L’incidence des cas de cancers a doublé en France depuis les années 1990

L’évolution du taux d’incidence des principaux types de cancers en France métropolitaine est suivie depuis 1985. Les registres révèlent une inquiétante augmentation du nombre de cas parmi la population en 2023.

De Marie Zekri
Publication 24 juil. 2023, 17:53 CEST
Cellules cancéreuses en culture à partir de tissu conjonctif humain (grossissement x500). Elles sont éclairées et ...

Cellules cancéreuses en culture à partir de tissu conjonctif humain (grossissement x500). Elles sont éclairées et contrastées sur fond noir (1987).

PHOTOGRAPHIE DE Institut National du Cancer

L’Institut National du Cancer définit le cancer comme une maladie provoquée par la transformation de cellules qui deviennent anormales et prolifèrent de façon excessive. Cette prolifération forme une masse qu'on appelle tumeur maligne. Les cellules cancéreuses ont tendance à envahir les tissus voisins et à se détacher de la tumeur. Elles migrent alors par les vaisseaux sanguins et les vaisseaux lymphatiques pour aller former une autre tumeur (métastase).

La sortie du bulletin hebdomadaire de Santé Publique France, le 4 juillet 2023, réalisé sous la direction du Dr. Bénédicte Lapôtre-Ledoux, directrice du registre des cancers de la Somme et du Dr Tania d’Almeida, directrice du registre des cancers de la Haute-Vienne, ainsi que du panorama 2023 des cancers en France, produit par l’Institut National du Cancer, rend compte de l’évolution inquiétante de l’incidence des dix-neuf cancers les plus fréquents en France pour l’année 2023. 

 

UNE AUGMENTATION DES CAS DE CANCERS

Le Dr. Gautier Defossez, directeur du registre des cancers du Poitou-Charentes, explique que « le taux d’incidence est le rapport entre le nombre de nouveaux cas de cancers recensés sur une période déterminée (souvent sur un an), rapporté au nombre de personnes à risque de développer le cancer ». Il ajoute que ce raisonnement en taux est adopté afin de « s'affranchir de l'évolution démographique de la population et d'obtenir ainsi une situation comparable du risque de cancer dans le temps et dans l'espace, à taille de population et répartition d'âges égales ».

L’étude récemment publiée recouvre un quart de la population de France métropolitaine, à partir de « registres de cancers », qui sont des structures épidémiologiques implantées sur plusieurs départements. Ces structures permettent de garantir une vision exhaustive de la survenue des cancers sur le territoire couvert. Les observations détaillent des tendances qui permettent d’estimer la situation du cancer en France. Les chercheurs réalisent ensuite des projections pour estimer l’incidence sur les données récentes. « Ces modèles statistiques permettent de prolonger les tendances récentes ou non, et de confirmer cette évolution au regard des années 2019 à 2023 », ajoute le Dr. Defossez. 

Nombre de cas de cancers en France en 2023, rapportés au taux d'incidence entre 2010 et 2023.

 

PHOTOGRAPHIE DE Institut National du Cancer

Les premiers registres, apparus dans l’est de la France dans les années 1975 ont été développés sur des initiatives de recherche, notamment en lien avec des préoccupations environnementales. Il y avait en effet dans cette région des usines d’incinération d’ordures ménagères, « pour lesquelles on pensait qu’il y avait des nuisances locales », précise le Dr. Defossez. « On souhaitait alors avoir un recensement exhaustif des cas sur ces territoires ». 

Progressivement, et de façon assez hétérogène dans les premiers temps, ces registres sont devenus des outils de référence en surveillance épidémiologique en matière de prévention du cancer. Puis progressivement, ces centres ont été coordonnés par un Comité National des Registres (CNR), qui en 1986 a commencé à mettre en place une politique de développement de nouveaux registres. « On arrive aujourd’hui à couvrir entre 21 et 24 % de la population française, grâce à 28 registres généraux et spécialisés, répartis sur le territoire », explique le Dr. Defossez. Tous cancers confondus, les évolutions observées révèlent un doublement du nombre de nouveaux cas de cancers depuis 1990 chez l’homme et la femme. 

En France, on compte 433 136 nouveaux cas de cancers recensés en 2023, dont 57 % chez les hommes et 43 % chez les femmes. Le pronostic chez les hommes s’est amélioré ces dernières années, bien que le taux de mortalité reste le plus élevé. On constate en effet une diminution du nombre de cancers de la prostate, du poumon, ainsi que du colon. Chez la femme, on constate en revanche une augmentation très préoccupante du nombre de cas de cancers du poumon (+ 4,3 %) ainsi que du pancréas (+ 3,3 %), deux des cancers présentant les plus mauvais pronostics.

 

MULTIPLES LOCALISATIONS, MULTIPLES CAUSES

« Le cancer est une pathologie multifactorielle », précise Dr. Defossez. Le cancer n’est pas une seule et même maladie. Il y a une multitude de cancers, et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ces dégénérescences sont si instables et complexes à comprendre et à traiter.

