Cet animal est l'ancêtre commun des chauves-souris, des baleines… et des humains

Les mammifères placentaires qui arpentent aujourd'hui notre planète descendent tous du même petit insectivore qui a vécu des centaines de milliers d'années après l'extinction des dinosaures.

De Ed Yong
Publication 22 nov. 2023, 17:49 CET
A reconstruction of the ancestral placental mammal

Reconstitution de l'ancêtre commun des mammifères placentaires qui arpentent aujourd'hui la Terre.

Illustration de Carl Buell

Avec ses 190 tonnes et son corps parfaitement adapté à la nage, la baleine bleue est un mammifère placentaire. Tandis que le terme « mammifère » est utilisé pour qualifier les nombreuses espèces qui nourrissent leurs petits avec du lait après leur naissance, « placentaire » définit quant à lui l’infra-classe de mammifères dont les femelles disposent d’un placenta qu’elles utilisent pour nourrir les petits à naître pendant la gestation ; cet organe éphémère leur permet d’échanger de l’oxygène et des nutriments sans pour autant échanger de sang.

Avec ses 1,5 gramme et son corps parfaitement adapté au vol, la chauve-souris bourdon est également un mammifère placentaire. Tout comme vous, mais aussi comme l’ours, le fourmilier, la girafe, l’écureuil, ou encore le tatou, le rhinocéros, le lapin, le lamantin et le pangolin.

Toutes ces créatures, dans toute leur diversité de formes et de tailles, sont le fruit d’une longue évolution découlant d’un ancêtre commun : un petit animal insectivore discret qui a vécu quelques centaines de milliers d’années après la catastrophe qui a provoqué la disparition de la grande majorité des dinosaures.

En 2013, une équipe de scientifiques américains est parvenue à reconstituer, avec un niveau de détail extraordinaire, l’apparence de cette espèce placentaire ancestrale. L’équipe a prédit son poids, le nombre de molaires dont elle était dotée, la forme de ses spermatozoïdes ainsi que le trajet que suivait son artère carotide dans son cou. Cependant, aucune de ces informations ne provenait d’un potentiel fossile de la créature elle-même : les prédictions se basaient en réalité sur quatre-vingts de ses descendants, certains encore en vie, et d’autres disparus depuis longtemps. J’ai détaillé et publié ces résultats, en expliquant notamment ce que ces derniers signifiaient pour l’évolution des espèces placentaires, en février 2013 dans la revue Nature News.

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Je tenais néanmoins à partager ici les explications fournies par l’une de mes sources, Olaf Bininda-Emonds de l’Université d’Oldenburg, qui décrivaient parfaitement l’ampleur du travail accompli.

Pour réaliser son analyse, l’équipe a dû documenter et catégoriser les squelettes de 86 espèces différentes selon plus de 4 500 caractères anatomiques. Voici ce que Bininda-Emonds avait à nous révéler il y a dix ans, peu après la publication des résultats :

« Je trouve cette étude absolument stupéfiante. La matrice de données des caractères qu’ils ont rassemblés est à couper le souffle et, lorsqu’elle est combinée aux données sur les séquences d’ADN, elle fournit sans aucun doute l’une des meilleures estimations à ce jour des relations évolutives entre les différents mammifères placentaires.

Pour vous aider à imaginer l’incroyable quantité de travail qui a été nécessaire pour coder plus de 4 500 caractères pour près de 90 espèces différentes, voici mon expérience : je n’ai étudié « que » 200 caractères pour 35 espèces (dans le cadre de mon projet de Master) et j’ai passé pour cela 6 semaines d’affilée assis dans divers musées d’Histoire naturelle pendant plus de 8 heures par jour. C’était incroyablement ardu et pas vraiment passionnant. Un peu poussiéreux aussi. Et pour réaliser l’étude entière, ce chiffre est à multiplier par plus de 20 !

Ce que les résultats ne montrent pas, en revanche, c’est l’ampleur de l’effort qui a été nécessaire pour identifier les 4 500 caractères en premier lieu. J’ai entendu des rumeurs selon lesquelles il leur aurait fallu des années pour établir la liste des caractères. Cela peut sembler difficile à croire, mais il ne faut pas oublier que les chercheurs ont dû établir une liste de caractères et de définitions de caractères qui s’appliquent à toutes sortes d’espèces, de la chauve-souris bourdon à la baleine bleue, en passant par toutes les autres espèces étranges et merveilleuses entre les deux (les castors, les éléphants, les phoques, les paresseux, les suricates, et même les humains). Ça fait beaucoup de diversité à essayer de résumer.

Et la difficulté ne s’arrêtait pas là : ils devaient souvent réaliser un véritable travail d’enquête, car bien souvent, une même structure pouvait être désignée par une demi-douzaine d’alias, le nom ou la définition de celle-ci étant souvent propre aux différents groupes taxonomiques. Ainsi, par exemple, un immense travail scientifique a dû être réalisé pour essayer de déterminer si une bride particulière observée sur le haut du fémur d’un morse était, du point de vue de l’évolution, la même structure qu’une crête située dans une position similaire sur le fémur d’un oryctérope ! Et le cas échéant, quel nom les scientifiques devaient-ils désormais utiliser pour qualifier cette structure commune ? »

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    Cet article a initialement paru en 2013 sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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