Ménopause : pourquoi en parle-t-on si peu ?

Trop souvent considérée comme une pathologie, la ménopause est un passage obligatoire et naturel de la vie d’une femme. Certaines expertes luttent pour que l’accompagnement médical et les connaissances autour de ce sujet se démocratisent.

De Margot Hinry
Publication 12 mai 2022, 16:29 CEST

Modèle d'une molécule d'estriol, l'une des nombreuses hormones stéroïdes œstrogènes produites par les glandes sexuelles des mammifères. 

PHOTOGRAPHIE DE theasis par Istock

En 2021, le Dr Louise Newson, spécialiste de la ménopause et médecin généraliste britannique a interrogé 3 800 femmes de Grande-Bretagne pour une enquête sur les impacts de la ménopause. Face aux symptômes parfois insoutenables de la périménopause ou préménopause, 1 femme sur 5 interrogées aurait laissé passer une opportunité d’être promue au travail.

Par ailleurs, 99 % des personnes interrogées ont déclaré que la périménopause et la ménopause avaient eu un impact négatif sur leur travail. Plus de la moitié (59 %) disent avoir dû prendre des congés et 18 % ont dû s’absenter pendant plus de 8 semaines.

La ménopause et les symptômes qui l’accompagnent auraient, selon l’enquête, fait démissionner 12 % des 3 800 personnes interrogées. Le manque d’efficacité, le manque de concentration et la mauvaise qualité du travail en résultant, sont majoritairement cités dans les raisons des arrêts de travail.

« La ménopause correspond à l’arrêt de fonctionnement des ovaires » précise le Dr Nasrine Callet, gynécologue à l’institut Curie. Concrètement, c’est la période de la vie d’une femme pendant laquelle les règles s’arrêtent progressivement, puis définitivement. Les ovaires cessent de sécréter les hormones d’œstrogènes et de progestérones et cessent de former un ovule, chaque mois.  

Elle est précédée d’une période de périménopause, qu’encore trop peu de femmes connaissent et détectent facilement, d’après Sarah Davies, co-fondatrice et directrice de Talking Menopause, au Royaume Uni. « Près de 70 % des femmes ne reconnaissent pas encore les symptômes de la périménopause. Beaucoup de femmes ont des symptômes pendant la quarantaine, mais ignorent si l’anxiété, la fatigue, les pertes de mémoire, sont liées à leur train de vie, au travail, aux adolescents à gérer, ou bien s’il s’agit de la ménopause ». Selon l’experte, cela s'explique par un manque de connaissances et d’informations transmises par les professionnels de santé.

Cette période qui précède la ménopause se caractérise par une baisse du niveau d’œstrogènes. « La périménopause correspond au moment où les ovaires commencent à se fatiguer. Ils travaillent quand même, mais pas correctement. On a nos règles, parfois les ovaires ne travaillent pas du tout, parfois ils fonctionnent mal. […] Cela dépend de la réserve ovarienne de chaque femme » explique Nasrine Callet.

L’âge moyen de l’arrivée de la ménopause chez les femmes varie. Elle intervient généralement entre 45 et 55 ans, mais la variation de l’âge moyen entre femmes peut aller jusqu’à 14 ans d’écart. Certaines ménopauses précoces apparaissent entre 40 et 45 ans. « Avant 40 ans, on parle d’insuffisance ovarienne primitive qui provoque des infertilités, qu’il faut examiner » ajoute la professeur Micheline Misrahi-Abadou, référente nationale pour les infertilités génétiques chez la femme et l’homme à l’hôpital Bicêtre-APHP de la Faculté de Médecine Paris Saclay. En moyenne, la ménopause est vraiment « installée » dans le corps lorsque l'on a pas eu ses règles depuis une année, hors périodes d'aménorrhée liées à une ou des grossesses.

« On s’aperçoit qu’il y a un impact génétique très important pour la ménopause. Il y a 85 % de concordance entre l’âge de la ménopause d’une mère et celui de sa fille. Donc en interrogeant sa mère, on peut à peu près savoir si on fera partie de la ménopause tardive ou plutôt jeune ». Micheline Misrahi-Abadou précise qu’en moyenne, une femme n’est plus fertile environ 10 ans avant sa ménopause. Il est important de préciser qu’en périménopause, il est toujours possible de tomber enceinte, même si les chances sont plus minces, puisque la qualité des ovocytes est diminuée.

Dès la naissance, une femme perd des ovocytes. « On parle d’1 million d’ovocytes à la naissance et 400 000 à la puberté. On pense que c’est justement lors du processus de maturation de ces ovocytes que tous ceux qui étaient de mauvaise qualité vont être éliminés. À la ménopause, il y en aura moins de 1 000, ce qui est insuffisant pour une grossesse. La qualité des ovocytes diminue de manière accélérée après 35 ans. […] Mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut plus avoir d’enfant » précise Micheline Misrahi-Abadou.

