Que faire lorsque de la moisissure apparaît sur vos aliments ?

Non, couper la partie moisie pour garder le reste n'est pas toujours une bonne idée...

De Leah Worthington
Publication 13 nov. 2023, 16:54 CET
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La décision de conserver ou de jeter des aliments moisis n'est pas toujours aussi évidente que nous le pensons. Bien que la présence de moisissure sur un aliment indique souvent que celui-ci ne peut plus être consommé, il existe des exceptions.

PHOTOGRAPHIE DE Jon Snedden, Camera Press, Redux

Vous vous êtes offert une barquette de framboises hier et ces dernières commencent (déjà) à s’abîmer. Que faire ? Ce serait un gâchis de toutes les jeter, alors peut-être envisagez-vous de simplement retirer celles qui présentent des traces de moisissures. Pas si vite.

Aussi inoffensives que puissent paraître ces quelques taches poudreuses, les moisissures d’origine alimentaire peuvent en réalité être à l’origine de toute une série de problèmes de santé, d’indigestions à des lésions rénales, voire, dans les situations les plus extrêmes, à des cancers.

Bien entendu, toutes les moisissures ne mettront pas votre santé en danger ; la plupart de celles que vous pouvez voir sur vos aliments sont même inoffensives. Cependant, il est pratiquement impossible de distinguer visuellement celles qui sont sans danger de celles qui pourraient vous rendre malade. Certaines moisissures d’origine alimentaire peuvent même ne pas être visibles du tout à l’œil nu.

Dans ce cas, un peu d’entretien ménager peut s’avérer particulièrement utile : de l’hygiène de votre cuisine à la conservation de vos aliments, voici un guide d’expert des meilleures pratiques pour prolonger la durée de vie de vos aliments et protéger ainsi votre système digestif.

 

EXPLICATIONS

Les moisissures sont partout : sur les surfaces, dans l’air, dans le sol. De la saumure acide contenue dans les jus de cornichon aux traces noires qui décorent les joints des carreaux de votre salle de bain, ces colonies peuvent se développer jusque dans les environnements les plus défavorables.

Selon Elisabetta Lambertini, chercheuse à l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition, bien que capables de survivre dans des environnements moins adaptés, les moisissures préfèrent largement les environnements chauds, humides et riches en nutriments. Ce pain au levain fumant ou cette confiture d’abricot à moitié mangée dans votre placard constituent donc un véritable buffet à volonté pour ces organismes affamés.

Les moisissures se reproduisent en libérant des nuages de spores microscopiques, c’est pourquoi elles peuvent se déplacer dans tous les endroits accessibles grâce au vent et à l’eau. Une personne moyenne inhale entre 1 000 et 10 milliards de spores par jour. Des milliards de spores flottent ainsi autour de nous, et les aliments en bocal ou en conserve non ouverts et hermétiques constituent les seuls endroits où les moisissures d’origine alimentaire ne se peuvent pas se développer. Il existe cependant des stratégies simples pour ralentir cet inévitable processus. En guise de brève règle à retenir, Lambertini se réfère aux quatre pratiques fondamentales de la sécurité sanitaire des aliments : nettoyer, séparer, cuire et réfrigérer. 

« La température est un élément important », révèle Don Schaffner, directeur du département des sciences alimentaires de l’Université Rutgers. « Les micro-organismes ne sont que de petits sacs de réactions chimiques ; en abaissant la température, nous ralentissons donc leur développement. »

La réfrigération ou la congélation de certains aliments, comme le pain ou d’autres produits de boulangerie, permet en effet d’optimiser leur durée de conservation. Veillez à maintenir votre réfrigérateur à une température de 1 à 4 °C, et évitez de le remplir excessivement afin de permettre une circulation suffisante de l’air, qui élimine l’humidité et empêche la formation de moisissures, conseille Lambertini.

Dans la mesure du possible, couvrez vos aliments pour empêcher les spores en suspension dans l’air de s’y déposer, et conservez les produits séparément, en particulier s’ils ont une forte teneur en eau, dans des récipients propres et fermés, afin d’éviter toute contamination croisée. La chercheuse ajoute que le nettoyage régulier du réfrigérateur, des plans de travail et des éponges permet également de minimiser l’accumulation ou la propagation des colonies de moisissures. Des produits ménagers courants, tels que le vinaigre blanc ou l’eau de Javel diluée, font grandement l’affaire.

Bien sûr, certains aliments sont plus propices aux moisissures que d’autres : les fruits et légumes, par exemple. Pour réduire facilement les moisissures transmises par ces derniers, pensez à les laver juste avant de les consommer.

« Les fruits rouges étant très sujets à la moisissure, il est préférable de les rincer avant de les manger », explique Schaffner. Si vous les lavez directement à votre retour de l’épicerie, vous risquez toutefois de les conserver avec l’eau résiduelle de ce nettoyage.

Selon Jae-Hyuk Yu, généticien spécialiste des moisissures à l’Université du Wisconsin à Madison, les légumes du genre Allium (comme l’oignon et l’ail) sont particulièrement vulnérables à la moisissure noire, un champignon du sol. Celle-ci peut être lavée ou coupée en toute sécurité, mais le spécialiste recommande tout de même de conserver les oignons et l’ail dans des sacs en filet, qui permettent une bonne ventilation. En outre, conservez-les au réfrigérateur pour une prévention optimale de la moisissure.

