Découverte d'une espèce de dinosaure aux bras encore plus petits que T. rex

Baptisé Koleken inakayali, ce dinosaure carnivore arpentait les terres de l'actuelle Amérique du Sud durant le Crétacé, il y a 70 millions d'années.

De Riley Black
Publication 24 mai 2024, 11:38 CEST

Le paléontologue Diego Pol analyse un modèle de crâne de Koleken, un carnivore de la fin du Crétacé récemment découvert en Argentine.

PHOTOGRAPHIE DE Luján Agusti

Alors qu’ils fouillaient la formation de La Colonia, en Argentine, à la recherche de nouveaux fossiles de dinosaures, des paléontologues ont remarqué un os d’orteil qui dépassait de la roche. Ils ont alors creusé et découvert une nouvelle espèce de dinosaure, un carnivore qui parcourait la Patagonie préhistorique plusieurs millions d’années avant qu’un impact d’astéroïde ne mette brutalement fin à la période du Crétacé.

Le fossile appartenait à une famille de dinosaures carnivores au museau court connus des experts sous le nom d’abélisauridés. Avec ses collègues, Diego Pol, paléontologue au musée de Paléontologie Egidio Feruglio en Argentine, a choisi de baptiser cette nouvelle espèce Koleken inakayali, en hommage à Inakayal, chef décédé des Tehuelches, un peuple natif de Patagonie orientale, et un nom tiré de leur langue teushen, qui signifie « venant de l’argile et de l’eau ».

Accompagné de son équipe, Pol, qui est également explorateur National Geographic, a mis au jour Koleken inakayali dans le cadre d’un effort visant à comprendre l’évolution des dinosaures avant l’extinction de masse qui, il y a 66 millions d’années, a à jamais transformé la biodiversité de notre planète. À l’heure actuelle, l’essentiel de nos connaissances relatives aux derniers jours des dinosaures nous vient d’une zone relativement restreinte de l’Amérique du Nord. Des découvertes comme celle de Koleken, en Patagonie, permettent ainsi de révéler que ces animaux emblématiques continuaient à évoluer et à prospérer durant les quelques millions d’années qui ont précédé leur violente extinction.

Après la découverte de la première griffe, l’équipe est retournée sur le site afin de continuer les recherches. « Nous avons découvert une concrétion située juste sous la surface ; c’est de là que provenaient tous ces os », décrit Pol, dont l’étude a été publiée cette semaine dans la revue Cladistics. L’équipe a soigneusement collecté les os du crâne du théropode, qui étaient éparpillés dans la concrétion, ainsi que diverses parties de sa colonne vertébrale, de ses hanches et de ses membres.

Illustration numérique de l'apparence qu'aurait eue le dinosaure Koleken, découvert récemment dans la formation de La Colonia.

Illustration de Gabriel Diaz Yantén

« Lorsque nous avons préparé la concrétion au laboratoire, nous avons constaté que toute la partie arrière de Koleken était parfaitement préservée dans toute son articulation », explique Pol. Une partie de la colonne vertébrale, les hanches et les pattes complètes étaient toutes enfermées ensemble, ce qui laisse supposer que le dinosaure a été enterré, et ainsi préservé, avant que son corps ne se décompose et que ses parties ne s’éparpillent.

Il est relativement rare de trouver des os de dinosaures encore reliés les uns aux autres, notamment à cause de la quantité de sédiments qui est nécessaire pour enterrer et préserver un animal aussi imposant, qui dépassait probablement les 6 mètres de long.

L’aspect inédit de la découverte de Koleken n’était toutefois pas évident au premier abord. En effet, des décennies plus tôt, en 1985, des paléontologues avaient déjà mis au jour et baptisé le dinosaure carnivore Carnotaurus dans la même formation géologique.

Ce « taureau carnivore », caractérisé par ses cornes situées au-dessus de chaque œil, est rapidement devenu célèbre. Après un examen approfondi de Koleken, Pol et ses collègues n’ont toutefois trouvé aucun signe de cornes ou d’autres caractéristiques typiques de Carnotaurus. Ils en ont donc déduit que les nouveaux os mis au jour à La Colonia appartenaient à une espèce qui n’avait jamais été découverte auparavant.

 

CORPS IMPOSANT, BRAS MINUSCULES

« Je trouve les arguments des auteurs très convaincants », commente Mauricio Cerroni, paléontologue au musée argentin des sciences naturelles Bernardino Rivadavia, qui n’était pas impliqué dans la nouvelle étude.

