Vaut-il vraiment mieux utiliser un déodorant naturel ?

De nombreux déodorants naturels sont dépourvus d’aluminium, de phtalates et de parabènes. Sont-ils pour autant "plus sûrs" et "plus verts" ?

De Natalia Mesa
Publication 12 sept. 2023, 18:13 CEST
Certains déodorants comme celui-ci utilisent des sels d’aluminium à la place de l’aluminium. Si les déodorants ...

Certains déodorants comme celui-ci utilisent des sels d’aluminium à la place de l’aluminium. Si les déodorants sans aluminium deviennent de plus en plus populaires, les seuls produits anti-odeurs à être vigoureusement testés par l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux sont les anti-transpirants à base d’aluminium.

PHOTOGRAPHIE DE Viktar Savanevch / Alamy Banque D'Images

Après une enquête faisant suite à un grand nombre de plaintes d'utilisatrices reportant l'apparition de kystes douloureux au niveau des aisselles, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a fait retirer du marché le déodorant de la marque Nuud. Ayant bénéficié d'une grande campagne marketing et d'influence vantant ses mérites, ce produit était présenté comme un « anti-odeurs totalement naturel, efficace entre 3 et 7 jours. » L'ANSM indique que « l’apparition de ces kystes douloureux peut s’expliquer par la forme galénique du déodorant, une pommade majoritairement grasse, qui favoriserait l’obstruction des pores des aisselles avec la possibilité d’une surinfection microbienne, par un effet occlusif. »

Les odeurs corporelles viennent de certaines bactéries présentes sur notre peau, qui, en décomposant la sueur, produisent des effluves âcres. Les déodorants comme les anti-transpirants visent à limiter ces odeurs, à la différence que les anti-transpirants bloquent la transpiration quand les déodorants, du fait de leur composition, absorbent la sueur, tuent les bactéries ou masquent les odeurs.

Ces odeurs font partie intégrante de notre physiologie et peuvent même servir de moyen de communication avec les autres humains, explique Pam Dalton, psychologue cognitive au Monell Chemical Senses Center, à Philadelphie, en Pennsylvanie.

Elles sont fonction de notre humeur, de notre âge, de notre état de santé, mais aussi de notre culture dans le sens où, dans la plupart des cultures, les odeurs corporelles ne sont pas considérées comme désagréables, explique-t-elle. « L’odeur corporelle devient incommodante à partir du moment où elle est perçue par le prisme de la culture. »

Les États-Unis ont une véritable aversion pour l’odeur qu'émettent les bactéries qui vivent sur notre peau. En 2023, le marché américain des déodorants représentait 6 milliards de dollars, soit un quart du marché mondial.

Les anti-transpirants bloquent la transpiration au niveau des aisselles, des pieds ou de toute autre zone où ils sont appliqués, rendant ainsi la peau moins hospitalière pour les bactéries qui vivent grâce à la sueur. L’aluminium est souvent utilisé à cette fin, car il obstrue les glandes à l’origine de la transpiration que sont les glandes sudoripares eccrines, réparties sur tout le corps, et les glandes sudoripares apocrines, concentrées au niveau des zones poilues du corps.

Les déodorants ne s’attaquent qu’aux odeurs, pas à la transpiration. Ils peuvent contenir d’autres ingrédients aux propriétés antimicrobiennes, comme le bicarbonate de soude, efficaces chez certaines personnes.

Pourquoi ces ingrédients sont-ils aujourd’hui pointés du doigt ? Nous avons demandé à plusieurs experts de répondre à cette question.

Si les déodorants ne font que prévenir les odeurs, pas la transpiration, ils ne sont pas pour autant inefficaces. Un déodorant peut très bien répondre à vos besoins.

PHOTOGRAPHIE DE Sophie Chivet, Agence VU', Redux

 

« NATUREL » EST-IL SYNONYME DE « SANS DANGER » ?

Certains déodorants sont qualifiés de « naturels », alors qu’il n’existe aucune définition claire et officielle de ce terme, explique Nina Botto, dermatologue à l’université de San Francisco.

Le terme « naturel » a mille et une acceptions : il peut tout autant signifier qu’un produit utilise des ingrédients dérivés de plantes, que le fait qu’il ne contienne aucun composé d’aluminium potentiellement absorbable par la peau.

Les anti-transpirants sont les seuls produits à masquer les odeurs qui nécessitent l’approbation de l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA). Cela implique que contrairement aux produits chimiques contenus dans les déodorants, la FDA a rigoureusement évalué le risque des anti-transpirants sur la santé et leur efficacité, explique Joe Zagorski, toxicologue au Center of Research on Ingredient Safety de l’université d’État du Michigan.

Comme les anti-transpirants agissent à la fois sur la transpiration et sur les odeurs, ces produits sont certainement les plus efficaces pour la majorité des gens, explique Botto. Si l’aluminium contenu dans les anti-transpirants peut provoquer une réaction allergique appelée dermatite de contact chez une petite minorité d’individus à la peau sensible, il est généralement sans danger pour la plupart des gens, ajoute-t-elle.

Lancée par une chaîne de mails dans les années 1990, la rumeur persistante selon laquelle l’aluminium contenu dans les anti-transpirants provoquerait le cancer du sein n’est étayée par aucune preuve scientifique. Les chercheurs considèrent d’ailleurs l’affaire close, souligne Harold Burstein, oncologue spécialisé dans le cancer du sein. Même si l’on sait que la peau absorbe une petite quantité de l’aluminium contenu dans les anti-transpirants, il n’y a aucune raison de penser que les produits contenant de l’aluminium causent la maladie d’Alzheimer. D’autant plus que les scientifiques n’ont pas réussi à établir un lien clair entre la maladie d’Alzheimer et l’aluminium.

