Pourquoi ces colosses préhistoriques étaient-ils si grands ?

Les brontothères figuraient parmi les premiers mammifères à retrouver une taille imposante après l'extinction des dinosaures. Ces colosses mesuraient plus de deux mètres à l'épaule et pouvaient facilement dépasser les trois tonnes à la pesée.

De Riley Black
Publication 15 mai 2023, 10:50 CEST
Ce squelette appartient à l'un des plus grands brontothères de l'histoire, une espèce éteinte de mammifère ...

Ce squelette appartient à l'un des plus grands brontothères de l'histoire, une espèce éteinte de mammifère proche des chevaux ressemblant aux actuels rhinocéros. Il est exposé au musée de Géologie de la South Dakota School of Mines and Technology de Rapid City, dans le Dakota du Sud. Les représentants de cette espèce, Megacerops coloradensis, pouvaient atteindre la taille des éléphants de forêt d'Afrique.

PHOTOGRAPHIE DE MILLARD H. SHARP, SCIENCE PHOTO LIBRARY

L'un des premiers groupes de mammifères touchés par la folie des grandeurs rassemblait des créatures semblables aux rhinocéros appelées brontothères, ou « bêtes du tonnerre » en latin. Ces colosses mesuraient plus de deux mètres à l'épaule et pouvaient facilement dépasser les trois tonnes à la pesée. D'après de récents travaux scientifiques, le secret de ce gigantisme résiderait en partie dans la compétition féroce qui régnait aux abords du bar à salades de la préhistoire.

C'est uniquement après la fin de l'âge des dinosaures, survenue il y a 66 millions d'années, que les mammifères ont commencé à gagner en taille. Dans le sillage de cette extinction massive, les survivants dépassaient rarement la taille d'un petit chien. Vingt millions d'années plus tard, il n'était pas rare de voir les mammifères dépasser la tonne. Une nouvelle étude parue dans la revue Science revient sur cette poussée de croissance préhistorique en nous révélant l'histoire cachée de ces colosses du tonnerre.

Apparus il y a 54 millions d'années sur les terres de l'actuelle Amérique du Nord, les premiers brontothères étaient relativement petits, avec un poids avoisinant les 20 kg. Au fil du temps cependant, l'espèce n'a cessé de produire une descendance plus imposante. Sur les 57 espèces connues de brontothères, plus de la moitié pesaient plus d'une tonne.

« Ce groupe a atteint une taille remarquable en relativement peu de temps, » déclare Oscar Sanisidro, paléontologue à l'université d'Alcalá et auteur principal de la nouvelle étude.

En suivant l'évolution de la taille des brontothères et l'apparition de nouvelles espèces au fil du temps, Sanisidro et ses collègues ont cherché à identifier d'éventuelles tendances dans le registre fossile. En d'autres termes, ils ont essayé de déterminer si la taille des mammifères avait évolué de façon stable à travers le temps, si leur taille avait davantage évolué dans un ensemble restreint de niches écologiques ou si les créatures s'étaient diversifiées de multiples façons, sans direction apparente. Le modèle évolutif pourrait nous en dire plus sur les causes potentielles de cette remarquable prise de masse : les créatures auraient-elles grandi pour éloigner les prédateurs ? Ou pour atteindre des sources de nourriture inexploitées dans l'environnement préhistorique ?

De plus, les brontothères ne se sont pas contentés de traverser les âges en grandissant, découvre-t-on dans l'étude. À l'inverse, chaque membre du groupe, petit ou grand, a suivi sa propre histoire évolutive. « Différentes lignées de brontothères ont produit des descendants à la fois grands et petits, » explique Sanisidro. Cela dit, même si la taille des brontothères n'a pas simplement évolué dans une seule direction ascendante, ce sont bien les espèces les plus imposantes qui ont le mieux subsisté.

Les grands brontothères pouvaient accéder à la nourriture située plus en hauteur, échapper à la menace des carnivores ciblant les espèces plus petites et parcourir de plus grandes distances vers des régions verdoyantes plus facilement que les petits herbivores. Dans un monde où la plupart des mammifères tentaient de se tailler une place à l'ombre de la forêt, les brontothères avaient une longueur d'avance.

 

LES PREMIERS GÉANTS

Les scientifiques s'intéressent aux modèles évolutifs des brontothères depuis plus d'un siècle, indique la paléontologue Gemma Benevento, non impliquée dans la nouvelle étude.

« Si l'on considère les mammifères dans leur ensemble, poursuit la scientifique, certains groupes ont connu une croissance de leur corpulence, d'autres ont conservé des tailles diverses et variées alors que certains sont  presque toujours restés petits. » Les mammifères ont colonisé le monde sous une multitude de formes après la disparition des dinosaures et les brontothères ont réagi en développant un vaste éventail de morphologies, mais les plus grands semblent avoir évolué plus souvent et subsisté plus longtemps que leurs congénères miniatures.

Une raison à cela réside dans la façon dont les écosystèmes terrestres ont été bouleversés après l'extinction massive causée par l'astéroïde à la fin du Crétacé. Le monde ne disposait d'aucun animal terrestre véritablement grand dans le sillage du cataclysme.

« S'il semble que la grande taille ait tant réussi aux brontothères et à d'autres mammifères, c'est avant tout grâce à la disponibilité de niche. » À cette époque, les plantes accessibles uniquement aux grands animaux ou pourvues de feuilles que seules les grandes mâchoires pouvaient dévorer constituaient une ressource hautement disponible. En grandissant, les mammifères pouvaient donc accéder à une ressource abondante avec une faible concurrence.

L'histoire des petits brontothères renforce la théorie. Lorsque Sanisidro et ses collègues se sont intéressés à la durée de survie de ces mammifères à cornes et de leurs communautés, ils ont découvert que les brontothères de petite taille avaient bien du mal à survivre aux côtés des herbivores séduits par le même type de végétation.

« Les spécimens plus imposants vivaient plus longtemps et parvenaient mieux à éviter la concurrence alimentaire dans un monde rempli de petits herbivores aux régimes similaires, » explique Sanisidro.

La nouvelle étude esquisse également le profil de l'événement qui aurait pu causer la perte des brontothères. Ces créatures du tonnerre préféraient souvent la végétation épaisse et feuillue des forêts humides à celle plus résistante poussant au ras du sol.

« Lorsque le climat est devenu plus sec, indique Sanisidro, les générations ultérieures de brontothères ont été contraintes de se cantonner aux habitats en milieux humides et en bord de rivière. » À l'heure où le climat est entré dans une nouvelle ère et les forêts verdoyantes ont cédé leur place à de vastes prairies, nos colosses du tonnerre se sont retrouvés au bord du gouffre de l'évolution. Bien incapables de tenir le rythme des mutations de leur environnement, ils ont à leur tour cédé leur place sur la scène du royaume animal à l'avènement de nouveaux mammifères géants.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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