La démence, des troubles qui augmentent avec notre espérance de vie

Les cas de démence se multiplient. La maladie est incurable, mais les soignants et les familles innovent pour permettre aux patients de vivre dignement.

De Claudia Kalb, photographies par Isadora Kosofsky
Publication 4 mars 2024, 11:14 CET
Bama Bradley a montré des signes d’un Alzheimer familial, ou héréditaire, à 25 ans, après la naissance de sa fille. ...

Bama Bradley a montré des signes d’un Alzheimer familial, ou héréditaire, à 25 ans, après la naissance de sa fille. À aujourd’hui 31 ans, elle vit dans une structure de soins dans le Missouri. Les chercheurs étudient cette forme rare de la maladie, qui se déclare en général entre 30 et 50 ans, pour saisir son évolution et la prévenir.

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Jackie Vorhauer et sa sœur ont vu le comportement de leur mère changer en 2012. Nancy Vorhauer, artiste verrière à l’aube de ses 70 ans, a oublié d’appeler Jackie pour son anniversaire. Elle a perdu son téléphone. Elle n’a plus payé ses factures. Voyant que les symptômes de Nancy s’aggravaient, Jackie a fait le voyage de Los Angeles, où elle vivait, jusqu’à Millville, dans le New Jersey, pour vérifier l’état de santé de sa mère. Arrivée un soir, elle a trouvé porte close. Un peu plus tard, Nancy est apparue tirant une valise à roulettes contenant une pile d’horaires de bus, un jouet pour chat, une décoration de Noël brisée et des billes en verre -ses créations. «Salut Jack, a-t-elle simplement dit à sa fille. Que fais-tu ici ? »

Nancy a confié plus tard à ses filles qu’elle ressentait comme «un trou noir dans [ses] souvenirs». Après le diagnostic de sa démence, en 2017, elle a passé quatre ans dans deux services spécialisés dans les troubles cognitifs. Le premier avait tendance à s’en remettre aux antipsychotiques, souvent utilisés pour traiter les problèmes de comportement liés à la démence. Le second avait quelques soignants fantastiques, mais manquait de main-d’œuvre et le personnel n’était pas formé pour gérer cette pathologie, souligne Jackie. 

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    Melvin Schantz, 91 ans, et sa femme, Meme, 90 ans, sont atteints d’Alzheimer. Melvin, moins touché, a pourtant choisi de vivre avec son épouse au centre Aegis Living, en Californie.

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    Aujourd’hui, on estime à quelque 57 millions le nombre de personnes dans le monde frappées de démence ; elles devraient être environ 153 millions d’ici à 2050. Dans l’intervalle, les frais médicaux et paramédicaux, eux, pourraient atteindre les 15000 milliards d’euros au niveau mondial. De nombreux éléments contribuent à cette hausse: d’abord, le vieillissement de la population; l’augmentation de facteurs de risques comme l’obésité et le diabète, ensuite; enfin, l’aggravation de la pollution de l’air qui, d’après des études, dégrade la santé du cerveau. Ajoutons à cela la baisse des taux de natalité –ce qui signifie moins d’aidants–, et une crise latente se profile. «La situation va devenir de plus en plus difficile, avertit le chercheur Kenneth Langa, spécialiste de la démence à l’université du Michigan. Il faut trouver une solution. »

    Lorsqu’il est question de démence, la priorité est le personnel soignant. Beaucoup de ceux qui accompagnent les personnes affectées par cette pathologie en sont intimement conscients. Ils connaissent la douleur de voir une mère lutter pour trouver ses mots, ou un veuf attendre sa femme pour le dîner. Mais ils considèrent aussi que les malades sont des personnes, pas un agrégat de symptômes. Cette conviction, forgée par leur expérience personnelle, alimente un mouvement visant à supprimer des soins obsolètes au profit d’une approche globale.

    Dona Blackman, 89 ans, est attablée dans un diner des années 1950, un des décors de Glenner Town Square, un centre d’accueil de jour pour malades d’Alzheimer situé à Chula Vista, en Californie. Ces structures, basées sur la thérapie par réminiscence, ont essaimé aux États-Unis.

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    Il n’est pas question de la mort, précise Elroy Jespersen, cofondateur du Village Langley, au Canada, le premier « village Alzheimer» à grande échelle en Amérique du Nord. Sa démarche repose sur un«enrichissement de la vie». «C’est possible dès que l’on se concentre sur la personne: qui elle est, qui elle veut encore être et ce qui la rend joyeuse.» 

    La démence se manifeste en général après 65 ans. Ce mot fourre-tout recouvre plusieurs maladies, dont celle d’Alzheimer, la démence vasculaire, la démence à corps de Lewy et la démence fronto-temporale. Beaucoup plus rare, la forme autosomique dominante de la maladie d’Alzheimer se déclare entre 30 et 50 ans et résulte d’une mutation génétique transmise d’un parent à un enfant. Ces divers troubles sont biologiquement différents : Alzheimer se caractérise ainsi par des plaques dans le cerveau formées par une protéine, la bêta-amyloïde, tandis que la démence vasculaire survient après la réduction ou le blocage du flux sanguin dans le cerveau; par ailleurs, ces pathologies peuvent se manifester en même temps. Mais l’issue reste la même: une perturbation de la communication des cellules nerveuses (neurones) entre elles et, à terme, la mort de celles-ci.

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