 

LES DIFFÉRENTS TYPES DE MOISISSURES

Il existe des milliers d’espèces de moisissures différentes, et une grande variété d’entre elles peut se développer dans vos placards.

Parmi elles, seules certaines produisent des toxines. Par exemple, selon Yu, les Penicillium sur les pommes et les Aspergillus sur les raisins et le café produisent des mycotoxines qui, même en cas de faible exposition, peuvent entraîner des intoxications alimentaires ou des lésions rénales. La consommation de niveaux élevés d’aflatoxine, la plus dangereuse des mycotoxines, peut provoquer une toxicité grave dans les aliments et, en cas d’exposition prolongée, un cancer du foie.

Heureusement, selon Lambertini, « il ne s’agit généralement pas du type de moisissures qui se développent dans votre réfrigérateur ».

En réalité, selon des données américaines, la majorité des moisissures visibles qui se développent sur les aliments sont totalement inoffensives. Néanmoins, le défi est de distinguer celles qui sont dangereuses.

« Pour identifier précisément des moisissures, il faut les observer au microscope et utiliser d’autres techniques de laboratoire. Il est préférable de confier cette mission à des professionnels qualifiés », indique Lambertini. Par précaution, mieux vaut partir du principe que les moisissures sont toxiques.

Les moisissures ne sont pas toujours visibles à l’œil nu. En effet, avant de produire les milliards de spores qui créent cette couche floue blanc verdâtre que nous connaissons bien, le champignon peut se développer à l’intérieur d’un aliment. Ce n’est pas parce qu’elle n’est pas visible qu’elle n’est pas présente.

Heureusement, nos papilles gustatives s’avèrent plus efficaces que nos yeux pour nous en protéger. Selon Schaffner, même si vous n’avez rien remarqué d’anormal avant de prendre une bouchée, un goût « inhabituel » constitue généralement une bonne indication que quelque chose ne va pas.

 

QUE FAIRE AVEC UN ALIMENT MOISI ?

Que faire si vous constatez une colonie indésirable sur votre nourriture ? Quels aliments pouvez-vous récupérer, et lesquels devriez-vous plutôt jeter ?

« La nature de l’aliment joue un rôle important », explique Schaffner. Dans le cas d’aliments durs et denses comme les fromages à pâte dure ou les carottes, où l’on peut clairement observer la colonie de moisissures, il n’y a aucun risque à couper la partie moisie, et un centimètre supplémentaire.

En revanche, dans les aliments plus humides (fromages à pâte molle, yaourts, confitures, cornichons, houmous), l’étendue de la moisissure est moins évidente et il est difficile de l’enlever entièrement. « On peut voir la colonie de moisissures sur le dessus, mais une partie est aussi présente en dessous », explique-t-il. Résistez à l’envie de la retirer pour manger ce qu’il y a en dessous ; dirigez-vous directement vers votre poubelle ou votre compost.

Pour la viande et le poisson moisis, suivez cette même règle. Même s’il est tentant d’essayer de congeler ou de cuire les aliments pour détruire les moisissures, cette méthode ne fera que tuer le champignon : les toxines qu’il a produites, quant à elles, seront intactes.

Pour le pain, Schaffner admet qu’il est possible de réussir à couper seulement la partie abîmée ; cependant, même dans ce cas, la moisissure pourra s’être développée plus profondément. Pour éviter d’inhaler un nuage de spores potentiellement dangereux, Yu conseille de sceller et de jeter immédiatement le pain entier, et ce au premier signe de moisissure.

En ce qui concerne les baies, tout dépend de la quantité de moisissures visibles. Si seules une ou deux baies isolées sont concernées, jetez-les et lavez bien les autres, recommande Yu. Au-delà, c’est toutefois risqué, car il est difficile d’évaluer toute l’étendue de la moisissure.

Un peu de moisissure peut également constituer un indicateur utile quant à la sécurité sanitaire des aliments, ajoute Lambertini. En d’autres termes, là où il y a de la moisissure, il est probable qu’il y ait également des bactéries ou une date de péremption imminente.

 

QUE FAIRE SI VOUS INGÉREZ DE LA MOISISSURE ?

Si vous avez accidentellement avalé un morceau de moisissure, il est peu probable que ce dernier soit toxique, et même s’il l’est, une petite quantité ne devrait pas vous faire paniquer.

En revanche, les experts conseillent de surveiller l’apparition de symptômes tels que des nausées, des diarrhées et un essoufflement, et de consulter un médecin si vous ne vous sentez pas bien. Pour les personnes immunodéprimées, Yu recommande de consulter un médecin systématiquement en cas de doute relatif à la consommation ou à l’inhalation de moisissures. N’oubliez pas d’apporter un échantillon de la moisissure en question afin de permettre une inspection plus approfondie de celle-ci.

Apprendre à vivre avec les moisissures fait partie intégrante de la vie humaine. Comme le rappelle Schaffner, les moisissures « étaient là bien avant nous et [seront] encore là bien après notre disparition ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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