt lors d’une mission.

« La peur est naturelle. Si un plongeur vous dit qu’il n’a jamais eu peur, il vous ment. On doit lutter contre les courants pendant les missions, et la plupart des plongeurs perdent un ou deux doigts à cause d’une pièce qui leur a écrasé la main. »

 

UNE PROFESSION EN PLEINE ÉVOLUTION

Le soudage sous-marin devra certainement toujours être effectué par des humains, plutôt que par des machines ; selon les experts, ce travail est tout simplement trop complexe.

« C’est un savoir-faire », affirme Kevin Peters, soudeur sous-marin et directeur des services environnementaux chez Subsea Global Solutions. « Il faut vraiment s’y consacrer, avoir des compétences et de la pratique, de la même manière qu’un peintre ou un musicien doit s’exercer pendant 10 000 heures pour exceller. »

Le travail peut également varier en fonction des missions.

« La plupart des travaux de soudage sous-marins sont des missions de réparation et, dans la plupart des cas, si un robot était là, le processus devrait n’être que semi-automatique », explique Uwe Aschemeier, ingénieur en soudage primé. « Les réparations dans le domaine du soudage ne sont pas linéaires ou constantes, des humains sont nécessaires pour évaluer et concevoir chaque réparation. »

Les scaphandriers travaillent dans un certain nombre de secteurs, des compagnies pétrolières qui construisent des plates-formes offshore aux constructeurs de navires qui doivent effectuer des réparations sous-marines. Cette méthode s’est imposée comme une meilleure alternative au carénage des bateaux, qui nécessite de les sortir de l’eau, car elle permet d’économiser du temps et des ressources tout en garantissant des réparations efficaces. Particulièrement crucial dans les industries du pétrole et du gaz, le soudage sous-marin permet de maintenir l’infrastructure des grands navires, des réacteurs nucléaires, des pipelines et des plates-formes pétrolières offshore.

Pour limiter la menace du changement climatique, les entreprises du secteur de l’énergie doivent abandonner progressivement les combustibles fossiles ; certains scaphandriers ont donc trouvé du travail dans le secteur des énergies renouvelables.

Après avoir travaillé dans la soudure, Purvis s’est réorienté vers le secteur des panneaux solaires et des batteries.

« J’ai trois enfants et je voulais qu’ils me voient passer à l’industrie des énergies renouvelables », explique-t-il, « afin de ne pas seulement puiser dans la terre et dans les ressources disponibles de notre planète, mais d’utiliser des ressources naturelles pour produire de l’énergie. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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