Dans la récente publication, la restitution des informations obtenues par les registres des cancers donne une vision sur certaines localisations de cancers. « Ce sont les dix-neuf cancers les plus fréquents qu’on observe chez les deux sexes », explique-t-il. Cette étude permet de comprendre l’évolution des cancers qui touchent principalement la population depuis les années 1990. 

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    Les 4 principaux facteurs de risque de développer un cancer.

    PHOTOGRAPHIE DE Institut National du Cancer

    « Quand on regarde l’évolution du cancer, on observe qu’il y a une augmentation régulière du nombre de nouveaux cas », explique le Dr. Defossez. « Lorsqu’on raisonne en nombre de cas, on s’aperçoit que cette augmentation doit être modérée par les évolutions démographiques ». Entre 1990 et 2023, la population française a largement augmenté. De plus, on observe un phénomène de vieillissement général de la population.

    Le raisonnement en taux permet d’obtenir une situation comparable du risque de cancer dans le temps et dans l'espace. Cependant, malgré cette « standardisation », qui permet d’obtenir des résultats comparables, on observe une nette augmentation du nombre de cancers. 

    Les facteurs de risques sont variables et doivent être appréhendés au cas par cas. Dans le cas du cancer du poumon, le principal facteur de risque est le tabac. « Le tabac est un facteur de risque majeur qui explique ce résultat contrasté entre les hommes et les femmes ». L’augmentation des cas de cancers, selon un « taux standardisé monde », est en effet de 0,3 % chez les hommes et de 0,9 % chez les femmes, lesquelles connaissent une croissance de près de 5 % des cas de cancers du poumon par an. « On a une augmentation très claire aujourd’hui de l’incidence des cancers chez la femme, qui ont tendance à rattraper les taux déjà très élevés de cancers du poumon qu’on observait chez l’homme depuis maintenant une cinquantaine d’années », ajoute le Dr. Defossez.

    Cependant, d’autres facteurs de risques peuvent intervenir dans le développement d’un cancer du poumon, comme notamment la pollution atmosphérique. Les facteurs de risque fréquement incriminés sont le tabac pour 17 localisations différentes, le surpoids et l’obésité pour 14 localisations, l’alcool pour 8 localisations, et enfin une alimentation déséquilibrée pour deux localisations. Les pratiques diagnostiques peuvent également jouer un rôle. Le cancer de la thyroïde a d’ailleurs longtemps été concerné par la question du « surdiagnostic ». « L’utilisation de moyens d’imagerie de plus en plus précis a conduit à la détection de petites tumeurs indolentes n’évoluant pas pour la plupart vers des cancers agressifs », précise le Dr. Defossez.

     

    LE DÉPISTAGE 

    Le cancer du sein reste le cancer le plus répandu chez la femme. Cependant l’évolution de son taux d’incidence est toujours en progression. Il est important de savoir que les localisations de ces types de cancers sont fortement impactées par l’âge de la patiente. Même si des cancers du sein comme le cancer triple négatif peuvent survenir chez des patientes âgées seulement d'une vingtaine ou trentaine d'années, le dépistage organisé du cancer du sein s'effectue à partir de cinquante ans de manière systématique. La mise en place de ces campagnes a permis de détecter un certain nombre de cancers, mettant en lumière une vulnérabilité liée à l’âge. Ces campagnes de dépistage ont également permis de détecter au plus tôt un certain nombre de cancers, notamment celui de la prostate chez l’homme. 

    En dehors de ces campagnes de dépistage, toute grosseur suspecte ne disparaissant pas doit faire l'objet d'une consultation chez votre médecin généraliste, votre gynécologue ou urologue.

    Image microscopique de la circulation de cellules cancéreuses du sein.

    PHOTOGRAPHIE DE Alamy Banque d’images

    Le Dr. Defossez insiste sur l'importance de participer à des programmes de dépistage, afin de prévenir le développement de tumeurs malignes, mais rappelle également l’importance d’accompagner et de simplifier l’accès aux données par les registres des cancers, lesquels permettent de mieux observer et comprendre ces cancers qui touchent de plus en plus de personnes. 

    Il insiste également sur le fait que le tabagisme, qui reste aujourd’hui l’un des principaux facteurs de risque dans l’augmentation des cas de cancer aujourd’hui, doit être évité. Dans le cas des cancers de la peau, l’usages d’écrans solaires doit être systématique et l’exposition prolongée aux UV, limitée. Enfin, privilégier un mode de vie sain, une activité physique régulière, ainsi qu’une alimentation variée et équilibrée, doit selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), permettre d’éviter 40 % des cancers. Les « facteurs de risques individuels » liés aux modes de vie actuels viennent majoritairement expliquer ces évolutions.

    « Il y a des facteurs qu’on ne maîtrise pas encore très bien », des facteurs environnementaux, des prédispositions génétiques, qui peuvent favoriser certains cancers comme le cancer du pancréas. Le Docteur Defossez conclut qu’étant donné le pronostic de ce type de cancers, il est essentiel de poursuivre la recherche. 

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