Un cœur de porc pour un humain ? Ce médecin a rendu cette hypothèse possible
Le chirurgien Muhammad Mansoor Mohiuddin est un pionnier dans le domaine émergent de la xénotransplantation, la transplantation d’organes d’une espèce à une autre... dans son cas, du porc à l’homme.

Muhammad Mansoor Mohiuddin, photographié par Jonas F. Karlsson à l’université du Maryland, à Baltimore.
Cet article fait partie de la série de portraits National Geographic 33.
Les tragédies sont parfois propices aux avancées. C’est ce qui s’est passé début 2022 au centre médical de l’université du Maryland. Muhammad Mansoor Mohiuddin et Bartley Griffith ont expérimenté un procédé de greffe révolutionnaire sur David Bennett Sr, 57 ans, souffrant d’une défaillance cardiaque incurable. Alors que les pénuries d’organes condamnent des milliers de patients chaque année, le chirurgien a envisagé d’utiliser le coeur d’un porc génétiquement modifié pour minimiser les risques de rejet.
L’opération, réalisée en 2022, fut un succès, mais David Bennett est mort deux mois après, à la suite de complications.
Pour autant, les « xénogreffes », réalisées d’une espèce à une autre, offrent d’incroyables perspectives. Du porc à l’homme, il n’y a en effet que dix gènes à modifier.

Muhammad Mansoor Mohiuddin, photographié par Jonas F. Karlsson à l’université du Maryland, à Baltimore.
Muhammad Mansoor Mohiuddin est un pionnier dans le domaine de la xénotransplantation, c’est-à-dire la transplantation d’organes d’une espèce à une autre, et fait autorité en matière de greffes de cœurs de porc sur des humains. Il reconnaît qu’il s’agit encore d’une spécialité naissante : Mohiuddin n’a réalisé cette procédure qu’une seule autre fois, en 2023.
Ce patient-là, Lawrence Faucette, est également décédé, cette fois quarante jours après l’opération, lorsque son système immunitaire a rejeté la greffe. Mais chaque transplantation, chaque échec, rapproche un peu plus Mohiuddin de son rêve : réussir une xénogreffe et faire en sorte qu’un jour, toute personne ayant besoin d’une greffe de cœur puisse en recevoir une.
Au départ, les expériences de Mohiuddin consistaient à transplanter des cœurs de hamster à des rats. Ensuite, ce furent des cœurs de rat chez des souris, puis des cœurs de porc chez des babouins et des chimpanzés - des primates génétiquement proches des humains. Alors pourquoi ne pas utiliser les singes pour les transplantations humaines ? « Ce que nous avons découvert, c’est que, bien que les chimpanzés et les autres primates non humains soient plus proches de l’homme, le VIH a été transmis », explique Mohiuddin. De plus, il faut vingt ans à un singe pour atteindre sa maturité et que son cœur atteigne une taille suffisante pour fonctionner dans un corps humain adulte.
Il a découvert que les porcs représentaient une voie prometteuse : une truie donne en moyenne naissance à dix porcelets, et les porcs génétiquement modifiés peuvent être élevés rapidement. Et même si la physiologie du porc est très différente de celle de l’humain, les avancées en matière d’édition génétique ont permis de rendre les porcs viables comme donneurs d’organes. Les jeunes porcs utilisés dans les procédures de Mohiuddin possèdent environ 30 000 gènes, dont seulement 10 ont été modifiés afin de rendre leur cœur apte à la transplantation. Il précise que ces modifications visent principalement à empêcher que le cœur ne soit rejeté par le système immunitaire humain ; il détermine aussi quelles modifications sont nécessaires pour éviter que le cœur de porc ne continue de grandir une fois implanté dans la cage thoracique du patient. En outre, Mohiuddin a mis au point un protocole inédit d’immunosuppression, conçu pour surmonter le rejet du cœur transplanté.
Certaines personnes peuvent trouver l’idée de tuer des porcs pour leurs organes répugnante, mais Mohiuddin estime que cette pratique peut répondre à un besoin supérieur. « Quand il s’agit de sauver une vie », dit-il, « cela passe avant toute autre considération. »
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic d'avril 2025. S'abonner au magazine.