 

SYMPTÔMES ET ACCOMPAGNEMENT

Afin de réduire ces effets secondaires, un traitement hormonal substitutif basé sur des hormones naturelles peut être prescrit. « C’est l’unique traitement efficace contre tous les symptômes » étaye Nasrine Callet, en précisant que toutes les personnes ne peuvent pas l’utiliser. Pour les personnes ayant eu une ménopause précoce, ou une chimiothérapie, parfois, d’autres traitements peuvent soulager les symptômes, même si ceux-ci sont moins efficaces, selon la gynécologue. « À base de phytothérapie, acides aminés... l’acuponcture peut aussi être une bonne alternative. Contre les sécheresses [vaginales et dessèchement de la peau], les traitements locaux avec crèmes et ovules peuvent être prescrits ».

« Quand les niveaux d’œstrogènes tombent, ce sont les montagnes russes. À un moment tout va bien, et une minute après on a envie de pleurer, ou l’on devient irritable, sensible, notre peau est parfois sèche, ou bien nos cheveux tombent, c’est vraiment un mélange de symptômes. Dans un monde idéal, il faudrait que les femmes, vers la fin de leur trentaine, soient alertées et informées à propos de la périménopause. Il ne s’agit pas uniquement de considérer les traitements hormonaux, mais aussi de revoir son mode de vie. Faire plus de sport, revoir sa nutrition, être accompagnée » complète Sarah Davies.

Les symptômes varient selon chaque personne. De manière générale, les bouffées de chaleur sont très récurrentes. « Elles correspondent à la thermorégulation du corps liée à notre cerveau. C’est l’un des premiers effets, puis plus progressivement, on peut observer une sécheresse de la peau et des muqueuses, puisque le corps ne reçoit plus d’hormones ». Sécheresse vaginale, perte de cheveux, vertiges, frissons, tremblements, perte de mémoire soudaine, sueurs abondantes, fortes fatigues : la liste des effets secondaires de cette phase de dérèglements hormonaux est longue.

Nasrine Callet préconise de passer une radio en période de préménopause afin de savoir si la patiente doit suivre un traitement pour renforcer les os. En effet, « un symptôme plus tardif qui peut également survenir face à l’absence d’œstrogènes, c’est le risque de ne pas bien fixer le calcium sur les os et de faire de l’ostéoporose à long terme ».

Le Royaume-Uni connaît actuellement une pénurie de traitements hormonaux, « l’oestrogel », fortement prescrit dans le pays aux femmes ménopausées. Rachat d'une entreprise, pénurie de l’adhésif utilisé pour appliquer le patch : depuis 2018, les pharmacies alertent sur le manque d’approvisionnement face à la hausse de la demande. « Beaucoup de femmes l’utilisent ici au Royaume-Uni et malheureusement, peu de médecins sont au courant des alternatives en termes de traitements. C’est compliqué pour les femmes de trouver des médecins qui proposent des alternatives » rapporte Sarah Davies. Les discussions et l’accès aux informations sur les traitements existants ont augmenté ces dernières années en Grande-Bretagne, notamment grâce aux travaux d’étude du Dr Louise Newson et des centres comme celui de Sarah Davies, « Talking Menopause ».

Chez certaines femmes, les symptômes sont invivables, des témoignages parlent notamment de pensées suicidaires, « certaines femmes achètent des ordonnances sur le marché noir ou empruntent les ordonnances d’amies afin d’obtenir des traitements contre les symptômes » affirme Sarah Davies.

Certaines études sont menées par des scientifiques et des expert.e.s concernant l’impact de la ménopause sur le cerveau et le psychique. « La clé, c’est bien évidemment la recherche, mais c’est aussi l’éducation de la communauté médicale » affirme l’experte britannique Sarah Davies. Les différentes expertes interrogées sont unanimes et encouragent les femmes à accueillir la ménopause comme quelque chose de positif, en étant suivies, entendues et accompagnées. « Nous vivons dans une société patriarcale, la ménopause est vécue comme une pathologie, alors que ça ne l’est pas du tout. Cela peut avoir certains avantages » souligne Nasrine Callet. « On est plus libre, on n’a plus de règles, on n’a plus besoin de contraception. » 

« Sur un temps évolutif, le fait de ne plus avoir de risque de grossesse à partir d’un certain âge a, d’une part, permis de préserver la vie des femmes, et d’autre part, cela permettait aux grands-mères de s’occuper des petits enfants et donc aux mères de jouer un rôle social important. C’était des combattantes, des chasseuses, des cultivatrices. Finalement, ça a été quelque chose de bénéfique pour l’espèce humaine » conclut Micheline Misrahi-Abadou.

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