Médecine personnalisée : vers un vaccin contre le cancer ?

Les études sont optimistes. La stratégie : utiliser les défenses naturelles de l’organisme pour lutter contre les tumeurs et fabriquer un vaccin sur-mesure.

De Julie Lacaze
PHOTOGRAPHIE DE Pan American Health Organization PAHO, Pixabay CC0

Depuis cinq ans, l’immunothérapie a révolutionné les traitements du cancer. La stratégie : utiliser les capacités du système immunitaire à lutter contre les tumeurs. Aux prémices de ces nouveaux traitements, une découverte fondamentale : 30 % des patients développent une réaction immunitaire naturelle en présence d’une tumeur ; mais en se développant les cellules tumorales inhibent cette action protectrice. Résultat : elles se développent sans entrave dans l’organisme démuni.

Pour lutter contre ce phénomène, le Professeur Éric Tartour, directeur d’une équipe Inserm au centre de recherche cardiovasculaire de Paris, explique que « des premiers essais cliniques, en 2012, ont montré que des anticorps (les anti-PD-1 et anti PDL-1) réactivent le système immunitaire du patient, en levant l’inhibition induite par les checkpoint inhibitor de la tumeur ». Des traitements à base d'anticorps anti-PD-1, comme le Nivolumab ou le Pembrolizumab, et d'anticorps anti-PD-L1 comme l’Atezoluzumab, le Durvalumab ou l’Avelumab, sont aujourd’hui utilisés pour soigner une quinzaine de cancers (mélanome, lymphome hodgkinien, cancer du poumon, cancer du rein, cancer de la vessie, cancer ORL, cancer de l’estomac, etc.).

Dans le cas du mélanome, un cancer de la peau très virulent et difficile à soigner, ces traitements peuvent entraîner des améliorations persistantes pendant 5 à 6 ans ; entre 25 et 30 % des patients atteints par le cancer du poumon répondent, eux aussi, favorablement aux traitements. Mais ces soins sont extrêmement coûteux : « environ 50 000 euros pour une année de traitement », précise le spécialiste.

Mécanisme d'action des anticorps ciblant les "checkpoint inhibitors".
PHOTOGRAPHIE DE Pr Éric Tartour

Paradoxalement, ce sont souvent les cancers les plus virulents, comme celui de la peau, du poumon ou de la vessie, qui activent le mieux le système de défense naturelle de notre corps. Les causes respectives de ces cancers (les UV, le tabac et les molécules toxiques) provoquent d’importantes mutations des cellules, que l’organisme détecte. Même chose pour les cancers résultant de virus, comme le papillomavirus, responsable du cancer du col de l’utérus, ou le virus de l’hépatite B, responsable du cancer du foie. Mais dans le cas de tumeurs moins mutées ou non viro-induites, la stimulation du système immunitaire par la cellule tumorale est moins efficace.

Que faire alors pour les 70 % restants, pour lesquels l’immunité n’est pas naturellement activée ? Les chercheurs ont eu l’idée de développer des vaccins pour stimuler artificiellement la réponse immunitaire contre la cellule tumorale. Au début, la technique n’était pas très efficace, comme le reconnaît le Professeur Éric Tartour : « Un premier essai contre le cancer de la prostate offrait une espérance de vie prolongée de 4 à 5 mois uniquement, pour un coût de traitement de 80 000 euros. »

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    Mais de nouveaux vaccins à l’étude sont prometteurs. Deux équipes, américaines et allemandes, ont publié le 5 juillet dernier dans la revue Nature les premiers résultats d’essais cliniques de vaccins contre le mélanome. Leur objectif : une vaccination sur-mesure. On séquence l’ADN de la tumeur du patient pour mettre en évidence les gènes mutés. Associées à un adjuvant, comme pour un vaccin classique, 10 à 12 molécules mutées, dérivées de ces gènes, sont ensuite injectées aux patients (ce genre de thérapie individualisée révolutionne la médecine, lire notre reportage). Puis on donne aux patients les traitements ciblant les checkpoint inhibitors, pour éviter l’inhibition secondaire de la réponse immunitaire par la tumeur. Selon Éric Tartour, « avec le couplage de ces deux techniques, qui pourraient s’étendre à d’autres types de cancers, certains patients ont connu une régression complète de leurs tumeurs ou une stabilisation de leur état. Mais il s’agit d’études cliniques pilotes, cela reste à confirmer sur de plus grandes cohortes de patients. »

    Des effets secondaires sont à signaler : environ 10 % des personnes souffrent de maladies auto-immunes suite à ces traitements. Une donnée à mettre en perspective avec l’espérance de vie des patients, souvent courte, dans le cas des mélanomes. Les modes d’administration du vaccin sont également à l’étude : « Les recherches que nous avons menées à l’Inserm nous orientent vers une meilleure administration par voie nasale pour mieux cibler la réponse immunitaire dans les tumeurs du poumon ou les cancers ORL », ajoute le directeur du programme. Autre obstacle : le coût. Pour développer ces « vaccins sur-mesure », il faut d’abord qu’un laboratoire pharmaceutique s’y retrouve financièrement et que la méthode ne soit pas trop onéreuse pour la Sécurité sociale.

    En attendant, il existe déjà des vaccins de prévention, remboursés, qui permettent d’éviter les infections virales (papillomavirus, hépatite B), responsables de 6 à 7 % des cancers. Aujourd'hui, moins de 20 % de la population française est vaccinée contre ces agents pathogènes associés au développement de cancers.

     

    Le Professeur Éric Tartour de l’université Paris Descartes est chef du service immunologie à l’hôpital Georges Pompidou et directeur de l'équipe "Immunothérapie et traitement anti-angiogénique en cancérologie", à l'unité 970 "Paris - centre de recherche cardiovasculaire (PARCC)".

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