 

LES DÉODORANTS SONT-IL EFFICACES ?

Sans aluminium, les déodorants ne s’attaquent pas à la cause première des odeurs corporelles qu’est la transpiration, et risquent par conséquent d’être moins efficaces que les anti-transpirants, explique Dalton.

Tout dépend de qui les utilise. Certaines personnes transpirent plus que d’autres, sans oublier que nous n’avons pas tous les mêmes bactéries sur la peau. Les déodorants peuvent ainsi très bien suffire à bloquer les odeurs corporelles de quelqu’un, comme s'avérer inefficaces chez quelqu’un d’autre.

Les déodorants peuvent contenir des cristaux d’aluminium (considérés comme trop gros pour être absorbés par les aisselles) ainsi que d’autres sels minéraux, des prébiotiques, des probiotiques et des parfums naturels comme des huiles essentielles, explique Zagorski.

Les cristaux d’aluminium et autres sels minéraux ont pour objectif d’empêcher la croissance bactérienne, quand les prébiotiques et les probiotiques sont censés réduire la quantité de bactéries malodorantes sur votre peau. Selon Zagorski, s’il existe des preuves de l’efficacité des cristaux d’aluminium, la plupart de ces ingrédients n’ont pas fait l’objet de tests rigoureux.

 

LES DÉODORANTS SONT-ILS PLUS SÛRS QUE LES ANTI-TRANSPIRANTS ?

Les déodorants sont composés d’ingrédients « généralement reconnus comme sans danger » par la FDA. Bien que les fabricants ne soient pas tenus de prouver l’efficacité de leurs déodorants, « tous les fabricants de ce type de produits ont la responsabilité légale de prouver que leurs produits sont sans danger pour l’Homme », explique Zagorski.

En plus d’être « 0 % aluminium », les déodorants naturels se vantent parfois d’être « sans parabène », « sans phtalates » ou exempts de tout autre produit chimique. Les parabènes sont généralement utilisés comme conservateurs et les phtalates pour faciliter la diffusion des déodorants et des anti-transpirants. Ces deux substances sont des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des produits chimiques qui interfèrent avec la capacité de l’organisme à produire des hormones (ils sont également présents dans d’autres produits de soins, dans des produits pharmaceutiques et même dans certains aliments).

Les perturbateurs endocriniens ont été associés à des cancers chez des souris de laboratoire, ce qui fait craindre qu’ils puissent avoir des effets similaires chez l’Homme. Zagorski souligne que les preuves scientifiques montrent que les déodorants et les anti-transpirants sont sans danger pour l’humain et que les perturbateurs endocriniens qu’ils contiennent y sont présents en quantités si infimes qu’ils sont plus que probablement inoffensifs.

Jeannette Graf, dermatologue à la Mount Sinai School of Medicine, soutient elle aussi qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter au sujet des parabènes. Même selon l’American Chemical Society, il n’y a probablement aucun lien entre les parabènes présents dans les produits de soins et le cancer du sein.

Cependant, si la plupart des experts affirment que les déodorants et les anti-transpirants sont sans danger, d’autres n’en sont pas si sûrs. Julia Brody, scientifique principale au Silent Spring Institute, soutient qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour démentir le rôle des perturbateurs endocriniens dans le cancer du sein chez la femme. S’il est vrai que les produits de beauté ne contiennent que de petites quantités de perturbateurs endocriniens, l’effet cumulatif peut, lui, être important, ajoute Brody.

Il n’est pas mince affaire d’éviter ces produits chimiques, ajoute Brody, car les listes d’ingrédients sur les étiquettes ne sont pas nécessairement exhaustives. Pour pallier le problème, des applications comme Yuka aident les consommateurs à décrypter le contenu de leurs produits de soins.

Botto et Zagorski précisent toutefois que ce n’est pas parce qu’un ingrédient est d’origine végétale qu’il est sans danger. Zagorski ajoute que certains produits d’origine végétale sont également des perturbateurs endocriniens, à l’image de l’huile essentielle de lavande et de l’huile de tea tree, ou arbre à thé. 

Par ailleurs, Botto explique qu’elle reçoit davantage de patients pour des problèmes de peau causés par des parfums naturels que par des parfums synthétiques. Elle met généralement ses patients en garde contre les parfums naturels et leur conseille d’opter pour des produits sans parfum.

 

L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL DES PRODUITS DE SOIN

Les produits sans parfums sont aussi sûrement mieux pour la planète. En 2018, Brian McDonald, chercheur à l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), et son laboratoire ont publié une étude montrant que dans les grandes villes des États-Unis, les déodorants, ainsi que les shampooings et autres parfums, contribuent de manière significative à la pollution sous forme de composés organiques volatils (COV), du moins maintenant que les émissions des véhicules ont diminué.

« Les produits de soin diffusent des parfums de l’environnement naturel », qui réagissent avec certains composés de l’atmosphère, ce qui « contribue à la pollution de l’air », explique McDonald.

Sans oublier que l’industrie des déodorants produit un peu moins de 7 millions de tonnes de plastique chaque année, ce qui alimente le problème de la pollution plastique dans le monde.

Soucieux de l’environnement, vous voudrez peut-être vous en tenir à des produits sans parfum et sans plastique. « Si les gens utilisent des produits de soins, c’est pour une bonne raison. Maintenant reste à savoir s’il existe des moyens de concevoir des produits moins polluants », souligne MacDonald.

En fin de compte, « c’est au consommateur de décider de ce qui lui convient », déclare Graf. Dalton la rejoint sur ce point. « Il nous faut réfléchir à nos objectifs, prêter attention à la liste des ingrédients et prendre une décision adaptée. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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