Les différences entre les espèces sont en effet évidentes : Koleken ne présente par exemple pas les cornes sourcilières de Carnotaurus, et les os nasaux des deux espèces se distinguent clairement l’une de l’autre. 

Nous ne savons pas si Koleken et Carnotaurus ont un jour cohabité sur notre planète. La formation de La Colonia s’étendant sur environ cinq millions d’années, les deux carnivores auraient tout aussi bien pu vivre à la même époque qu’à plusieurs millions d’années d’écart. Quoi qu’il en soit, grâce à la découverte de Koleken, Pol et ses collègues ont pu en apprendre davantage sur les éléments qui ont permis aux abélisauridés de survivre jusqu’à la fin du Crétacé.

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    PHOTOGRAPHIE DE María Agustinho

    Les dinosaures carnivores de cette famille s’étendaient dans une grande partie de l’hémisphère sud, de l’Argentine, comme Carnotaurus, au Niger, comme Rugops, en passant par Madagascar, comme Majungasaurus. Alors que les tyrannosaures vivaient en grand nombre à travers l’Amérique du Nord et l’Eurasie, les abélisauridés, de leur côté, comptaient parmi les carnivores les plus répandus et les plus diversifiés des continents du Sud. Ils vivaient par ailleurs aux côtés de grands dinosaures de l’infra-ordre des sauropodes, tels que l’herbivore à long cou Titanomachya, découvert par Pol et ses collègues dans la même formation plus tôt cette année, qui pourrait avoir été l’une des proies de Koleken.

    « Les abélisauridés comptent parmi les carnivores les plus remarquables et les plus fascinants du Crétacé ; ils présentent une diversité unique dans l’ornementation de leurs crânes, comme les crêtes, les dômes et les cornes », explique Pol.

    Ils avaient une apparence un peu plus trapue que les célèbres tyrannosaures, et leurs bras dépassaient à peine de leur corps, décrit Federico Agnolin, un paléontologue du musée argentin qui n’était pas impliqué dans la nouvelle recherche.

    Les abélisauridés avaient un crâne court et profond, un cou épais et des bras robustes, une combinaison unique de caractéristiques qui permet de facilement les reconnaître.

    « Les bras des abélisauridés étaient ridicules, encore plus que ceux des tyrannosaures. » Les abélisauridés avaient d’énormes épaules, mais des bras extrêmement courts avec de multiples petits doigts. Ces derniers étaient indubitablement inutiles pour capturer des proies, mais étaient malgré tout assez flexibles. « Nous ne savons toujours pas à quoi servaient leurs pattes avant », révèle Pol.

     

    LES LIENS DU SANG

    Plus étrange encore, les abélisauridés étaient étroitement liés aux noasauridés, un autre groupe de dinosaures de l’hémisphère sud. Tandis que les abélisauridés étaient des prédateurs musclés et corpulents, les noasauridés étaient souvent plus petits et trapus, et préféraient se nourrir de petites proies, et même de plantes.

    « Ils sont tellement différents qu’il est étonnant qu’ils soient de proches parents », explique Pol.

    La découverte de Koleken a encouragé Pol et ses collègues à examiner l’histoire évolutive des deux lignées dans le but de déterminer comment ces dinosaures ont pu connaître des évolutions si distinctes après s’être séparés de leur ancêtre commun durant le Jurassique.

    L’équipe a ainsi appris que les abélisauridés et les noasauridés ont commencé à évoluer rapidement et dans des directions très différentes entre la fin du Jurassique et le début du Crétacé. Selon Cerroni, ces travaux sont importants, car ils permettent de comprendre à quel moment les deux groupes de dinosaures ont commencé à diverger alors qu’ils étaient de si proches parents.

    Alors que les noasauridés connaissaient des transformations au niveau de leurs membres postérieurs et de leur tronc, les crânes des abélisauridés prenaient des formes courtes, ornementées et très carnivores, comme celles de Carnotaurus et de Koleken. L'évolution a également conféré des formes très diverses aux crânes des différents abélisauridés, note Agnolin, tandis que le reste de leur corps restait relativement similaire chez tous les individus.

    Bien que les fossiles datant de cette période soient encore rares, grâce à la découverte de Koleken, les experts ont désormais une idée plus précise des endroits où ils devront poursuivre leurs recherches s’ils souhaitent mettre au jour de telles formes transitionnelles essentielles de fossiles. « Nous devons continuer à chercher des théropodes datant de ces périodes afin d’en apprendre davantage sur ces moments clés » de leur évolution, conclut Pol.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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