Endotest : la question de son remboursement au cœur des débats
La Haute Autorité de Santé vient d'autoriser sous certaines conditions l’accès à l’Endotest, qui participe à poser le diagnostic de l’endométriose de manière non invasive. La décision fait réagir, jugée trop restrictive par les associations de malades.
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Deux millions de personnes en souffriraient en France, soit une personne menstruée sur dix selon l’Inserm. Pourtant, l’endométriose reste une maladie peu connue. Elle n’est entrée qu’en 2020 dans le programme des études de médecine, et les patientes attendent en moyenne dix ans que le diagnostic soit posé.
Il y a deux ans, la startup lyonnaise Ziwig a créé avec une équipe d’experts et d’ingénieurs en Intelligence artificielle, le test salivaire Endotest. Il permet, à partir d’un auto-prélèvement salivaire puis d’une étude en laboratoire, de poser un diagnostic en dix jours avec « une fiabilité proche de 100 % » selon une étude de 2021, conjointement financée par Ziwig et le Conseil Régional d’Île-de-France. L'échantillon de salive est séquencé à haut débit, puis étudié dans un laboratoire de biologie médicale par un algorithme conçu par Intelligence Artificielle. Celui-ci analyse des milliers de biomarqueurs, c’est-à-dire des molécules qui portent une information, afin de repérer les 109 microARN porteurs de la maladie.
Le test est aujourd’hui commercialisé dans une dizaine de pays d’Europe et du Moyen-Orient. Il a obtenu le label européen CE, et le prix Galien en 2022.
Plus rapide et moins invasif, Endotest pourrait révolutionner la détection de l’endométriose. Jusqu’ici, il fallait passer par des examens lourds comme la cœlioscopie pour diagnostiquer la maladie. Les symptômes de l'endométriose apparaissent en même temps que les premières règles et ne disparaissent, en général, qu’après la ménopause. Cette maladie gynécologique chronique démarre dans la sphère utérine mais peut se déployer, par la suite, dans tout l’organisme.
Le directeur de la société Ziwig, Yahya El Mir, définit l'Endotest comme une « innovation de rupture » : « On a le moyen aujourd’hui d’éradiquer complétement l’errance diagnostique, de manière extrêmement simple et non invasif, la technologie est là ».
LE RAPPORT DE LA HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ
Restée durant deux ans prudente quant à l’efficacité du test, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu son verdict dans un rapport paru le lundi 8 janvier 2024. Elle y rend son évaluation sur « l’efficacité et l’utilité clinique du test diagnostique salivaire Endotest », en vue de son remboursement.
Si elle reconnaît « le caractère innovant » et les « performances diagnostiques » de ce test, la HAS estime que les données restent « trop préliminaires pour accorder un avis favorable au remboursement de droit commun ». « Vous ne pouvez pas généraliser à tous les patients les performances que vous aurez objectivées sur une population particulière », explique Cédric Carbonneil, chef de service de la HAS.
Elle souhaite aussi éviter que le test soit perçu comme « simple et rapide », et soit donc réalisé de façon inappropriée. Il a en effet un coût non négligeable : environ 800 euros par test. Toutefois, Cédric Carbonneil assure que l’étude menée par la HAS n'a pas pris en compte les enjeux budgétaires pour rendre sa décision, cette question relevant de l’Assurance maladie.
Malgré tout, la HAS propose d’inclure le remboursement du test sous conditions, dans le cadre de son « forfait innovation ». Des patientes âgées de 18 à 43 ans pour lesquelles l’endométriose est « fortement suspectée », pourront bénéficier d’un accès encadré au test avec une prise en charge dérogatoire, conditionnée à la réalisation d’une étude sur son utilité.
« L’avantage du forfait innovation, c’est qu’à partir du moment où vous le commencez jusqu’au moment où vous avez une décision favorable par l’Assurance maladie, vous avez une continuité de prise en charge », précise Cédric Carbonneil.
Le test est pour l’instant préconisé en troisième intention, après des examens cliniques et IRM : « On aura toujours besoin de l’imagerie », déclare le chef de service de la HAS.
Dans les recommandations pour la pratique clinique de l’endométriose, publiées en 2017 par la HAS et le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France (CNGOF), il est distingué trois formes principales d’endométriose : superficielle, ovarienne et pelvienne profonde. Le test n’est pas capable aujourd’hui de détecter de quel type il s’agit. Il peut toutefois répondre à d’autres questions, qui vont au-delà du diagnostic : « Par exemple, si la patiente a un surrisque d’infertilité », indique Yahya El Mir.
Après l’obtention et l’étude des données, la HAS statuera « dans un délai raisonnable » sur le remboursement pérenne de l’Endotest.
UNE DÉCISION CONTESTÉE
Le rapport de la HAS ne fait pas l’unanimité : « la parole des patientes n’a pas forcément été entendue », déplore Priscillia Saracco, directrice de l’association ENDOmind. « Le forfait innovation est très complexe, et pas si accessible pour les patientes ». Selon elle, « il y a une question budgétaire, c’est évident. […] Mais ce n’est pas parce qu’on ne diagnostique pas une personne qu’elle n’est pas malade ».
Elle ajoute : « Il y a aussi une question d’accessibilité. Une femme qui habite en Ardèche ne pourra pas passer une IRM dans un centre spécialisé avec un radiologue formé aussi facilement qu’une femme qui habite à Paris. La question des déserts médicaux est bien réelle ».
Le diagnostic est en effet très important d’un point de vue médical, mais aussi financier. Une fois établi, il peut changer beaucoup de paramètres dans la vie quotidienne d'une personne malade : « il y a une compréhension de ce qu’on peut mettre en place, de ce qu’on peut faire. Et en premier lieu sur les aides sociales », explique Priscillia Saracco. En effet, une fois diagnostiqués, certains types d’endométriose peuvent justifier le dispositif de l’ALD (Affection Longue Durée), selon plusieurs critères. Celui-ci permet le remboursement à 100 % des soins et traitements liés à la maladie. En dehors de l’ALD, le diagnostic permet de disposer de taxis conventionnés, d’un meilleur suivi et de participer à des ateliers d’éducation thérapeutique. « Il y a la reconnaissance des proches aussi, qui est très importante », souligne Priscillia Saracco.
Cédric Carbonneil justifie la décision prise par la Haute Autorité de Santé : « l’endométriose et la santé des femmes de manière plus générale, sont une des priorités de la HAS. […] Pour autant, il est important que nous soyons à même de vérifier si le test atteint bien sa cible. Il est essentiel que l’on ne se trompe pas ».
Ce rapport n’est donc pas définitif. En fonction des études menées par la HAS sur l’efficacité du test, un remboursement à plus grande échelle pourra être envisagé.